Légiférer tue… mais pas le législateur
Publié Par Florent Belon, le 28 octobre 2013 dans Droit et justiceOutre les freins aux initiatives individuelles qu’elle pose, la réglementation peut entraîner le décès au sens propre.
Par Florent Belon.
Je suis également surpris que l’on puisse encore lire la marque sur un paquet de biscuits, et non une mise en garde avec la photo d’une personne diabétique et obèse, que ce paquet puisse être acheté par un mineur voire par une personne non titulaire d’un permis diététique, que l’on puisse les acheter en sachet individuel, et que leur prix ne soit pas à 90% constitué de taxes. Question de temps sans doute…
Sur le fronton des palais de la République, de l’Assemblée nationale et du Sénat, on peut lire quelques mentions telles que « liberté, égalité, fraternité » que l’on a gravées pour mieux les dévoyer par la suite. En revanche, aucune mention n’informe le citoyen (nom du consommateur en politique sauf que celui-ci a la particularité de ne pas choisir le produit, mais seulement s’il le souhaite le nom de la marque commerciale (PS, UMP, FN, etc.) qui touchera la commission générée par son achat) sur la dangerosité des produits qui s’y élaborent.
L’objectif affiché de la quasi-totalité de nos lois modernes n’est pas de formaliser des règles issues de l’ordre spontané de la société civile, de siècles d’expérimentations sociales. Ces règles qui, par le jeu de l’expérimentation, ont été reconnues par la quasi-totalité des personnes concernées de par leur efficacité et leur respect du sentiment de justice, se voient au contraire contrariées.
L’objectif de notre législation est de modifier les comportements afin qu’ils deviennent conformes aux desiderata des lobbys et mouvements politiques ayant, si ce n’est le pouvoir du moins son accès.
Ce déni de la réalité et cette contestation de la légitimité du choix individuel a donc pour fondement de remettre en cause l’ordre spontané grâce au joug de la sanction prévue en l’absence de respect de la règle positive, bien différente de la justice et des libertés individuelles.
Si ce seul élément suffit à s’élever contre cette vague de droit positif dirigiste, on peut également relever les conséquences tragiques qu’un certain nombre de ces législations peut entraîner. Je ne m’attarderai pas sur les obstacles parfois insurmontables que la législation dresse contre les initiatives privées et même parfois publiques, les tuant au sens figuré.
Je relèverai seulement quelques cas où la réglementation entraîne le décès au sens propre.
Logement
En matière de logement, la limitation contrainte et artificielle des loyers, ajoutée à la forte pression fiscale, a prouvé depuis près d’un siècle, lorsqu’elle était efficace à plafonner les loyers, qu’elle entraînait à terme une pénurie de logement et fait que les logements disponibles sont de mauvaise qualité. Qui souhaite investir avec une faible rentabilité ou une rentabilité qui peut être réduite à néant en raison d’un texte réglementaire ? Personne !
La mauvaise qualité des logements est notamment due à l’absence de travaux réalisés. En effet, non seulement ces travaux ne permettraient pas d’augmenter significativement le loyer et du fait de la pénurie créée même un logement peu confortable trouve preneur. L’ordre spontané aurait permis la création de nombreux logements. L’absence de droit de l’urbanisme gelant le foncier disponible et exigeant des normes non demandées par le consommateur réduirait fortement les coûts. La promesse d’une rentabilité stable car non remise en cause pour des raisons réglementaires ou fiscales attirerait les capitaux. L’abondance de logement créerait une vraie concurrence entre bailleurs pour offrir des logements de qualité au meilleur prix.
Cela serait trop facile et enlèverait à l’État un pouvoir bien trop important sur nos vies. Il est préférable que le parc immobilier devienne insalubre, jusqu’à ce que des incendies se déclarent en raison d’installations électriques défaillantes par exemple. Combien de décès dus à ces accidents ?
Mais le jeu en vaut la chandelle pour l’État. Jouant le rôle de pompier pyromane, l’État constate la situation lamentable du parc privé et vilipende les marchands de sommeil dont l’activité est permise par le déficit d’offre concurrente de qualité. Et c’est ainsi un bon prétexte à plus de réglementation voire à un parc public de logements face aux « défaillances du privé ». Qui veut noyer son chien l’accuse d’avoir la rage.
