Magazine Journal intime

Où il est question de danser la Macarena!

Par Vivresansargent

26/10/2013

 Une boisson chaude fait de la fumée, un sucre se liquéfie dans le fond d’une tasse, une vieille cuillère fait de la musique sur les bords de celle-ci, deux doigts pincent la vieille cuillère, un coude fait des ronds dans l’air, des lèvres dessinent un sourire et des yeux roulent de plaisir. Je bois un café.

Steffen, un pèlerin d’origine allemande et moi, nous reposons dans le refuge du village de Saint Réverien.

Pour la première fois depuis mon départ, le 15 Septembre dernier, je ne marche pas seul. Mes habitudes sont bousculées, chahutées, remuées. Ma boîte à habitude voit trente et quelques chandelles. Elle danse la Macarena sur une jambe et chante des chants Tyrolien à gorge déployée.  Mes habitudes se mélangent, s’agglomèrent, se désespèrent et se transforment en un magma moche et puant. Très bien. Parfait. Voyons voir comment vais-je m’en sortir.

En effet, mon camarade est d’une gentillesse sans borne mais mon Dieu comme il est bavard. Jamais il ne s’arrête. Aveugle, il ne se rend pas compte qu’il tourne en rond et que quand je fais un pas, lui, en fait trois. Il ne se rend pas compte qu’il s’épuise et qu’il se nourrit de l’énergie des autres, en mode illimité. Nous sommes tous différents et chacun de nous a le même primordiale droit à l’expression de soi. Je le laisse donc s’exprimer et profite de cette opportunité que m’offre la vie pour travailler et développer ma tolérance. C’est certain, il y a quelques temps en arrière, pas si longtemps, ma soupape aurait rapidement explosé et tâché mon costume de pèlerin. Ce qui serait bien désobligeant car je n’en ai qu’un. Devant l’insupportable, j’aurais fais la tronche, j’aurais accéléré la cadence pour le larguer, j’aurais prétexté un rendez vous. J’aurais ralentis pour qu’il me largue. Je lui aurais dis que je ne peux pas rester car j’ai piscine. J’aurais simulé une entorse du myocarde et, dans une terrifiante grimace, je lui aurais chuchoté, à bout de force, qu’il faut qu’il continu sans moi, que je le retarde et qu’il faut qu’il pense à ses enfants et sauve sa peau en m’abandonnant ici, sur cette foutue route départementale.

Mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, je souris devant ce personnage haut en couleur. Je ne dis pas que ma mer intérieure est d’huile mais qu’un marin novice, sur un rafiot fait de coques de noix et de clous, pourrait la traverser sans ne rien risquer d’autres que des éclaboussures lui laissant, au pire, un léger arrière goût salé dans la bouche.

Rien n’arrive au hasard. J’apprends chaque jour à pardonner. Généreusement, aujourd’hui, la vie m’offre de la matière. Pardonner, c’est comme l’haltérophilie. Il faut y aller doucement. Un poids après l’autre, un pas après l’autre. Dans le pardon, il faut commencer petit. Dans une journée, dix fois, cent fois, mille fois, je suis confronté à une situation qui mérite le pardon. Je découvre que le pardon est l’unique moyen d’être heureux. En fait, à chaque seconde, à chaque instant, la vie, inlassablement, me pose cette question : « Et là, maintenant, tu veux quoi ? Être heureux ou malheureux ! » Je découvre qu’il n’y a pas de choix. Le pardon est l’unique réponse de ceux qui choisissent le bonheur.


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