Le "Président-fusible", "Pépère", aka François Hollande, est à nouveau au centre de toutes les critiques. Non pas que sa cote de popularité avait franchement remonté. Mais un relatif équilibre s'était trouvé ... avant qu'une intervention, d'à peine cinq minutes, samedi dernier à l'Elysée, pour clore "l'affaire" Leonarda ne réactive toutes les outrances ad nominem.
Le Hollande-Bashing pouvait repartir.
La presse s'en est est donnée à coeur joie, à droite comme à gauche: "Et le courage, monsieur le Président ?" ose titrer Le Parisien Magazine. Michèle Cotta, éditocrate au Point, fustige le "manque d'autorité". La chroniqueuse du Grande Journal, ex-ministre de Nicolas Sarkozy, Jeannette Boughrab, dénonce une "lâcheté dévastatrice". Trois exemples parmi bien d'autres.
Hollande s'est planté, tout le monde l'écrit, même ses habituels soutiens. Mais cette quasi-unanimité cache bien des différences.
A gauche, les critiques pleuvent pour une raison simple: la gauche n'a pas tranché en son sein la question de l'immigration. Au-delà de la sanctuarisation du cadre scolaire (qui ne fait plus débat), le clivage demeure: faut-il une régularisation massive ou sous conditions des sans-papiers ? Mardi, le sénateur écolo Jean-Vincent Placé soutient les quelques lycéens qui prolongent leurs manifestations contre les expulsions.
A droite, Jean-François remet une pièce dans le juke-box de la diversion migratoire: le voici qui promet une proposition de loi pour supprimer le droit de sol. Et c'est reparti ! Nos politiciens de droite n'ont désormais plus que des excursions en terrain mariniste pour faire parler d'eux. Où sont passés les Républicains ? Ailleurs en France, des maires de Seine-Saint-Denis sont accusés de "troquer des noirs" contre de l'argent. Ailleurs en Europe, on accuse un couple Rom d'avoir kidnappé un enfant jugé trop blond pour être d'eux. Il faudra des tests ADN pour résoudre cette affaire de l'Ange blond, dernier soubresaut d'un continent où les valeurs s'effondrent derrière l'outrance.
En milieu de semaine, l'économie semblait enfin reprendre ses droits dans notre actualité nationale. Il y avait d'abord cette mauvaise nouvelle sur le front de l'emploi. En septembre, le chômage bondit encore. Après le bug de SFR en août, qui avait empêché à quelques millions de demandeurs d'emploi d'actualiser leur inscription à Pôle Emploi, le nombre d'inscrits est reparti à la hausse, +60.000. Hollande espère toujours inverser la "courbe de la hausse". Mais à quoi sert Pôle Emploi ? Le nombre d'offres collectées chute de mois en mois
Mardi, le volet fiscal de la loi de finances est voté à une large majorité. Le président d'une association des 100 plus grandes entreprises françaises, la crème du MEDEF, donne des leçons d'austérité, il veut , "un signal très fort", avec "un programme global de réforme, concerté, permettant de diminuer les dépenses publiques de 20 milliards d’euros chaque année." En une page d'interview, le gars omet de prononcer les mots "bonus" et "dividende". Chacun ses tabous, n'est-ce pas ?
D'aucuns ronchonnent aussi sur le "matraquage fiscal"... avec un an de retard. Car, fallait-il le rappeler, cette loi de finances 2014 ne comporte que peu d'impôts supplémentaires, et même quelques très bonnes mesures pour les classes populaires: "173.000 foyers fiscaux seront exonérés de taxe d'habitation" martèle Bernard Cazeneuve; "330.000 ménages modestes verront leur CSG baisser en moyenne de 530 euros". Au total, quelque 1,5 milliard d'euros ont été ainsi débloqués "pour le pouvoir d'achat". La TVA sur les travaux de rénovation thermique est redescendue de 7 à 5,5%. Les rendements de l'assurance-vie seront inclus dans le calcul de l'ISF. On pourrait citer le relèvement des taxes sur les cessions d'oeuvres d'art, de bijoux, et de métaux précieux; la baisse de celles sur les importations d'oeuvres d'art, et quelques durcissement sur les plus-values de cessions d'entreprises.
