Magazine Poésie
Traduit du roumain par Cindrel Lupe.
Si elle vivait, je lui aurais demandé à grand-mère
pourquoi grand-père avait érigé l’établi au milieu de la cour,
pour s’y rendre là chaque jour,
pendant que grand-mère tenait la maison,
et qu’est-ce qu’il faisait là des heures durant, entouré de clous, tournevis, marteaux et scies
accrochées aux murs, par tailles,
pourquoi il en sortait si rarement et juste pour arroser le jardin éreinté par la fournaise,
or m’appeler moi,
que je vienne écouter comme grignotait Piki,
ben voyons la souris qui logeait dans l’établi.
Piki ne se montrait jamais et la grande scie de grand-père me faisait peur,
je me disais que les filles n’ont rien a faire en tels endroits
désagréables,
j’ouvrais la porte en tôle et me sauvais en courant.
J’aurais pu alors demander à grand-mère pourquoi grand-père avait érigé l’établi.
Peut-être j’aurais su que parfois les hommes
ont besoin, comme les loups, de leur cache où, si besoin est, pleurer, car autrement comment
-au vu du monde où au vu de l’épouse c’est pareil-,
ils ont besoin de leur cache pour naître des idées
car l’homme tient derrière son cerveau un marsupium et là y fait naître des idées.
Grand-mère n’aurait rien répondu à tout cela
elle aurait dit
ch’ais pas, poussin, c’est-ce qu’il a voulu, l’établi dans la cour,
encore heureux qu’il ne court pas le jupon, comme d’autres,
mais pourquoi tu demandes, m’aurait-elle demande,
juste comme ça, j’aurais répondu, et les deux on aurait su
qu’il n’est jamais bien d’en parler du marsupium de l’homme.
Avec le temps, les choses se posent, nous vivons les dimanches seulement par la joie de l’autre
qui respire.
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