Découvrez les vidéos des performances de Christian Bertin

Publié le 24 octobre 2013 par Aicasc @aica_sc

Li Diab là, performance de Christian Bertin – Film de Sophie Arroüet

Le terme performance aurait été évoqué pour la première fois dans son acception actuelle par les Futuristes italiens, en 1914, lors d’une  soirée-événement  organisée à Naples.

A partir des années soixante-dix, peut – être sous l’influence du vocabulaire anglo-saxon to perform, il désigne des réalisations publiques,  alors de plus en plus fréquentes,  en présence des spectateurs : Happenings d’Alan Kaprow à la fin des années cinquante, Fluxus, Body Art, Actionnisme viennois, Joseph Beuys mais aussi les créations des compositeurs John Cage ou  La Monte Young.

On évoque aussi souvent le  groupe Gutaï (Japon, 1954). Sur des peintures de très grand format, l’artiste entaille, déchire, met en pièces, brûle, projette, lance, laisse s’écouler ou goutter l’encre de manière aléatoire engageant son corps tout entier  dans l’action jusqu’à la destruction du support.

La performance correspond à la volonté des artistes de quitter les ateliers, d’ouvrir un nouvel espace pour l’exercice de l’art, d’échapper au marché et  aux musées qui réduisent l’art à l’objet, de  renoncer  au medium et d’engager directement leur  corps dans une action éphémère et publique, de réduire l’écart entre l’art et la vie..

Prêcheur, performance de Christian Bertin- Film de  Laurence Henri

Le corps, le temps et l’espace sont les matériaux principaux de la performance.

Elle peut être documentée et diffusée  par la photographie et la vidéo mais après l’évènement il n’en subsiste bien souvent qu’un « décor » ou des objets inertes, éventuellement exposés par la suite.

Quand et comment cette pratique artistique apparaît- elle et se développe t – elle à la Martinique ? Un article de ce blog, La performance en Martinique de juin   dernier indiquait les premiers repères.

Victor Anicet
Reconstitution des planches des années soixante – dix

Peut – on considérer Victor Anicet comme un précurseur, lui  qui de retour à la Martinique en 1967, après ses études artistiques à Paris et à Londres, démuni face à l’absence de structuration du milieu artistique et de lieux de monstration, sans financement pour une quelconque production artistique,   peint  en noir et blanc des  fresques relatives à  l’histoire de la Martinique sur des panneaux de contreplaqué qu’il charge sur sa petite voiture. Professeur de collège en semaine, il parcourt les communes rurales le dimanche et installe ses panneaux  sur le parvis des églises à l’heure de la Grand’ Messe afin de  nouer le dialogue avec les fidèles, leur proposant une relecture de leur propre histoire.

La première performance est – elle bien réalisée par Jacqueline Fabien (Martinique)  lors de l’exposition Empreintes contemporaines en 1987 ?

Thierry Alet
Catalogue Trois Siècles en trois jours

Incontestablement, Trois siècles en trois jours de Thierry Alet (Guadeloupe) fait date. En 1994, Thierry Alet, encore jeune étudiant s’installe sur la petite place Monseigneur Roméro, en face de la Cathédrale de Fort – de – France, capitale de cent mille habitants, sans musée ni centre d’art,  peu informée des derniers développements de l’art contemporain ou même de l’histoire de l’art.  Il prend l’initiative de cette  performance de trois jours où il se réapproprie et réinterprète  en public,  successivement sur la même toile, neuf chef –d’œuvres de  l’histoire de l’art : Caprice architectural de Canaletto ( 1765), Les hasards de l’escarpolette de Fragonard ( 1768), Le Serment d’Horace de David ( 1784), l’Angélus de Millet ( 1858),La Grande Odalisque d’Ingres ( 1814), Impression soleil couchant ( 1872), Les demoiselle d’Avignon de Picasso ( 1907), Marilyn Monroe de Warhol (1967), Dime a dozen de Jean – Michel Basquiat ( 1983) . Un monochrome gris couvrira les couches successives, intégrant celui- ci dans la série Les œuvres Invisibles.  Appropriation, citation et esthétique relationnelle sont invitées fugacement dans la capitale foyalaise artistiquement endormie. Quatre ans plus tard, Thierry Alet  réalise une intervention urbaine, inscrivant certains extraits du Cahier d’un Retour au Pays Natal d’Aimé Césaire dans des délaissés urbains, au coin des rues, sur le sol d’un quartier populaire de Fort – de – France, Les  Terres Sainville.  Cette intervention urbaine appartient à sa série des Manuscrits. Les textes sont choisis avec soin par Thierry Alet, poèmes de Damas ou de Césaire, Painted Words de Tom Wolf, discours de Bush et Ben
Laden ou encore Le Prince de Machiavel. Même s’ils font sens, ce n’est pas la fidélité au texte qui prime mais le geste. Le mode de retranscription très rapide et ses conséquences en sont la preuve. Ce qui compte c’est le tracé impulsif, l’engagement de tout le corps dans cette retranscription nerveuse, tremblée, où les mots ne sont que la matière première. La ponctuation ou les blancs sont supprimés. Certains mots ou passages sont omis. Ces peintures souvent réalisées dans le cadre d’interventions In situ, en fonction de l’espace auquel elles
sont  destinées jouent sur l’interaction entre l’œuvre et le lieu.

