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Agnus Dei

Publié le 27 octobre 2013 par Euphonies @euphoniesleblog

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Arcade Fire - Reflektor

Tous à l'abri ça va péter ! Origine de la secousse ? Reflektor, le 4ème opus des canadiens d'Arcade Fire.  Pour tous ceux qui auraient vécu les dix dernières années dans un monastère bénédictin à apprendre le point de croix, le groupe défraie la chronique depuis la sortie de Funeral en 2004. Et chaque nouvel album voit des hordes de fans sortir nus dans la rue en se flagellant de branches d'érable, des vierges torontoises s'injecter le sperme d'un jeune castor en intraveineuse, et d'innombrables hipsters s'immoler par le feu sur le tabernacle d'églises mormones (et pour cela la mèche est toute trouvée). Rares sont les groupes qui peuvent susciter autant de réactions irrationnelles à chaque création.

 Il faut reconnaître que Funeral a pris tout le monde de court en 2004. On sort à peine d'une énième révolution rock new-yorkaise que voilà déjà  le nouveau phénomène indie débarquer de Montréal, troquant le cuir pour la redingote en velours et le slim pour des bretelles retenant le futal en tweed.  A sa tête, Win Butler et Régine Chassagne, couple meneur d'une équipe à géométrie variable, et formidables concepteurs d'un album hypnotique, racé, mélangeant folk, progressif et pop, greffant du francais dans le texte au génie dans le son, proposant une musique aussi jouissive qu'un dimanche neigeux à manger du tendre caribou.

 Neighborhood # 1 (Tunnels)


Rebellion (Lies)


Forcément,  Neon Bible (2006)  ou The Suburbs  (2010) allaient subir l'effet post chef-d'oeuvre, victimes sacrificielles d'un bijou indépassable. Pas de mauvais albums en soi, loin de là, des titres gigantesques même, des éclair de génie (le divin Ocean of Noise, l'inarrêtable Ready to Start, l'implacable We used to wait, le poppy The Suburbs...) mais aussi des titres jugés plus faibles (Rococo pour ne citer que lui, et je m'insurge) et il n'en faut pas plus pour entendre déjà la meute animale crier au scandale, clouer au pilori la baudruche dégonflée par les gargarismes acides : Arcade Fire ne serait que le produit d'un one-shot,  un coup de jarnac savamment orchestré par des sorciers vaudous d'Hochelaga.

 Ocean of Noise


The Suburbs


Trois ans passent. En musique du 21ème siècle, une éternité. l'inépuisable The Suburbs continue de tourner sur nos platines, concurrencé bien sûr par l'inévitable éclat du rock qui n'en finit pas de revenir en Strokes digital ou MGMT anamorphosé. Trois ans : un pet de nonne calgarienne sur l'échelle de la vie ordinaire. Ce n'est pas qu'Arcade Fire ne nous manquait pas, c'est que le rythme s'emballait, qu'internet dictait de plus en plus une loi biblique où le groupe d'après demain chasse aujourd'hui celui de demain. Rythme fou où la hype est une couronne (d'épines) qui tombe aussi vite qu'un orme bûcheronné. Et où Arcade Fire doit composer avec une nouvelle créature hybride, produit de la fange 2.0, bête nauséabonde tapie dans l'ombre de la culture pour tous : le "hater". Petit animal parasite qui attend son heure en s'astiquant la discothèque. Inutile de dire que le Reflektor, il va se le faire. Et pas qu'un peu. L'album est une cible idéale, remplit toutes les conditions pour une lapidation à coups de châtaignes.

Il tapera forcément sur la production made in James Murphy, génie flegmatique de la comète LCD Soundsystem et qui impose ici sa patte discoïde sur des titres comme Reflektor ou We Exist. Arcade Fire aurait-il vendu son âme folk au diable de DFA Records ? Et que penser du featuring de David Bowie, sinon qu'on tient ici la preuve d'un grand complot des nantis du milieu ? Où sont passés les poèmes bruts d'Une année sans lumière ou Rebellion (Lies) ? Laissons ces grincheux se palper le dessous des gosses sous la robe de bure pour interroger vraiment ce quatrième album des canadiens.

Effectivement, Arcade Fire a changé de braquet, de registre : le revival 70's a cédé le pas à la machinerie 2000, l'ensemble est plus chargé, synthétique, plus control freak. Pour la faire courte, ça ne sent plus le sapin de Winnipeg, plutôt la MAO QBase. Le bon point est qu'Arcade Fire ne ressasse pas le même sirop d'un album à l'autre.  Et qu'un morceau fou, débridé comme Here comes the night time prouve que le groupe en a encore beaucoup sous la pédale. Vous entendrez encore du rock, du blues, comme dans l'excellent Normal Person.  Vos oreilles reconnaitront l'influence Loyd Cole (un revenant 2013) sur l'épique Joan of Arc. Le vice rampant  d'un tube oublié sur Porno.  En 2013, Arcade Fire mène sa barque de main de maître : l'album est déjà un incontournable, n'en déplaise aux rétifs, véritable cyclone illuminé diluant dans son épaisseur le meilleur des trente dernières années toute influence digérée : Folk, pop, rock, électro. Dansant oui, mais cérébral. Seule cette totale maîtrise prend à certains moments le pas sur l'émotion, le lâcher prise plus épuré de Funeral. Et encore que... Le choral Awful sound (Oh Eurydice) et sa suite  It's never over (Oh Orpheus) prouvent que l'influence Murphy est assimilée, réinjectée dans le chaudron magique des chantres du lyrisme progressif. Reflektor est un album impressionnant, passionnant, dont on a pas fini de faire le tour. Et mérite déjà largement de faire partie des albums qui comptent cette année. Alors comme diraient nos cousins québécois, ne babounons pas notre plaisir.

Prenez le temps de tout regarder, tout est dit :



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