Jardiner. Ou pas.

Publié le 25 octobre 2013 par Rolandbosquet

   Après avoir gonflé comme baudruche à la foire la polémique qu'ils ont eux-mêmes créée, les médias aiment souvent à se distraire avec le marronnier de saison. C'était, la semaine dernière, l'été indien. Pour gagner du temps et économiser sur leurs frais de fonctionnement, ils auraient très bien pu ressortir les reportages des années précédentes. Le retraité qui prend le soleil à la terrasse d'un café en bord de plage, le couple prévoyant qui avait gardé quelques jours de congé pour se mouiller les pieds dans l'eau de mer avant la Toussaint ou le président du syndicat des commerçants de vêtements d'hiver qui se lamente du retard pris par le vent, la froidure et la pluie. Tous présentent un air de déjà vu. Le jardinier avisé les ignore superbement. Devant lui se dresse la longue liste des tâches à accomplir avant le venue des premières gelées. Tondre une fois encore la pelouse qui aussi dru qu'à la belle saison. Commencer à ramasser les feuilles et les entasser au fond de son courtil pour en faire un terreau léger et fertile propice à la reprise de ses plantations de printemps. Couper les fougères qui jaunissent et les étendre sur les platebandes du potager qu'il aura auparavant débarrassé des herbes indésirables. Buter les poireaux pour qu'ils blanchissent. Arracher les pieds de tomates qui pendouillent lamentablement à leur tuteur. Cueillir une poignée de girolles pour l'omelette du soir et un petit panier de cèpes pour les voisins. Ramasser les pommes et cuire une bonne compote ( lire les recettes de Jacques dans liens amis). Ramasser également les noix pour un ami qui les préfère fraîches. Changer la litière des chèvres naines qui en profitent pour s'évader et brouter allègrement les laitues feuilles de chêne. Nettoyer la cage des pigeons encombrées des brindilles des nids devenus inutiles et porteur potentiel de maladies. Tailler les branches de coudrier et de frêne laissées en place au printemps dernier et reconstituer le treillis de protection du potager contre les vents de bise et de traverse à venir. Ratisser les feuilles des bouleaux que le moindre coup de vent balaie vers la terrasse. Repiquer des pieds de pensées et de myosotis dans les jardinières qui hébergeaient des géraniums. Rentrer et bouturer les pélargoniums. Libérer un passage sous le tas de bois destinée à la cheminée pour les hérissons. Rattraper délicatement un couple de loirs qui s'est aventuré dans la gaine de ventilation de la maison et les relâcher dans la haie. Ils ne tarderont pas à revenir s'abriter dans les combles où ils disputeront leur intrépide partie de ballon avec une noisette ou un gland. Et ce seront des courses effrénées au-dessus de ma tête au moment même où je souhaiterai dormir. Comme d 'habitude. Mais grâce à Dieu et à la mécanique céleste, la lune culmine à son apogée ce soir. Il est fortement déconseillé au jardinier de jardiner. Alors je glisse dans le lecteur de disque un vieil enregistrement de Martha Argerich de la fantaisie en do majeur opus 17 de Robert Schumann. Je reprends le roman de David Malouf "Une rançon", et je m'installe dans mon fauteuil après avoir délogé mon chat qui l'accapare sans vergogne. On voit ainsi qu'avec un peu de bonne volonté, le monde peut tourner beaucoup mieux.