Le grand philosophe bouddhiste Suzuki cherche ici à rendre compte de la vision non duelle au delà du sujet et de l'objet dans la perception d'une fleur
Il n'y a plus un sujet - moi - qui perçoit un objet - la fleur - mais une intuition nouvelle, une vision éveilllée. La fleur n'est plus une fleur car la vision eveillée ne conceptualise plus ce qui est vu et ce n'est plus moi qui voit la fleur car l'observateur individuel a disparu. Impossible de décrire ce qui se situe au dessus des mots, avant les mots, il faut le vivre.
"Je dois en dire davantage concernant cette connaissance intuitive ou cette vision directe…l’intuition dont parle le Zen est une vision-identification. C’est-à-dire que lorsque je vois la fleur et que la fleur me voit, cette sorte d’intuition ou de mutuelle identification n’est pas une vision individuelle ; ce n’est pas une intuition individuelle. « Je vois la fleur et la fleur me voit » signifie que la fleur cesse d’être une fleur. Je cesse d’être moi-même. A la place il y a une unification. La fleur disparait dans quelque chose de plus haut que la fleur et je disparais dans quelque chose de plus haut que tout objet individuel.
Maintenant quand cette élévation se produit, quand cet être est absorbé dans quelque chose de plus haut que toute chose relative, cela ne signifie pas qu’on est absorbé ; il y a une intuition, un éveil ; il y a quelque chose qui se reconnait, ce n’est pas une annihilation ou une pure absorption dans le vide. Cette « annihilation » est accompagnée par une intuition et c’est le point le plus important. Quand cela se produit il y a alors la vraie vision de la fleur. Alors nous pouvons dire que cela –moi voyant la fleur et la fleur me voyant – se situe sur un plan supérieur à celui où la fleur est vue en tant que fleur individuelle et où je vois la fleur en tant qu’être individuel. »
D.T Suzuki, the awakening of zen, Trad ; José Le Roy