Betrayal est une nouvelle série diffusée depuis octobre sur les ondes d’ABC aux États-Unis et CityTV au Canada. Celle-ci nous transporte à Chicago et dès le départ, on assiste à la rencontre entre l’avocat Jack McAllister (Stuart Townsend) et la photographe Sarah Hanley (Hannah Ware) lors d’une exposition où se retrouvent quelques-unes de ses œuvres. Sans que l’on sache trop pourquoi, c’est tout de suite le coup de foudre entre eux et une liaison amoureuse s’ensuivra, bien qu’ils soient tous deux en couple et parents. En toile de fond, le beau-frère de Jack, T.J. Karsten (Henry Thomas), est accusé du meurtre de son oncle. McAllister le représentera en cour alors que c’est nul autre que le mari de Sarah, Drew (Chris Johnson) qui sera l’avocat de la défense; de quoi compliquer la vie des amants. Adaptation de la série néerlandaise Overspel (2011 VARA), Betrayal a pour principal défaut de se prendre trop au sérieux. Les intrigues molles et un contenu trop dilué pourraient aussi expliquer le piètre succès de la série après la diffusion de 4 épisodes.
Le cœur a ses raisons… qu’on ne comprend pas
Une histoire amoureuse est au cœur du scénario de Betrayal et c’est malheureusement là sa plus grande faiblesse parce qu’on n’y croit tout simplement pas. Lors de leur rencontre à l’exposition, Sarah et Jack s’échangent des phrases badines alors qu’ils se retrouvent isolés du reste des convives. Le lendemain, l’amoureux décide de la revoir en prétextant vouloir acheter une de ses œuvres. Puis, il en faut moins de deux pour qu’ils se retrouvent dans le même lit. Dans un scénario hollywoodien typique, leur relation extraconjugale, si exaltante, serait mise en contraste avec la morne du quotidien au sein de leur famille respective. Ce raccourci simpliste aurait au moins le mérite de mettre les choses au clair. Or, dans la série, les amants ont davantage l’air malheureux lorsqu’ils sont ensemble et c’est tout juste s’ils ne culpabilisent pas pendant l’acte!
Jack est marié à Elaine (Wendy Moniz) et ils ont deux adolescents. Bien que l’heure ne soit pas à la plaisanterie étant donné que T.J. est en prison jusqu’à son procès pour meurtre, il se montre un père attentionné et mis à part quelques brouilles avec sa douce moitié, le ménage semble plutôt stable. Il en va de même chez Drew et Sarah. Ils élèvent ensemble leur garçonnet. Son mari travaille trop et néglige quelquefois sa femme, mais ils restent tout de même unis. Pour preuve, à la fin du deuxième épisode, les amants proposent de se donner rendez-vous un certain soir sur un pont de la ville. Si les deux s’y rendent, c’est qu’ils veulent continuer leur relation et s’ils ne se retrouvent pas, c’en est fini… Coup de théâtre, Jack s’y rend, mais pas Sarah qui décide plutôt de rejoindre sa famille. Cette « entorse » au scénario classique est tout sauf convaincante. On sait que leur histoire d’amour ne s’arrêtera pas si tôt dans la série, d’autant plus qu’ils auront à se côtoyer étant donné l’affaire judiciaire qui unit les deux hommes.
La mise en scène n’est pas en reste et tend à agacer plus qu’à émouvoir. Une musique trop dramatique est présente à presque chaque scène, si bien qu’elle perd de son effet. Lors du troisième épisode, Sarah est sensée avoir rompu tous liens avec Jack. Cependant, dès qu’elle voit un homme de dos, que ce soit dans le parc, un bar, etc., elle s’imagine qu’il s’agit de son amant. Deux, trois, peut-être quatre scènes comme celles-ci, passe encore, mais on nous en montre une kyrielle et de très longue durée par surcroit. Soit on craint que le téléspectateur soit trop simplet pour avoir compris le message, soit on cherche à meubler du temps. Il arrive aussi à Sarah de faire des rêves « érotiques » en pensant à Jack. Les images au ralenti, la fausse pudeur des étreintes qui minaient en partie la crédibilité de Mistresses (ABC, 2013- ) cet été : tout concours à donner l’impression qu’on est en plein Harlequin ou soap d’après-midi…
Et le reste?
Dans son article, Mary McNamara écrit avec justesse : «There is no shame in selling soap, (…) but it does require a lightness of touch, an ability to acknowledge the camp factor without giving way to it. « Betrayal » enters instead with prestige-drama pretensions and quickly devolves into a lumbering form of mismatched parts borrowed from other, far better stories. » En effet, la rencontre entre Sarah et Jack coïncide avec le supposé meurtre qu’aurait commis T.J. celui-ci a été victime quelques années auparavant d’un accident qui a affecté ses facultés mentales, si bien qu’il agit quelquefois comme un enfant et se révèle incapable de mentir. Lorsqu’il dit qu’il n’a pas tué son oncle, on tend donc à le croire, d’autant plus que la famille Karsten dont le patriarche Thatcher (James Cromwell), qui est à la tête de la plus importante firme immobilière de Chicago, a souvent trempé dans des affaires louches. Se dessine donc en arrière-plan une histoire judiciaire, sinon policière. Le problème, c’est qu’elle n’est pas traitée avec assez de sérieux. On nous fournit peu d’indices, nous n’avons aucun suspect potentiel et après trois épisodes, le principal suspect n’est pas une seule fois apparu en cour. Certaines lignes du scénario nous font entre autres penser à Revenge (familles riches, meurtres, aventures extra-conjugales). Dans le cas de cette série, la machine est bien rodée, les téléspectateurs en connaissent les rouages et ses plus grands fans l’acceptent comme telle. Dans Betrayal, les éléments d’enquête qui pourraient contribuer à amplifier le suspens sont écartés par une romance peu séduisante.
Ce brouillon qui caractérise la série s’étend aussi aux membres de la famille Karsten. La femme de Jack est prise entre l’arbre et l’écorce. Elle souhaite que son frère T.J. soit libéré le plus vite possible, mais pour cela, elle doit mentir aux autorités quant aux agissements suspects de ses pairs. Vivre dans l’hypocrisie lui répugne tout simplement. On s’intéresse aussi dans la vie des deux enfants du couple : Victor (Braeden Lemasters) et Valerie (Elizabeth Mclaughlin). Le premier est victime d’intimidation et tente de se durcir en prenant des leçons de boxe alors que la seconde découvre qu’elle est lesbienne. Ces tentatives de donner de la profondeur aux personnages secondaires est louable, mais on se demande constamment où la série s’en va et en quoi ces scènes sont utiles à l’intrigue. Le seul fil conducteur auquel le téléspectateur peut s’accrocher, c’est le flash-forward montré au premier plan de Betrayal, dans lequel on voit Sarah sur une civière, ensanglantée alors qu’on la transporte à l’hôpital. Est-elle en vie ou morte? Crime passionnel ou règlement de compte? Une chose est sûre, les trois premiers épisodes nous rendent trop amorphes pour nous garder sur le qui-vive jusqu’à la fin.Avec des cotes d’écoute qui peinent à se maintenir au-delà du 3,5 millions de téléspectateurs (chiffre assez bas pour une série du dimanche soir), les beaux jours de Betrayal sont comptés selon la plupart des critiques. Contenu dilué, romance à l’eau de rose et sans fondements, mise en scène pompeuse qui inspire l’ironie, toutes ces raisons sont bonnes pour attaquer la crédibilité de celle-ci. Lors du premier épisode, un des protagonistes dit : «After the first betrayal, there’s no other »… un présage qui s’appliquerait aussi à la série?