Bilan des Pumas en Rugby Championship

Publié le 24 octobre 2013 par Sudrugby

Encore une année sans victoire pour les Argentins. A la différence de l’édition 2012 qui nous avait laissé plein d’espoirs pour la suite, cette année un gout amer reste en bouche. Outre un premier match catastrophique face à des Sud-Africains stratosphériques, qui nous ont remis les Argentins à leur place, c’est ce dernier match qui fait mal. A Rosario, face à des Australiens dans le doute, l’entraîneur des Pumas, Santiago Phelan avait bien fait comprendre que la première victoire était proche, mais a-t-il suffisamment motivé son équipe? Car au final nous avons vu des Argentins dépassé par l’enjeu et complètement à côté de la plaque, résultant sur une nouvelle raclée.

Alors non, ça ne sera pas pour cette année que les Pumas fêteront leur première victoire, mais comme on dit par ici : « De esperanza vive el hombre ».

Après Rodrigo Roncero en 2012, c'est Felipe Contepomi qui a pris sa retraite internationale à la fin du Rugby Championship 2013

L’avant Rugby Championship 2013

Remontons un peu le temps avant ce fameux Rugby Championship 2013 et arrêtons-nous à la tournée de juin. Les All Blacks mataient la France, les Springboks remportaient leur « South African Quadrangular Tournament », et les Wallabies étaient battus par K.O lors du dernier match par des Lions Britanniques & Irlandais rugissant. Peu de personnes aurons fait attention à ce qui se passait en Argentine.

Celle-ci recevait une équipe d’Angleterre fortement remaniée à cause de la tournée des Lions, qui va permettre de voir des joueurs comme Freddie Burns, Marland Yarde, Christian Wade ou Matt Kvesic. Du côté sud-américain, c’est l’occasion de rassembler ses joueurs et ainsi de forger une véritable équipe pour le Rugby Championship. Mais avec un Top14 éprouvant pour un grand nombre de joueurs, il a bien fallu reposer les cadres. Pas de Juan Martin Fernandez-Lobbe, Patricio Albacete, Juan Imhoff ou de Juan Martin Hernandez à l’horizon. On y voit une équipe relativement jeune (26 ans de moyenne) avec notamment les débuts de Benjamin Urdapilleta qui a vécu une saison de rêve avec Oyonnax (lien vers le groupe sélectionné à l’époque).

Au final, nous avons pu assister à une prestation impressionnante de la jeune garde anglaise, avec deux victoires 3 – 32 et 26 – 51. Que retenir de ces match, si ce n’est que les joueurs ont eu du mal à se trouver et qui comme une équipe des Barbarians, éprouve des difficultés à construire du jeu. Même avec Felipe Contepomi, l’absence d’un réel leader tel Agustin Pichot ou JM Fernandez-Lobbe s’est faite sentir. De plus avec l’application des nouvelles règles en mêlée fermée, la spécialité argentine, à savoir la « bajadita », n’est plus possible. Le pack a donc été fortement chahuté lors cette tournée avec plusieurs essais de pénalité en conséquence. Enfin, un thème assez récurrent chez les Argentins, la défense parfois laxiste de certains, ce qui peut expliquer les 13 essais encaissés en 2 matchs.

Ce n’est donc pas très encourageant pour le tournoi qui suit, mais au moins on peut estimer que l’équipe est en construction et que les automatismes vont se faire. Mais Phelan a réfléchi autrement, et ne gardera que 5 joueurs ayant participé à cette série de juin :

  • Landajo et Cubelli : les 2 demi de mêlées en concurrence avec avantage pour le premier.
  • Farias et Galarza : Le premier sera finalement repositionné en seconde ligne, comme le second. Ils restent néanmoins derrière Albacete et Carizza.
  • Contepomi : Pour sa dernière année, il va pouvoir apporter toute son expérience et son envie aux jeunes des lignes arrières.

Voici donc le groupe qui représentera l’Argentine pour le Rugby Championship 2013:

Agustin Creevy, Eusebio Guinazu / Marcos Ayerza, Matias Diaz, Juan Figallo, Nahuel Lobo, Juan Pablo Orlandi / Patricio Albacete, Manuel Carizza, Mariano Galarza, Tomas Lavanini / Julio Farias Cabello, Juan Martin Fernandez Lobbe, Juan Manuel Leguizamon, Benjamin Macome, Pablo Matera, Leonardo Senatore / Tomas Cubelli, Martin Landajo / Felipe Contepomi, Nicolas Sanchez / Marcelo Bosch, Santiago Fernandez, Martin Rodriguez, Gonzalo Tiesi / Horacio Agulla, Gonzalo Camacho, Juan Imhoff / Lucas Gonzalez Amorosino, Juan Martin Hernandez, Joaquin Tuculet

Un groupe correct, avec des lignes arrières jeunes et un groupe d’avant qui se repose sur les habitués du maillot bleu et blanc. Avec l’absence (dommageable ?) d’Urdapilleta, Nicolas Sanchez est désigné ouvreur titulaire des Pumas, malgré une saison plutôt morose à Bordeaux, barré par le très bon Camille Lopez. Enfin, même avec l’absence de Fernandez-Lobbe pour le début du tournoi, la troisième risque d’être redoutable avec Juan Manuel Leguizamon qui va encadrer les jeunes Leonardo Senatore et Pablo Matera.

