Générale de presse, hier, du nouveau musical proposé par Stage Entertainment France (Cabaret, Le Roi Lion, Sister Act...), seul acteur du théâtre privé capable d'offrir au public un peu de Broadway à Paris. Adapté du dessin animé éponyme et de la version scénique créée outre Atlantique il y a 20 ans, "La Belle & la Bête" d'Alan Menken et Howard Ashman , dirigé ici par Glenn Casale, est un show moins surprenant que Le Roi Lion (autre spectacle Disney inspiré d'un long métrage d'animation) mais doté de beaux moyens, aux costumes et décors majestueux, d'une remarquable fluidité (astucieuse scénographie), porté chaque soir par 35 artistes et 7 musiciens live. Certes, nous sommes loin de Cocteau, mais voici du grand spectacle à l'anglo-saxonne, à voir avec les plus jeunes.
Du village de Belle au Château de la Bête, au fil de tableaux souvent riches, le spectateur en prend donc plein la vue et les oreilles, découvrant les tourments de ce prince transformé en monstre, condamné à aimer et se faire aimer, en dépit de son apparence, s'il souhaite recouvrer forme humaine et permettre à ses domestiques de sortir de l'état d'objet auquel le même sort les a réduits. Belle, qu'il a faite prisonnière, sera peut-être celle que chacun attendait.
Au service de l"Histoire Eternelle de deux inconnus...", dont la traduction française signée Nicolas Nebot et Ludovic Alexandre Vidal, se révèle truculente à souhait, des artistes qui chantent, dansent et jouent la comédie avec une rigueur absolue. Si Yoni Amar devra encore travailler pour convaincre totalement en Bête (trop de douceur chez cet artiste plutôt doué), Si Manon Taris, aux talents certains, teinte la partition de Belle d'un peu trop de lyrisme aseptisé, le duo fonctionne, et les seconds rôles font merveille. A commencer par Dan Menasche, irrésistible Lumière au jeu pétillant, malicieux, sexy. On est heureux de le voir prendre cette assurance, cette dimension d'une productions Stage à l'autre (Cabaret, Mamma Mia...). David Eguren, en Big Ben, confirme le brio qu'on lui avait découvert dans Le Roi Lion avec Zazu, proche cousin de son personnage actuel. Grand acteur, vraiment. En rustre over-bodybuildé et sur-hormoné (Gaston), Alexis Loison est impayable, malgré un accoutrement franchement too much, frôlant celui d'une drag queen (bottes à semelles compensées, trop de maquillage et de faux muscles, des biceps aux cuisses en passant par les fessiers). Alexandre Faitrouni incarne pour sa part LeFou avec une énergie fabuleuse. Tous sont à l'unisson. Citons encore Léovanie Raud (Mme Samovar), Alix Briseis (Plumette), Gabriella Zanchi (Mme Grande Bouche) ou Didier Clusel (Maurice). Et la voix de Catherine Deneuve, bien sûr, en guise de narratrice.
Quelques regrets. Une fin à nos yeux vite expédiée, manquant de force visuellement parlant. Une orchestration symphonique que les 7 musiciens en fosse peinent à restituer, malgré l'aide de quelques programmations pas très discrètes. Et un spectacle qui aura sans doute davantage de mal à convaincre le public sans enfant que ses prédécesseurs sur la scène de Mogador.
Mais enfin dans l'ensemble, c'est de l'excellent boulot.
A voir jusqu'à l'été. Et jusqu'à l'été seulement, car la générale n'était pas seulement commencée que l'on nous annonçait déjà l'arrivée, en octobre 2014, du "Bal des Vampires" de Polanski.
Ci-dessous d'ici peu, de larges extraits de "La Belle & la Bête" tournés par votre serviteur...