Chronique: Daniel Avery – Drone Logic

Publié le 27 octobre 2013 par Wtfru @romain_wtfru

« Ce que j’aime, je l’ai volé pour ma propre musique : un son très fort avec une femme qui parle ». Ainsi se décrit le jeune anglais Daniel Avery, ange blond aux vêtements sombres et à la gueule aussi intéressante que repoussante. Et ainsi résume-t-il plutôt bien le condensé de douze pistes, d’une puissance inégalable, qui s’enfuit de son premier album, Drone Logic.

 

Il est des albums qui marquent un tournant dans l’histoire de la musique. Afin d’éviter le point Godwin musical, nous dirons qu’il est des albums qui marquent une révolution dans leur propre genre. Drone Logic a de quoi marquer allègrement au fer rouge tout un pan de la musique électronique. Electronique, le mot est là. Electrique, l’album en est là. Même si les influences métalleuses de Daniel Avery sont inhérentes à la construction de chacun de ses morceaux, les impulsions d’un Drone Logic (le morceau), d’un Naive Response ou encore d’un Need Electric nous font partir en courant alternatif dans les caves les plus crades du sud de l’Angleterre.

Musique impulsive. A la manière des néons répondant aux kicks lourdingues crachés par un mur d’enceintes, la musique de Daniel Avery clignote et peut finir par causer des malaises. On vous assure qu’un Naive Response ou un These Nights Never End écouté à balle et en boucle peut autant causer une mort cardiaque qu’une mort cérébrale. C’est la que le génie de notre anglais intervient : entre les deux bombes de l’album, Naive Response et Need Electric, Avery place, comme pour recouvrer l’ouïe, Platform Zero, sorte de caresse matinale qu’on aimerait recevoir dans son lit, tandis qu’un être splendide ouvre nos rideaux et nous annonce que la neige a recouvert tout le paysage. Le néon est éteint, ou plutôt, il grésille. Jusqu’à l’ouverture de la fenêtre et la morsure du vent glacial qui s’engouffre dans vos draps. L’arrivée de Need Electric. Le néon s’excite à nouveau.

On pourra faire la même expérience avec Spring 27, qui débarque comme une fleur après la tempête de l’album, un hybride Deep House/Techno House de Detroit (les amateurs de Gesaffelstein apprécieront), la délicieuse All I Need. Doit-on y voir un clin d’œil à notre français préféré, qui avait sorti il y a deux ans un remix assassin d’Arnaud Rebotini, All You Need is Techno ? Assurément pas. Si les influences sont proches, le ressenti auditif diffère au plus haut point : la musique de Gesaffelstein est sombre, à la limite de la perfidie ; celle de Daniel Avery est claire, sans détour. Et ça, ça change tout.

Autre ovni de l’album : Simulrec, une ballade romantique, elle aussi proche de la Deep House, qui s’acoquinerait presque avec les lentes effluves de NU. Le rythme est assez lent, constant, mais paradoxalement très énergique. Le génie d’Avery est passé par là : au prix de hit-hat’s à demi ouverts, eux aussi très électriques, dosés à merveille, le morceau passe tout seul, et semble beaucoup trop court. A l’image de l’album, peut-être, qui se termine par ce grincement de dents, Knowing We’ll Be There, bouse indescriptible (et inaudible). Que l’on pardonnera, certes, car tout album a sa bouse (poke les Arctic Monkeys). L’antépénultième morceau, lui, a de quoi concurrencer très sérieusement Motherboard, de Random Access Memories, au classement du meilleur titre long de l’année 2013. Planant à souhait, électrique à souhait, New Energy porte bien son nom, et nous laisse perplexe autant dans sa forme que dans sa construction. Ce qui est plutôt bon signe.

On donnera, finalement, notre bénédiction a Water Jump, premier morceau de l’album, lui aussi un étrange mélange, à mi-chemin entre un vieux Hip Hop des années 90, une salsa portugaise (si, si) et une techno bien sauvage. Avec ses airs « Prince de Bel-Air », Water Jump introduit Drone Logic dans son ensemble. Une série chaotique qui ne paye pas de mine, qui renverse les codes, qui révolutionne des manières. De l’art, ouep.

Si vous êtes pauvres ou radins, vous pouvez écouter l’album en entier et gratuitement ici. Si vous êtes riches ou sympas, vous pouvez l’acheter ici.