La fameuse taxe à 75% est votée, sous la forme d'un prélèvement à la source, calculé par les entreprises. Des clubs de foot menacent d'une grève, en novembre. Pauvres bichons... ils ont peur de ne plus pouvoir payer leurs vedettes du ballon rond. L'indécence du foot-business se loge aussi ici. Nous aurons un weekend sans match. Quelle tristesse... Ces présidents de clubs sont reçus par Hollande pour s'entendre dire que "la loi doit être la même pour tout le monde".
Allez jouer...
Le bashing anti-Hollande reprend jeudi. Les premières mesures de financement de la Sécurité sociale sont adoptées la veille. Il suffit d'un alignement du taux de taxation sur les revenus de l'épargne placée en PEA, PEL et assurance-vie (à 15,5%) sur celui des autres produits d'épargne pour que la bronca s'élève des éditocrates de droite aux confins de la gauche morale. L'impact est financièrement anecdotique pour les milliers de ménages qui ont un peu de placement. Mais qu'importe ! Il faut hurler ! Les chaînes et sites d'information relayent même un gros mensonge - la prétendue rétroactivité de la mesure. Plus surprenant, nombre de blogueurs ou Twittos de gauche relayent cette caricature, alors que la gauche réclame depuis longtemps l'égalité de traitement fiscal et, en l'occurrence, de cotisations sociale entre revenus du capital (épargne, plus-values, etc) et du travail.
Le sénateur UMP Philippe Marini promet un recours contre le Conseil constitutionnel. On imagine qu'il sera soutenu par le Front de Gauche.
Le même Marini, par ailleurs Président du groupe interparlementaire France-Arabie Séoudite-Pays du Gofle, s'inquiète des départs de contribuables à l'étranger: plus de 35.000 Français quittent le pays, dont 40% de "jeunes actifs". Une hémorragie anecdotique mesurée ... en 2011. Le "story-telling" s'échoue dans le sable.
Le même Marini n'avait visiblement rien à dire sur l'encadrement des loyers voté au Sénat.
En quelques heures, donc, quelque 1,5 milliard d'euros d'allègements d'impôts pour les classes populaires ont été éliminés, effacés, supprimés de notre mémoire immédiate par 600 autres millions d'euros de prélèvements supplémentaires votés pour financer la Sécu. Une démesure totale, qui illustre une fois de plus la gravité de la situation: les caricatures se doublent une inquiétude ample, profonde, cette "résignation rageuse" qui finit par paralyser les esprits.
Il y a un qui trépigne, toujours et encore, en coulisses. On avait fini par l'oublier.
Nicolas Sarkozy avait forcément quelque chose à dire, en "off" toujours. Comme à chaque fois que l'actualité nationale s'emballe sans lui. Mercredi, il fait la une de Paris Match. On y apprend que le 11 octobre, il parlait devant un parterre de chefs d'entreprise. La politique le "fatigue", mais, assure-t-il, "vous n'êtes pas débarrassés de mon intérêt pour la France".
Nous resterons intéressés par Nicolas Sarkozy. Son meilleur ami Balkany aurait un joli compte en Suisse, rappelle Mediapart. Jeudi, Libération balance une bombinette: Eric Woerth, son "meilleur" ministre, a accordé entre 54 à 83 millions d'euros d'abattement fiscal à Bernard Tapie pendant l'arbitrage Adidas. L'ancien trésorier du Premier cercle venait d'échapper à une mise en examen dans l'affaire de l'hippodrome de Compiègne.
On imagine, bien sûr, que l'homme avait agit seul.
“La vraie cause de la montée du Front national n’est pas si difficile à identifier : c’est la montée du chômage, le fait que 25% des salariés français gagnent moins de 750 € et l’incapacité des dirigeants de droite comme de gauche à offrir une alternative crédible à la déconfiture du capitalisme financier.”
Philippe Cohen
Crédit illustration: Do-Zone Parody