C’est pourquoi, lorsqu’un livre qui se présente comme un concentré d’irrévérence sort en librairie, il convient de le saluer. Son auteur n’a rien d’un inconnu, puisqu’il est le père du sympathique Chat, Philippe Geluck. Son titre résume son contenu : Peut-on rire de tout ? (JC Lattès, 150 pages, 10 €).
Bel exemple de question rhétorique, car l’auteur, comme on pouvait s’y attendre, l’affirme avec raison haut et fort : oui, on peut rire de tout, absolument de tout, du physique des gens, du malheur des autres, de la maladie, des patronymes, des riches, des pauvres, des handicapés, des étrangers, des jeunes, des vieux, des femmes, de l’homosexualité, des Noirs, des Arabes, des Juifs, des catholiques, des musulmans, de Dieu, des enfants, des morts, etc. Chaque chapitre se trouve illustré de textes d’un humour noir, iconoclaste jusqu’à la provocation, qui relèvent du deuxième, voire du troisième degré, dans l’esprit des regrettés Coluche ou Pierre Desproges.
Il est vrai que Philippe Geluck ne s’encombre pas toujours de nuances et parfois encore moins de finesse. On finira par le regretter à la lecture de quelques passages car, dans le cadre d’un pamphlet, rien n’est plus efficace que l’élégance de la plume pour proférer les plus colossales énormités, les plus indicibles vérités.
Des intégristes musulmans qui se mettent à « déguiser [leur] femme en abat-jour ou en fantôme pour bien montrer qu’elle est inférieure à [eux] » aux Juifs ultra-religieux qui « tondent le crâne de leurs femmes (même pas parce qu’elles ont couché avec un Allemand) », en passant par les catholiques qui « n’osent plus nous clouer au pilori comme ils ont adoré le faire, mais [qu’il] ne faudrait pas pousser beaucoup pour que ça les reprenne » ou les handicapés qui « ont obtenu des places de parking réservées et ne se gênent pas pour se garer sur celles des personnes valides », personne n’est épargné.
Bref, c’est souvent « du brutal », pour reprendre le mot de Michel Audiard. Mais un « brutal » salutaire, décalé, férocement hilarant, décapant, qui nous change des guimauves habituelles et qui suscite déjà quelques polémiques chez les beaux esprits. Et l’on se demande quel groupe de pression se donnera le ridicule d’intenter un procès à un tel ouvrage.
Illustration : Philippe Geluck, Le Chat.