La fabuleuse histoire de la cuisine française ( suite )
Convive assidu à la table du Prince de Bénévent, Brillat-Savarin est né à Belley, le 2 avril 1755.
Jean-Anthelme Brillat-Savarin
Fils de Marc-Anthelme Brillat, Seigneur du Pugieu-en-Bugey, il a reçu le prénom de Jean-Anthelme. Une de ses grandes tantes, Melle Savarin, en fit son légataire universel à condition qu’il ajoutât son nom au sien propre : ainsi devient-il Brillat-Savarin.
Dans sa famille on est gens de robe de père en fils depuis longtemps ; il fait donc ses études de droit à Dijon et devient avocat au tribunal civil de Belley, puis représentant du Tiers-Etat à l’Assemblée Constituante. Mais son royalisme est connu et il doit s’exiler en Suisse, puis en Amérique et revient en France en septembre 1796 ; il s’enrôle dans l’armée du Rhin, puis entre dans la magistrature. Parent de la belle Madame Récamier – sa mère est née Claude Aurore Récamier est la cousine de son discret époux – le voici familier des salons à la mode où il est vite connu comme anecdotier agréable, convive spirituel et gourmet averti. Il y amasse une quantité d’observations qui vont lui fournir la matière d’un livre qui paraît à compte d’auteur en octobre 1825 : » La physiologie du goût « .
Il écrit dans un style souvent pédant, emprunté aux médecins de l’époque. Car Brillat-Savarin se dit lui-même » médecin amateur « . Le livre est un succès immédiat…
Mais le 21 janvier 1826, Brillat-Savarin se rend à la cérémonie expiatoire de la mort de Louis XVI, célébrée alors tous les ans à Saint-Denis ; il y prend froid et meurt le 2 février 1826.
L’éditeur Sautelet, devant le succès du livre, propose à un des frères de Brillat-Savarin d’acheter aux héritiers tous les droits pour 1000 francs. Les héritiers lui donnent en prime les droits des autres œuvres de Brillat-Savarin : » Essai historique et critique sur le duel « , » Projet d’économie politique « , quelques contes libertins et… le violon du défunt, un Stradivarius dont Sautelet fait profiter un de ses amis, Henri Roux, pour 3000 francs.
Le livre sera l’objet de nombreuses rééditions et c’est l’un des rares de cette époque que l’on lise encore sans ennui.
Un souper d’Huîtres
Un » souper » d’huîtres au XVIII ° siècle. Détail d’une peinture de De Troy. Chantilly, musée Condé. Photo Giraudon
Certains aphorismes sont connus de tous, mais bien peu de personnes connaissent leur auteur.
» Les animaux se repaissent, l’homme mange. L’homme d’esprit sait manger.
« Dis-moi ce que tu manges, je te dirais qui tu es.
» Un dessert sans fromage est une belle à qui il manque un œil.
» Convier quelqu’un, c’est se charger de son bonheur, pendant tout le temps qu’il est sous votre toit « .
Brillat-Savarin a également laissé des recettes dont celle de l’omelette au thon :
» Prenez pour six personnes deux laitances de carpe bien lavées que vous ferez blanchir en les plongeant cinq minutes dans l’eau déjà bouillante et légèrement salée. Ayez pareillement gros comme un œuf de poule de thon nouveau, auquel vous joindrez une petit échalote déjà coupée en atomes.
Hachez ensemble les laitances et le thon de manière à les bien mêler et jetez le tout dans une casserole, avec un morceau suffisant de très bon beurre, pour l’y faire sauter jusqu’à ce que le beurre soit fondu.
C’est là ce qui constitue la spécialité de l’omelette.
Prenez encore un second morceau de beurre à discrétion, maniez-le avec du persil et de la ciboulette. Mettez-le dans un plat pisciforme, destiné à recevoir l’omelette ; arrosez-le d’un jus de citron et posez-le sur la cendre chaude. Battez ensuite douze œufs ( les plus frais seront les meilleurs ) ; le sauté de laitance et de thon y sera versé et agité de manière que le mélange soit bien fait.
Confectionnez ensuite l’omelette à la manière ordinaire ; et tachez qu’elle soit allongée, épaisse et molette. Étalez-la avec adresse sur le plat que vous avez préparé pour la recevoir, et servez pour être mangé de suite «