Essaïon Théâtre6, rue Pierre au Lard75004 ParisTel : 01 42 78 46 42Métro : Hôtel de Ville / Rambuteau / Châtelet
Une pièce de Charles VildracMise en scène par Pierre BoucardCostumes de Caroline GichukiAvec Frank Cicurel (Bastien), Barbara Castin (Thérèse), Pierre Boucard (Alfred Ségard), Michael Hirsch (Le matelot anglais), Patrick Bethbeder (Hidoux), Cécile Malo (madame Cordier) et Yves-Pol Deniélou, Gabriel Mirète, Etienne Ménard.
L’histoire : Au sortir de la Première guerre mondiale, les jeunes Bastien et Ségard décident de s’embarquer pour le Canada. Après avoir survécu à l’enfer des tranchées, ils ont soif d’une nouvelle vie. Mais une fois arrivés au port, ils apprennent que leur bateau est en cale sèche. Dans l’attente du prochain départ, ils logent à la pension Cordier où règne Hidoux, un pittoresque pilier de bar local, et où travaille la jolie Thérèse. Ce séjour forcé, propice aux réflexions et aux tentations, va changer le destin des deux amis.
Mon avis : J’ai d’abord été surpris par la jeunesse de la majorité des spectateurs et tout aussi étonné devant leurs longs et chaleureux applaudissements au moment des saluts. Un tel enthousiasme faisait visiblement chaud au cœur des comédiens. Il a même fallu que Pierre Boucard interrompe cette ferveur pour remercier et adresser quelques propos autour de la pièce.
Bien que presque centenaire, Le Paquebot Tenacity aborde plusieurs thèmes intemporels : l’amour, le désir de liberté, le choix de son destin. L’histoire se passe dans l’immédiat après-guerre 14-18. Les deux candidats à l’exil, Bastien et Ségard, sortent meurtris de longues années d’épreuves et d’affrontements. Désirant rompre avec ce terrible passé, ils ont décidé de tenter l’aventure et de partir se reconstruire au Canada. Les deux jeunes gens – c’est ce qui fait l’intérêt de la pièce – sont très dissemblables. Bastien est le meneur. Il est exalté, autoritaire, pragmatique et volubile. Alors que Ségard, le suiveur, est plus discret. C’est un idéaliste doublé d’un romantique… Et, au cours de leur séjour forcé dans la pension de madame Cordier, leur attirance commune pour la jolie serveuse, Thérèse, va être l’élément déclencheur qui va infléchir leur destin.
Le texte, d’époque, a un peu vieilli. Mais ça donne un certain charme sépia aux dialogues. J’ai trouvé la scène d’exposition un peu longuette, parce que très bavarde et dominée par le flot de paroles de Hidoux, un pittoresque pilier de bar un peu saoul et très saoulant. Ensuite, je ne sais pas si c’est l’effet « bar de zone portuaire », toujours est-il que je me suis mis à faire un parallèle avec le Bar de la Marine de la trilogie de Pagnol. Finalement, j’ai eu l’impression que Bastien/Marius et Thérèse/Fanny nous refaisaient l’histoire à l’envers avec la bienveillance de Hidoux/César. Mais, hélas, sans en avoir jamais la dimension tragique. On s’attend sans cesse, mais en vain, que ça tourne au drame. Quand on sait que l’auteur, Charles Vildrac, que l’on dit « connu pour son idéalisme et ses convictions humanistes », on comprend qu’il ait opté pour cette fin plutôt gentillette.
Pour ce qui me concerne, j’ai trouvé que cette pièce manquait parfois de souffle, comportait quelques longueurs et je me suis un peu ennuyé. Heureusement, les cinq principaux comédiens font preuve d’une belle générosité qui force la sympathie. Avec une mention spéciale pour les deux femmes qui sont très justes. J'ai bien aimé aussi l'évolution de Hidoux qui, de pochetron insupportable, se métamorphose petit à petit en philosophe fataliste...