Thierry Alet
Catalogue Trois Siècles en trois jours

La démarche artistique de Christian Bertin relève du prélèvement, du recyclage et de l’assemblage. Il collecte les déchets de vie croisés lors de ses déambulations pour créer des installations qui racontent un lieu, une culture, une histoire. Ses Bomb’dlo, vieux fûts métalliques utilisés pour le transport de marchandises et transformés en réservoir d’eau par la population, sont emblématiques de son travail.

Christian Bertin
Li Diab Là
Paris
2008-2009

Chritian Bertin
Diab là
Musée de Barbade
Black Jacobins 2011

Li Diab là
Exposition Eïa, Eïa, Eïa
Fondation Clément
2010

Christian Bertin (Martinique) dont l’œuvre donne à voir la blesse, ce mal être social antillais, a réalisé quatre performances, Koudmen en 2007 puis à  Paris en 2009 et  à Liverpool en 2010, Li diab là et Sinobol. En résidence à Paris, pour souligner à quel point les artistes antillais sont peu connus et reconnus par le milieu de l’art parisien et contester le système artistique,  il parcourt la ville pendant cinq jours,  habillé avec élégance mais traînant derrière lui, à la manière d’un clochard,  un étrange chariot, un diable surmonté d’un masque de carnaval rouge. Sous l’œil étonné des passants à qui il distribue des textes d’Aimé Césaire, il arpente des lieux symboliques,  des sites culturels majeurs, le Musée Beaubourg,  le Musée Picasso, La Sorbonne, le Panthéon, le Sénat, Le Pont des Arts, Les Jardins du Louvre, Les Tuileries, Présence Africaine, Giverny,  comme pour signifier que, lui aussi, y a sa place. Li Diab là se veut aussi une référence  au texte d’Aimé Césaire racontant qu’une vénérable vieille paysanne de Dalmatie qu’il cherchait à aider à transporter une charge lourde lorsqu’il était en vacances en 1935  chez son ami Petar Guberina s’était enfui en hurlant s’imaginant avoir croisé le Diable lui-même. Christian Bertin Relie sa performance  aussi à une autre anecdote : Aimé Césaire aurait remarqué lors d’une fête rituelle en Casamance au Sénégal, un masque semblable au Diable rouge du mardi gras de Martinique, avec ses miroirs et ses grandes cornes. Cependant la charge symbolique de ces masques différaient totalement d’un lieu à l’autre. Christian Bertin réalisera cette même performance au Musée de Barbade en 2011 dans le cadre de la rencontre Black Jacobins, puis au Prêcheur (Martinique). Deux des performances, Li Diab , à Paris et au Prêcheur,  ont été filmées.

Christian Bertin
Sinibol
Biennale de Liverpool
2010

A Liverpool, c’est la problématique économique mondiale et le poids  que peut y avoir  la Martinique en matière d’exportation qu’il questionne à travers Sinobol à vendre. Déformation de l’anglais snow ball. C’est une boisson populaire et bon marché, vendue aux Antilles,  dans la rue les jours de fête, composée de glace pilée et de sirop aromatisé.

L’Aica Caraïbe du Sud partage ces  vidéos.

Dominique Brebion