Le Rugby Championship 2013

L’année dernière pour leur premier tournoi, les Pumas avaient été prometteurs. Deux défaites de justesse face aux Wallabies, un nul à domicile face aux Springboks et 60 bonnes minutes face aux All Blacks à l’extérieur (il faut se contenter de ce que l’on a!).

Juan Manuel Leguizamon

L’objectif de Phelan (qui est assisté par le coach champion du monde Graham Henry) est de remporter une première victoire et surtout de monter un groupe solide dans l’optique de la Coupe du Monde 2015. Au final les Argentins auront largement perdu chez les Sud-Africains (73 – 13) suivi d’un match serré (17 – 22). Face au futur champion Néo-Zélandais, deux nouvelles défaites (28 – 13 et 15 – 33) et enfin une courte de défaite chez les Australiens (14-13) et une raclée pour finir ce tournoi (17 – 56). Les Argentins finissent donc dernier avec 2 points de bonus défensif. Ils auront encaissé 26 essais (et un total de 266 points) et seulement 7 marqués (total 88 points). Au niveau des statistiques individuelles, Juan Manuel Leguizamon termine meilleure marqueur argentin avec 3 essais, et Nicolas Sanchez décroche le prix du plus gros plaqueur du tournoi !

Outre ces statistiques, quels ont été les satisfactions/déception de ce tournoi 2013 ?

Un des gros points fort des Argentins aura été la mêlée. Même si le premier match fut brouillon à ce niveau-là (à tous les niveaux à vrai dire) le reste du temps les Pumas ont été dominateurs. Deuxième meilleure équipe dans cette phase de jeu (76% de réussite, derrière les 100% des Sud-Africains et respectivement 74% et 62% pour les Néo-Zélandais et les Australiens), elle doit beaucoup à ses deux piliers Figallo et Ayerza, qui furent nommés par plusieurs sites, meilleurs piliers du tournoi. L’exemple type sera le match face aux All Blacks, où Ayerza châtia Franks qui sera sorti à la mi-temps. Les nouvelles règles ont donc été bien assimilées par les Argentins, et la puissance du pack est bien de retour.

Juan Martin Fernandez Lobbe

Sinon que dire des « vieux » de cette équipe. Malgré la barre des 30 ans passés, Fernandez-Lobbe, Leguizamon, Albacete et même Contepomi, ont montré qu’il fallait toujours compter sur eux au niveau international ! Parlons du joueur clé du pack, JMFL, habitué au poste d’openside flanker, il a été repositionné de l’autre côté suite aux bonnes prestations de Pablo Matera, dont nous parlerons plus tard. Moins sous le feu des projecteurs, il a néanmoins abattu un travail énorme. JL, lui repositionné au poste de 3e ligne centre après la suspension de Senatore, a montré toutes ses qualités athlétiques. Guerrier increvable, auteur de nombreuses percées, et de 3 essais pour les Argentins, il montre à tous que même en Pro D2 il garde le niveau. Enfin dernier avant cité, Albacete a été blessé dès le premier match, mais même s’il n’était pas à 100% à son retour, il a montré toutes les qualités nécessaires d’une bon 2e ligne, et formera à Toulouse un duo du tonnerre avec Tekori. Son retour a fait du bien au niveau des touches, point faible des argentins. Contepomi, aura une mention spéciale en cette fin d’article. Il ne faut pas oublier l’ancien-biarrot, nouveau Sarries, Marcelo Bosch, qui a été très bon au poste de second centre. Très présent en défense, il a été incisif en défense, parmi une équipe qui se cherche encore au niveau du style.

Pablo Matera

Place aux jeunes maintenant ! La révélation côté Pumas cette année aura été sans conteste Pablo Matera. Ancien participant du World7Series, il évoluait il y a encore peu sous les couleurs du club d’Alumni et des Pampas XV. Installé par Phelan au poste de numéro 6, avec l’absence de JMFL lors des premier matchs, ses prestations vont lui permettre de garder ce maillot jusqu’à la fin du tournoi en forçant JMFL à changer de numéro. Ce Rugby Championship lui a même permit de décrocher un contrat chez les champions en titre Anglais, Leicester Tigers, afin de palier à l’absence de l‘excellent Tom Croft. A seulement 20 ans, il est l’un des espoirs à son poste !

