Titre original : The New Daughter
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Luiso Berdejo
Distribution : Kevin Costner, Ivana Baquero, Samantha Mathis, Gattlin Griffith, Erik Palladino, Noah Taylor, James Gammon, Sandra Ellis Lafferty…
Genre : Épouvante/Drame/Adaptation
Date de sortie : 11 juillet 2011 (DTV)
Le Pitch :
Fraîchement divorcé, John James, un écrivain, emménage dans une maison isolée dans les bois avec son fils et sa fille. Cette dernière découvre rapidement sur le terrain adjacent à la bâtisse, un étrange monticule qui s’avère être une sépulture indienne. Sous l’influence de ce monticule, l’attitude de la l’adolescente change. Son père tente de comprendre…
La Critique :
Quand il tourne Instinct de survie, en 2009, Kevin Costner est au creux de la vague, subissant encore les dommages collatéraux de l’échec retentissant de Waterworld. Sans le savoir, Costner se dirige vers le salut que représentera la série multi-récompensée Hatfields and McCoys, mais pour le moment, il est ce que l’on appelle un magnifique has been. Il est alors tentant de voir dans Instinct de survie qu’une énième obligation contractuelle destinée à payer les factures. Un projet sans ambition pour un acteur qui n’entend plus son téléphoner sonner aussi souvent qu’à l’époque où il était encore ce jeune homme portant dans ses bras une pop star mondialement célèbre.
C’est d’ailleurs pour cela qu’Instinct de survie n’a pas connu les honneurs d’une sortie en salle en se voyant au passage massacré par une large partie de la critique. Facile de ne voir ici qu’un autre trip vaguement horrifique, au rythme lancinant, où un type est confronté à des fantômes dans une maison isolée au fond des bois.
Et si il s’appuie certes sur un postulat de départ archi-connu, Instinct de survie n’est pas mauvais pour autant. Loin de là.
Kevin Costner est un grand acteur. On a tendance à l’oublier mais même quand il cachetonne dans des projets sans grand intérêt (ce qu’il ne pas fait aussi souvent que ça finalement), le comédien s’investit. Et Instinct de survie n’est pas un projet sans grand intérêt. Il raconte une histoire pavée de clichés, mais le fait bien. Avec minutie, en prenant son temps et en ne commettant aucune faute de goût.
Kevin emménage donc dans une baraque avec ses mioches. La gamine, une adolescente vaguement rebelle, s’intéresse de très près à un monticule qui s’avère être une sépulture indienne. Là, on pense à Shining et à Simetierre, deux monuments de l’horreur traduisant dans la souffrance et le sang, la dette ancestrale des américains envers le peuple indien (à chaque fois, un cimetière indien est à la source du problème des blancs). Ancré dans une tradition farouchement américaine, Instinct de survie a aussi l’intelligence d’utiliser à bon escient le terreau dramatique dans lequel pousse cette famille détruite par le départ d’une mère volage. Kevin Costner incarne un père dévasté et seul et les enfants sont paumés. À l’instar de Shining, l’épouvante d’Instinct de survie prend sa source dans des problèmes familiaux prégnants. Le facteur indien, à savoir le monticule, ne servant finalement que de révélateur, conduisant les protagonistes à leur éventuelle perte.
À partir du moment où la cause du problème est identifiée, le film s’accélère, sans pour autant s’emballer frénétiquement. On reconnaît là une forme de narration intensément littéraire. Normal vu que le film s’inspire des écrits de John Connolly. À une époque où les explosions de sang sont légion dans le cinéma d’horreur, Instinct de survie joue sur les silences et les hors-champs. La musique enveloppe aussi joliment les errances des protagonistes, tout en indiquant savamment le moment même où l’étau se resserre sur la famille dysfonctionelle visée par les maléfices indiens.
En avançant sur des œufs, le réalisateur espagnol Luiso Berdejo évite consciencieusement d’en faire des caisses mais pas de s’enliser de temps à autre. Lui préfère la poésie aux démonstrations de force brutes. Un peu comme Guillermo del Toro d’ailleurs même si bien sûr, Instinct de survie ne joue pas dans la même catégorie.
La présence au générique de la jeune Ivana Baquero renforce d’ailleurs la filiation avec l’univers de del Toro. Au centre du Labyrinthe de Pan, dans le rôle d’Ofelia, la comédienne espagnole sait précisément où elle met les pieds. Son rôle est quasiment le même, si ce n’est qu’ici, l’influence des créatures fantastiques est plus néfaste et ne lui permet pas de s’échapper d’une vie qu’elle déteste. Mais sinon, c’est presque pareil. La notion souterraine, les thématiques sur la puberté et tout un tas d’autres détails font ressembler Instinct de survie à une version plus réaliste et plus light du chef-d’œuvre de del Toro. En soi, il s’agit d’une excellente chose.
En restant dans les clous, pas trop audacieuse et plutôt sage, l’œuvre de Berdejo tisse néanmoins une toile dans laquelle il est agréable de se laisser prendre. Kevin Costner, on y revient, y est pour beaucoup. Avec un charisme intact, et une sensibilité authentique, il fait des merveilles. Probablement conscient de son statut de star vacillant, l’acteur semble utiliser son désarroi de manière à nourrir la détresse psychologique de son personnage. Peut-être pas après tout, mais quoi qu’il en soi, il est bon, crédible et intense. Au point d’habiter avec bon sens et mesure un film plus dramatique que réellement effrayant (mais réservant quelques beaux frissons), graphiquement soigné, immersif et dont le dénouement fait preuve d’une belle audace.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Metropolitan FilmExport