Il y a quelques temps, j’ai rencontré Guillaume Cappon, Directeur de la Communication Europe de la marque, qui m’a raconté tout un tas d’histoires passionnantes sur Shiseido, ses origines, sa philosophie, son esprit d’entreprise, ses innovations. J’en partage aujourd’hui l’essentiel avec vous, je suis sûre que vous allez apprendre des choses que vous ne soupçonniez même pas…
J'ai toujours voulu travailler dans l'univers du luxe, parce qu'il y a une vraie patte créative, un rôle de l'image important. Très rapidement j'ai eu diverses expériences dans la mode, la beauté, la haute joaillerie, et une vision 360° de la communication - de la conception à la création, jusqu’à la production et la médiatisation des contenus.J’ai commencé chez Chanel, puis chez son agence média CIA, j’ai ensuite travaillé pour Chalhoub, n°1 du luxe au Moyen-Orient, ce qui m’a permis d'avoir un souffle nouveau, de quitter la France parfois trop sclérosée à mon goût, de rencontrer des personnes de toutes nationalités et cultures, de visiter des marchés assez incroyables… Puis j'ai eu envie de revenir en France, à l'émulation parisienne, à sa créativité, son histoire, et j'ai rejoint Shiseido pour m’occuper de la communication et des relations presse pour l'Europe.
On m'a donné carte blanche pour créer le département, c'était un challenge incroyable ! Il me fallait d'abord constituer l'équipe, puis apporter des outils de communication, créer de la valeur pour l'ensemble des marchés Européens, du Moyen-Orient et de L'Afrique (35 pays). Je suis également en charge du web pour l'Europe, sur 16 marchés, avec un gros chantier actuellement pour la refonte du site et l'ouverture d'un e-commerce.
Peux-tu nous raconter l’Histoire de Shiseido en quelques dates-clés ?La marque est née en 1872. Elle a une dimension recherche & développement extrêmement forte, c'était d’ailleurs au départ la première pharmacie de type occidental au Japon, dans le quartier Ginza de Tokyo. Une véritable fusion entre la science occidentale et l'esthétisme oriental. Il yavait déjà à l'époque, il y a plus de 140 ans, une volonté de faire bouger les lignes. Ce que nous continuons à faire aujourd'hui…
Le fils du fondateur a fait beaucoup pour la philosophie et l’essor de la marque. Il était passionné d'art contemporain, photographe, et a parcouru l'Europe et les Etats-Unis. Il est revenu avec des idées qui n'étaient implantées qu'en Europe à l'époque.
De ses observations sont nées par exemple la Fukuhara Toothpaste, ou la lotion Eudermine. Et depuis, ses successeurs ont continué à innover, inventer de nouveaux produits, de nouveaux gestes… C’est dans l’ADN de Shiseido.La lotion Eudermine a été créée quelques années plus tard, sur un principe pharmaceutique inspiré de ce qu'il se faisait dans les drugstores européens à l’époque - au Japon, les lotions n'étaient à l'époque qu'à base d’extraits végétaux. C’était une lotion aux vertus hydratantes, à usage mixte dès le départ, la première étape du soin du visage. « The red lotion » était d’ailleurs le premier produit cosmétique de la marque, et c’est d’elle qu’est né le rouge emblématique Shiseido. Aujourd’hui, toutes les routines de soin asiatique intègrent une étape lotion. En Europe, c'est plus compliqué, il faut expliquer Eudermine, dire qu'elle sert à préparer la peau à une réception optimale de l'étape soin (= crème) et permettre aux principes actifs de pénétrer de façon plus profonde. La lotion est indissociable pour Shiseido de la crème, peu importe le type de peau.
Dans les années 20, Shiseido a mis au point la première Rainbow Face Powder, une poudre visage composée de plusieurs teintes (vert + mauve + jaune…) dont la somme optique donne une couleur chair, et qui permet de gommer les imperfections colorielles de la peau : le vert contre les rougeurs, par exemple.
