L’âne et l’éléphantpar French Fry
Ambiance lourde aux Etats-Unis malgré la saison des Play offsen basket ball (en passant je signale que Tony Parker brille toujours autant sur le parquet des San Antonio Spurs…) : l’atmosphère de récession est maintenant bien installée.
70% des Américains se disent mécontents et pensent sincèrement que « les choses vont mal » (ils n’étaient que 48% en 2006 et 16% en 1996 au moment d’élire Bill Clinton). Les Etats-Unis ont perdu 20 000 emplois en avril et 80 000 en mars. La « working class », les « blue-collars » sont l’objet de toutes les discussions. Pour la première fois depuis la campagne, l’âne et l’éléphant (Hillary et McCain) sont d’accord sur une proposition : supprimer la taxe fédérale sur le carburant pendant les mois d’été. Madame Clinton pense que cela permettrait aux Américains -qui suffoquent financièrement- de pouvoir faire des économies pour s’offrir un week-end ou deux « en prenant du repos bien mérité » … De son côté, Ol’John espère ainsi offrir aux plus démunis quelques dollars et « un livre à leur enfant une fois la rentrée scolaire venue » (sic). Et Mr. Smile dans tout ça ? Il a perdu son sourire. Pas de week-end, pas de livres, il dénonce la « fausse promesse destinée à engraisser les compagnies pétrolières avec de l’argent de l’état ».
Il est vrai que les taxes fédérales sont habituellement réutilisées pour l’entretien des infrastructures routières et que le manque à gagner finira bien par retomber sur les contribuables. On ne peut pas vraiment dire que M. Smile fasse dans la démagogie ces dernières semaines et on ne peut pas dire non plus que cela lui réussisse… 1. Il devient casse-populiste et renonce à faire des voix bêtement comme les autres. 2. Il se débat avec un pasteur pas très berger qui attise les antagonismes raciaux et qui écorne l’image de son ami. Nous ne connaissons pas encore l’issue de ces primaires chez les ânes, mais si Mr. B devait perdre, le preacher man y serait pour beaucoup…3. Il n’est plus en phase de décollage et a perdu la poussée qui lui a permis de s’envoler faster better stronger en février mars. Pendant ce temps-là, Lady H. trace sa route dans une campagne au rythme rapide et changeant. Il y a 15 jours, on ne parlait que du mensonge d’Hillary sur la Bosnie, Barack était donné gagnant. Elle traînait la patte, on lui chuchotait de lâcher et de céder noblement le passage. Aujourd’hui, il n’y en a que pour le vilain pasteur et voilà Barack en mauvaise posture, faisant reluire l’acier inoxydable de cette bonne Hillary. Qui plus est, la voici l’emportant de 10 sièges en Pennsylvanie, ce qui était prévu mais ce qui arrive au mauvais moment pour notre B.O. Madame Clinton fait d’ailleurs en ce moment une très bonne campagne de terrain, faisant preuve – il faut bien le dire- d’une endurance respectable. Elle ne dévie pas d’un inch dans son discours semé de termes techniques et maintenu volontairement dans un registre technocratique qui aide à laisser transpirer son expérience. Cette résistance et cette obstination commence à porter ses fruits, particulièrement lorsque son adversaire est à la peine et que l’Amérique s’inquiète pour ses emplois. Les « travailleurs » cherchent à se rassurer et sont tentés de reléguer au second plan l’espoir d’un avenir meilleur. Ils veulent un avenir tout court.
L’audace « yes we can », séduisante en temps gras, semble trop légère les jours maigres, quand il s’agit de se loger, se nourrir ou se déplacer. Avant un discours, un leader syndical de Caroline du Nord chargé de « chauffer la salle » a même présenté la dame dans les termes suivant : « (a leader) that has testicular fortitude » (je crois qu’il est inutile de traduire, non ?). Ce à quoi notre Lady, toujours tac au tac et avec une élision, a répondu « I certainly have fortitude… ». Langage fleuri de printemps pour des Clinton en montée de sêve. La famille est déchaînée. Mr. O est face non pas à une mais bien à trois Clinton ! Bill -stratège en coulisses- a participé à 9 meeting politiques rien que ce lundi. Hillary multiplie les discours sur l’économie et sillonne infatigablement les deux états qui votent aujourd’hui… Le couple a même envoyé Chelsea au Derby du Kentucky, le Prix de DianeUS, état dans lequel on votera le 20 mai prochain. Bref la machine Clinton est à fond.
Obama a toujours le plus important nombre de délégués, a remporté le plus d’états et de votes populaires. Mais l’argument Clinton, c’est de dire que le vote des supers délégués – les spécialistes en quelque sorte- est majeur et qu’il se rangera auprès de l’expérience d’Hillary. Celle-ci affirme avoir plus de supers délégués que Barack – ce qui est invérifiable car ils gardent leur position secrète. Attention, plus de 300 avouent rester encore tout à fait indécis.
Vous comprendrez donc que le vote d’aujourd’hui est capital (Indiana et Caroline du Nord). Trois scenarii possibles :
- Hillary gagne la Caroline du Nord et l’Indiana. C’est un tournant positif pour elle et les supers délégués qui commencent à douter du choix Obama. La campagne continue, mais Mr. Smile a intérêt à réagir.
- Hillary perd les deux états. C’est un tournant positif pour Obama qui suscitera à nouveau l’engouement, en relançant la question de l’entêtement Hillarien et de son maintien.
- Chacun gagne un état… et c’est reparti pour un tour en attendant la West Virginia, semaine prochaine.
Bref, on verra bien qui a la plus grosse paire.