Ensuite Santiago Phelan étant parti avec un seul demi d’ouverture, à savoir Nicolas Sanchez, ce dernier avait fort à prouver. Privilégiant les passes, nous pouvons enfin oublier le style « kick&chase », néanmoins le style reste encore à définir. Le bordeaux-béglais a donc eu l’occasion de s’installer à ce poste et de prendre du temps de jeu (il forme d’ailleurs avec Israel Folau, Conrad Smith et Eben Etzebeth le groupe des joueurs ayant joué toutes les minutes du tournoi). Malheureusement son dernier match aura révélé des lacunes défensives lors des matchs à pression. Pour l’avenir il va former avec Landajo la future charnière des Pumas pour 2015, tout en gardant un œil sur le jeune Patricio Fernandez, meilleur marqueur de la dernière coupe du monde junior.

Eusebio Guinazu

Tout comme la mêlée fut le point fort des Argentins lors de ce Rugby Championship, la touche en fut le point faible. Outre l’absence de Fernandez-Lobbe, sauteur émérite, lors des premiers matchs, c’est surtout au niveau du lancer que le bât blesse. Solide en mêlée, Guiñazu et Creevy ont fourni des prestations très moyennes à ce niveau-là. 76% de réussite, ce n’est clairement pas acceptable lorsque l’on affronte les meilleures équipes du monde. Le premier cité, titulaire la majeure partie du tournoi, ne fut pas un exemple à suivre. Prenons par exemple le premier face aux All Blacks à Hamilton (NZL). En plus d’écoper d’un carton jaune, sur 16 lancés pas moins de 6 ont été récupéré par les hommes en noirs. Il va donc falloir revoir rapidement les bases car sans ce point d’ancrage dans le camp adverse, il est quasi-impossible de s’en sortir.

Juan Martin Hernandez

Autre problème récurrent chez les Argentins est la défense. On les sait capable de mettre les barbelés et de tenir en défense, mais cela demande bien trop d’énergies pour une équipe qui a du mal à boucler ses matchs. Lors des deux défaites écrasantes face aux Sud-Africains et aux Australiens, le pourcentage de plaquage réussi atteint péniblement les 70-75%. En comparaison, lors des matchs où les Pumas ont pu sortir la tête de l’eau (face à ces mêmes équipes) le ratio monte à 90%. Il y a une certaine amélioration par rapport à l’année dernière, quand on voit par exemple l’acharnement de Bosch ou Sanchez au plaquage, néanmoins les problèmes en attaque ne peuvent pas encore compenser les quelques errements défensifs. N’oublions pas aussi que si l’on souhaite défendre, il faut le faire bien, car avec en moyenne 9 pénalités/match donné à l’adversaire, cela risque de poser problème. La preuve face aux Sud Africains où les pénalités offertes à Steyn leurs ont permis de gagner. Les Argentins n’avaient pas besoin d’autant d’indiscipline, comme les cartons à répétition qui finiront même avec une suspension pour Senatore dès le second match et enfin une autre pour Landajo en fin de tournoi.

Enfin le joueur qui m’aura le plus déçu est définitivement Juan Martin Hernandez. El Mago n’était clairement pas présent durant ce Rugby Championship. Depuis 2007, les blessures s’enchaînent et Hernandez n’arrive clairement pas à retrouver son niveau. Le facteur X des Pumas n’aura pu sortir les griffes, malgré l’insistance de Phelan pour le laisser au poste d’arrière. Ce qui par ailleurs n’a pas permis au jeune Joaquin Tuculet de montrer toute l’étendue de son talent.

Les prochaines échéances

Patricio Fernandez

Que dire sinon que pour l’année prochaine, une victoire des Pumas serait la bienvenue, mais avec des All Blacks intouchables, des Sud-Africains qui ont enfin retrouvé la dynamique d’antan et un groupe Australien jeune qui se forme rapidement, cela semble bien compliqué. Un destin similaire à l’Italie dans son entrée dans les 6 Nations ? Fort probable.

La prochaine échéance reste néanmoins la tournée d’automne, où les Argentins affronteront l’Angleterre, le Pays de Galles et l’Italie. Une tournée difficile, en espérant y voir des améliorations. A noter qu’en ce moment même la jeune garde des Pumas, les Jaguars, ont remporté l’American Championship, avec trois victoire sur le Canada, les Etats-Unis et l’Uruguay. Des joueurs comme Patricio Fernandez (10), Sebastian Poet (Centre), Joaquin Tuculet (15) se sont fait remarquer et devrait incessamment sous peu rejoindre le groupe des Pumas.