Shiseido n’a pas innové que dans les produits, mais aussi dans la manière de communiquer, et même parfois au niveau social.
La place de l’Art est très importante, par exemple, et cela se ressent sur nos publicités depuis le début. Ce qu’on sait moins ici en Europe, c’est que Shiseido a aussi ouvert des musées au Japon, de véritables musées, notamment en Art Contemporain.
Shiseido, en France, n’est connu pour être "que" une marque de soin haut de gamme. Mais qu’en est-il en réalité ?
Shiseido est un groupe avec 26 marques : des cosmétiques haut de gamme (ceux que vous connaissez) ou beaucoup plus accessibles (vendus en supermarché), de l'acide hyaluronique (que l'on vend à 400 entreprises à travers le monde, et même pour la chirurgie oculaire), du riz, des boissons au collagène, des restaurants, des traiteurs (Shiseido Parlour est le Hédiard local), des musées.... C'est une véritable institution au Japon, l'entreprise fait partie de la culture japonaise quotidienne, c'est une marque "lifestyle".
La Recherche Shiseido, c'est plus de 1000 chercheurs, plus de 10 centres de recherche, plus de 2 400 brevets déposés, des partenariats avec des universités comme la Harvard Medical School pour la recherche sur les cellules souche... Nous avons des équipes de formulateurs dans différents pays, et grâce au programme de recherche Shiseido, ils passent d'un centre à un autre tous les 3 à 5 ans, ce qui est très enrichissant pour eux, et stimule l’innovation.
Au niveau de la formulation, nous avons notamment une technique d'émulsification brevetée qui donne des textures poids plume jamais très riches mais suffisamment confortables. Ces textures sont inimitables, et c'est ce qui fait aussi le succès de nos produits. Dans nos constructions de gamme, on propose toujours des alternatives de textures : crème et "émulsion", c'est à dire un fluide plus léger. Les pays du nord préfèrent les textures crèmes, ceux du sud les fluides.
Shiseido, c'est une véritable pépite en termes de communication, parce que son histoire est déj
à un très beau terreau : on peut réinventer le passé, le remettre au goût du jour, c'est une quête sans fin et sans limite pour nous. On se sert au maximum de nos archives.Nous essayons toujours d'essayer d'insuffler quelque chose de nouveau, voire un peu futuriste pour la marque. Par exemple, pour la campagne sur notre nouvelle gamme Ibuki, on est allé chercher une technologie qui permet d'avoir une interaction numérique entre le souffle et une vidéo. C'est la première fois d’ailleurs que Shiseido Europe créé une campagne de A à Z : casting, discours, mécanique, tournage... Notre équipe a la chance d’avoir une vraie marge de manœuvre, ce qui est assez rare au sein d’une marque de luxe dont les univers sont souvent très chartés, figés, voire ancrés.
Travailler avec le Japon, c'est extrêmement enrichissant. Ils ont une approche totalement différente de la nôtre, une notion du temps particulière : les choses sont plus lentes, analysées, il y a une culture du consensus. J'ai appris par exemple que les japonais, avant de prendre une décision, vont tous se consulter, analyser tout dans les moindres détails, et une fois la décision prise, ils ne reviennent pas dessus. En France, on a tendance à se décider hyper-rapidement et on réoriente la stratégie après !
Le siège est aussi à l'écoute des spécificités européennes. Chaque année, nous recevons par exemple à Paris un « talent », un jeune japonais qui vient apprendre le métier en Europe.
Nous sommes tous des passionnés. On apprend tous les jours, ne serait-ce que sur la marque, car elle a une richesse qu'on ne trouve nulle part tailleurs. C'est sans fin, on peut tirer pas mal de ficelles, rebondir... On sent vraiment la passion dans les équipes, il y a un très fort attachement à la marque, un véritable dépassement de soi - à l'image de celui des japonais, de la dévotion qu'ils peuvent avoir pour leur entreprise. Ce qui contribue très probablement à son succès. On ne s'ennuie jamais chez Shiseido !