La fiscalité, si elle modifie l’ordre spontané, peut avoir des effets d’une perversité insoupçonnée. La taxe sur les portes et fenêtres a ainsi amené des personnes à loger dans des logements insalubres, car afin de diminuer l’impôt des fenêtres et portes furent condamnées. Par manque de lumière et d’aération, les maladies, y compris mortelles pouvaient alors prospérer.
Alcool et Drogue
Les idéologies hygiénistes, souvent proches du socialisme de par le constructivisme qu’elles partagent avec lui, ont amené l’interdiction de certains psychotropes.
L’expérience la plus frappante fut la période de prohibition aux États-Unis qui s’établit de 1919 à 1933. Mêmes causes, mêmes conséquences. Les contraintes légales restreignirent l’offre en excluant du marché les entrepreneurs légalistes alors que la demande persista. L’alcool produit vit sa qualité s’effondrer et son prix s’envoler, attirant les criminels sur ce marché où le contrat et la propriété n’avaient plus cours car rendus illégaux. Il s’ensuivit une hausse des intoxications et des crimes en vue de contrôler par la force ce marché devenu jungle, non pas en raison d’une déréglementation et d’un excès de liberté mais bien d’une réglementation qui en a chassé toutes les règles qui permettent des échanges pacifiques.
En cas de légalisation des drogues, les criminels pourraient à terme s’orienter vers un marché bien plus important, celui du logement. Après quelques années d’hyper réglementation notamment du fait de la loi Alur, celui-ci sera alors apte à faire l’objet d’un fonds de commerce criminel.
Vente d’organes
La vente de produits humains est interdite. Seul le don est autorisé.
Chacun peut constater la pénurie structurelle de sang et surtout d’organes. Mon propos n’est pas de vouloir restreindre le don, ni de diminuer sa valeur morale. Je suis également sensible à l’aide bénévole au sens large, familiale ou entre voisins et amis. Mais si l’on devait se limiter à ces relations, combien de produits et services obtiendrait-on dans notre vie quotidienne ? Personne ne songe à interdire les échanges à titre onéreux au quotidien.
En matière de sang on peut croire que cela fonctionne de façon plus ou moins satisfaisante. Mais en matière de don d’organes, alors qu’il s’agit du don le plus psychologiquement délicat à réaliser, la croyance ne rencontre pas la réalité. Je renvoie au roman d’Heinlein (source inépuisable de divertissement et de réflexion) Le ravin des ténèbres dans lequel est évoquée la transplantation d’un cerveau appartenant à une personne âgée dans un corps jeune.
La réticence naturelle à se faire mutiler pour offrir (gracieusement ou contre rétribution) un de ses organes bloque des possibilités de transplantations de son vivant ou post-morten. Ceci est renforcé par l’interdiction de vendre ses propres organes qui consolide une pénurie qui par elle-même entraîne la mort d’individus malades.
Face à cette pénurie, l’angoisse de certains demandeurs attire sur ce marché des réseaux criminels qui n’hésitent pas à prélever par la force des organes qui sont revendus à des tarifs de prohibition au sens propre du terme. Souvent ces mêmes réseaux escroquent des « bénéficiaires ». Les prélevés ont leur intégrité gravement atteinte, leur vie brisée quand ils ne sont pas tués, et, même que les « bénéficiaires » risquent leur vie lors de ces opérations.
Une liberté de transactions pourrait permettre à des individus de mettre en œuvre en faveur de leurs proches l’équivalent d’une assurance-décès si – post-morten – leurs organes étaient greffés contre une somme convenue. Ainsi l’offre légale d’organes serait plus abondante sauvant ainsi de nombreuses vies. La question de la vente par prélèvement sur un individu en vie est plus complexe. En effet, s’assurer du libre consentement du prélevé entraine de multiples difficultés et les seuls décès pourraient, accompagnés des progrès du génie génétique, peut-être résorber les besoins en organes.
Contrôle des naissances
L’idéologie malthusienne, revivifiée par tous les décroissants environnementalistes, a de nombreuses fois poussé à limiter les naissances, par propagande ou par contrainte. Je ne vise en aucun cas ici les moyens contraceptifs qui sont laissés à la libre utilisation des individus et qui sont par conséquent un instrument de liberté. Les législations concernées sont par exemple la politique de l’enfant unique menée en Chine, où celles qui pourraient être mises en place si l’on poursuivait la réflexion d’Yves Cochet à propos du troisième enfant.