Santiago Fernandez

Enfin dernière bonne nouvelle, les joueurs Argentins ont de nouveau la cote! Après les ruptures de contrat pour Amorosino ou Santi Fernandez, le destin des Argentins dans le championnat européen semblait s’assombrir. Mais les bonnes prestations durant ce TRC auront permis à certain de signer des contrats. Comme dit précédemment, Matera va rejoindre les Leicester Tigers, Amorosino va chez le promu Oyonnax, Santi Fernandez s’est trouvé une place dans l’équipe de Bayonne, et le trio Creevy, Galarza et Senatore, rejoint Ignacio Mieres chez les Worcester Warriors. A noter aussi le CDD de 3 mois signé par Tomas Leonardi chez les écossais d’Edimbourg. En espérant que cela permettra à ces joueurs d’emmagasiner du temps de jeu, et de voir un jour arriver une équipe Argentine en Super Rugby. Un Super Rugby que Matias Diaz va découvrir sous les couleurs des Highlanders et probablement Tomas Lavanini avec les Chiefs!

Santiago Phelan

Suite à la révélation dans les journaux de dissensions au sein des Pumas (joueurs + staff) dans le quotidien « la Nacion », Santiago Phelan, ainsi que 3 membres de son staff, ont décidé de remettre leurs démissions à l’UAR. L’information remontée par le quotidien argentin, fait part notamment de la présence de divisions au sein des joueurs. Des groupes se sont formés semble-t-il autour du capitaine JM Fernandez-Lobbe, qui soutient Phelan et Pichot, un autre avec le seconde ligne Patricio Albacete, qui lui soutient plutôt Ignacio Fernandez-Lobbe, et enfin les jeunes joueurs un peu à la marge. Enfin des discutions houleuses ont eu lieu au sein du staff, sur le cas Contepomi entre autre.

Santiago Phelan a alors déclaré lors de la conférence de presse, tenue suite à sa démission, que « [sa] décision était basé sur le fait que des informations privés concernant le groupe ont été rendus publiques, impliquant aussi les membres du staff, cela engendrant un climat malsain. Ces publications sont un manque de respect envers l’ensemble de l’équipe ». Les membres de l’UAR, tels que Agustin Pichot ou Luis Castillo, ont tous soutenu l’ancien entraîneur. JMFL a quant à lui, envoyé un courrier aux journalistes pour faire part de son mécontentement sur la divulgation d’informations privées, et que pour lui il s’agissait d’un manque de respect envers les joueurs, le staff et le rugby argentin. L’UAR a nommé Daniel Hourcade, actuel coach des Pampas XV, comme futur entraineur des Pumas.

Mention Spéciale

Comment ne pas terminer un article sur l’équipe Argentine de 2013 en parlant de ce grand joueur qu’aura été Felipe « El Mellizo » Contepomi. Bien qu’alternant les hauts et les bas lors de ce tournoi, il terminera néanmoins avec 20 points marqués, dont 1 essai, et un record de 87 sélections. Contepomi c’est d’abord une carrière énorme. A 36 ans, il cumule 4 coupes du monde, dont celle de 2007 qui restera à jamais dans les mémoires du peuple Argentin. Il a tout donné pour son pays, comme en témoigne donc ses 87 sélections et ses 651 points. Mais outre une carrière internationale bien remplie, c’est aussi en club qu’il a montré ses qualités. Après dès début à Bristol en Angleterre, c’est chez les Irlandais du Leinster qu’il va se démarquer. Grace à lui le Leinster va remporter la HCup en 2005-2006 ainsi que la Celtic League. Mais avec l’arrivée du jeune Sexton, il va finir par faire ses valises et rejoindre respectivement le RC Toulon puis le Stade Français. Certains se souviendront de lui comme étant le joueur qui marqua un drop alors que le Stade Français était mené de 6 points, mais il fut aussi l’homme de coup d’éclat, et était toujours prêt à donner des conseils aux jeunes loups qu’il a pu rencontrer.

C’est donc cette année qu’il décide de mettre un terme à sa carrière internationale, mais pas au rugby. Il a en effet retrouvé son club formateur de Newman, avec lequel il va participer à l’URBA Top 14. Ce chirurgien de 36 ans a donc été le fer de lance du renouveau du rugby argentin, et continuera surement à aider ce dernier à progresser comme le font d’anciens joueurs tel qu’Agustin Pichot.

« Me considero un afortunado, soy un agradecido por lo que el rugby y la vida me dieron, y sobre todo por la possibilidad de haber jugado con los mejores jugadores de toda la historia del seleccionado de rugby argentino » – Je me considère comme une personne chanceuse, je ne remercierai jamais assez le rugby et la vie pour ce qu’ils m’ont donné, et surtout pour avoir eu la chance de jouer avec les meilleurs joueurs de toute l’histoire du rugby argentin.