Globes. On se souvient du projet fou de Spielberg, qui s'était amusé à synthétiser l'univers de Tintin en une bulle de matière déformant et reflétant le monde. Les nombreuses sphères de Gravity ont une fonction voisine, non plus tirée de la matière mais d'un vide primordial. La profondeur de l'espace se prête bien au dialogue entre le globe terrestre et le globe oculaire, jeu de reflets figuré par le casque de l'astronaute qui est tantôt une extension de l’œil, tantôt une image de la planète voisine. Ce dialogue est parfois plus ambitieux qu'il n'y paraît, en ce qu'il permet à la caméra d'épouser la subjectivité du personnage tout en la délimitant. Il y a, à cet égard, une séquence remarquable qui fait insensiblement glisser le point de vue de l'extérieur à l'intérieur du casque : manière de traverser la vitre en faisant basculer le regard qui n'est pas sans faire penser à l'introduction fameuse de Citizen Kane. Voilà ce qui séduit dans Gravity : cette manière très simple de raccorder, dans un même orbe numérique, un mouvement possible et un mouvement impossible, les effets de réel et les effets de sidération.
Relief. Du chemin a été parcouru depuis Avatar et sa 3D qui nous était présentée (en gros) comme l'outil permettant d'achever la recréation totale du monde, après la parole et la couleur. Tous les cinéastes n'étant pas Cameron, il est heureux que des films comme The Great Gatsby, Pacific Rim et aujourd'hui Gravity, derrière l'éternelle promesse d'immersion, fassent un usage plus pragmatique et spécifique de la 3D. Dans The Great Gatsby, Luhrmann utilisait le relief à contre-emploi, disloquant le monde au lieu de le recréer, et dans Pacific Rim, Del Toro s'en servait avant tout pour établir des rapports de proportion. La 3D de Gravity a quelque chose d'encore plus simple et de plus efficace, comme si Cuarón avait voulu la dénuder pour ne garder que son fonctionnement élémentaire : un objet se détachant d'un fond. L'espace, bain étoilé dans lequel les choses n'en finissent pas de flotter, est pour cela l'environnement idéal. La grande réussite de Cuarón est d'avoir su encapsuler le maximum de son film (des déflagrations les plus spectaculaires aux larmes du personnage) dans ce motif visuel unique.