Lorsque des parents souhaitent avoir un enfant d’un sexe déterminé (ceci peut être contestable mais c’est un fait), lorsque l’enfant se trouve ne pas correspondre aux attentes, qu’advient-il de lui ? La loi interdisant l’obtention d’un enfant supplémentaire ou taxant l’enfant supplémentaire fait obstacle à la possibilité d’obtenir un enfant du sexe désiré. Cette législation, si elle ne justifie pas l’infanticide, est un élément qui peut le motiver. Il en est de même en cas de grossesse non désirée alors que le quota de naissance est déjà atteint.
Protectionnisme et douanes
Le protectionnisme et les lourdes taxes grevant l’achat de certains produits sont des atteintes à la liberté fondamentale d’échanger librement entre individus. Le même schéma se reproduit, l’offre se réduit alors que la demande subsiste, la qualité se dégrade et les prix au marché noir s’envolent. Les entrepreneurs capitalistes se retirent au profit des entrepreneurs du crime. Pour échapper à la surveillance, les produits doivent être acheminés par des itinéraires parfois dangereux où de simples passeurs perdent la vie, et les règlements de comptes ou les fusillades laissent de nombreux morts.
Pire, le protectionnisme est très souvent à l’origine des conflits entre organisations étatiques. Les guerres antiques ont très souvent été motivées par le contrôle des routes marchandes permettant de prélever des taxes, les guerres dans les coloniales étaient motivées par le monopole commercial sur certaines régions et matières premières.
Immigration
La liberté de circulation des individus n’est pas plus discutable que celle des marchandises. Ériger des barrières privant des individus notamment des moyens d’échanger leur travail dans des conditions qu’ils jugent préférables pour leur bien-être et celui de leur famille ne peut se légitimer.
Bien entendu, toute personne immigrée ou non se doit de respecter les règles de droit commun de toute vie en société. Le droit de propriété ne peut pas être remis en cause par des squats, le fruit du travail d’autrui ne peut pas être prélevé par la contrainte pour assurer des prestations gratuites.
Si les conservateurs portent une part de la responsabilité des drames migratoires de par les frontières qu’ils érigent, les socialistes sont au moins aussi coupables qu’eux de par l’établissement de systèmes artificiels d’État providence dans lequel les richesses produites sont toujours plus limitées que les nouvelles prestations, appelées « droit à », qui ne sont que du clientélisme financé par le pillage des productifs.
Alors que les « autochtones » fraterniseraient plutôt volontiers avec le nouvel arrivant gagnant son pain dans un échange libre et par définition profitable à tous, comment ne pas comprendre qu’ils puissent être ulcérés par un sentiment de prédation du fruit de leur travail au profit de nouveaux arrivants qui, pour une part au moins, ne cherchent qu’à parasiter un système qui n’incite qu’à cela ? Le communiqué du PLD est en tout point conforme à cette analyse.
De graves conflits seront peut-être causés par cette situation, mais on compte déjà et sûrement plusieurs dizaines de milliers de décès en raison de dangereuses tentatives de franchissement de frontières, ou d’exploitation des immigrés clandestins qui, de par la loi rendant illégale leur présence, sont privés de l’application de leurs droits fondamentaux par des réseaux criminels.
Voici quelques sujets particulièrement sensibles sur lesquels la loi ne se contente pas de briser l’harmonie qui pourrait résulter de la libre coopération entre individus, cette catallaxie que les libéraux n’ont eu de cesse d’analyser et de proposer des mesures permettant son épanouissement.
La loi peut tuer, elle a déjà tué, tue encore et continuera. Et le politique nourrit son action et sa légitimité de ces morts afin de légiférer à nouveau. La loi est une chose trop sérieuse pour la laisser entre les mains de nos politiques.
La législation devrait sans doute se limiter à une Constitution non modifiable se contentant de garantir les droits naturels, autorisant tout ce qui ne porte pas atteinte aux droits individuels et donnant au contrat force de loi entre les parties… mais cela serait la mort du législateur politique.
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