Peau-Rouge

Publié le 24 octobre 2013 par Hunterjones
Je ne suis pas un grand fan de la police de la langue.
Sinon déjà, je n'aurais pas utilisé le mot fan dans la phrase précédente, mais plutôt le mot partisan.
Je comprend que la langue évolue avec le temps. Petit, (mais fier) peuple cerclé d'anglophonie du Nord au Sud et d'Est en Ouest,  je trouve notre nation sensationnelle d'avoir réussi à sauvegardé une langue que je ne considère en rien menacée. Elle sera peu à peu anglicisée et rien n'est plus normal.
On appelle pas cela une langue qui régresse, on appelle ça une langue qui évolue. Certains ne sont jamais en mesure de faire le deuil du visage poupin d'un bébé revu 15 ans plus tard et maintenant passé à l'âge ado. Mais la vie continue. Et l'ado progressera en adulte. Peut-être mal mais il changera. À chacun sa vision là-dessus.

Il y a à peine 50 ans, le terme le plus respectueux pour parler d'une personne ayant la peau noire était le mot nègre. C'est encore et sera toujours une couleur. Le mot est dit 15 fois par Martin Luther King dans son plus fameux discours. Nègre remplaçait alors toute une série de mots, tous plus dégradants, réducteurs et discriminants les uns que les autres.
Toutefois avec le temps, le même mot est devenu une injure importante pour la communauté afro-américaine. Afro-américain, adjectifs aujourd'hui utilisés pour remplacer nègre. Jamais un entraineur de baseball ne dirait de son club "nous comptons 8 nègres et 12 blancs dans nos rangs". Il faudrait qu'il eût été coupé de la société dans les 50 dernières années pour ne pas réaliser qu'il insulte toute une communauté.
Vous choisiriez un autre mot pour parler de vos athlètes à la peau noire. Pas parce que des journalistes vous le feraient remarquer, pas parce qu'un regroupement d'artistes et de pseudos-vedettes de la télévision auraient signé un texte dans le journal pour décrier votre utilisation du mot, pas parce que des commentateurs ou des invités vous auraient corrigés. Parce que vous avez du bon sens. Et vos sens savent que l'utilisation du mot Nègre/nigger est aussi blessant et humiliant que le mot peau-rouge utilisé pour décrire les Amérindiens.
La preuve en est que vous n'utiliseriez probablement pas le mot en privé non plus sans risquer de vous faire reprendre. Un instructeur sportif ne dirait pas plus "nous avons 3 Tchèc, 3 Russes, 2 suédois, 11 Américains et un peau-rouge dans notre club".

J'ai utilisé le mot fif longtemps dans ma vie. C'était avant de rencontrer de vrais homosexuels et de comprendre que le terme était blessant. Quand je l'ai échappé dans les dernières années, c'était parce que j'étais en compagnie d'amis que je fréquentais quand j'étais ado et je m'en suis excusé aussitôt. Pas parce qu'il y a des gays dans mon entourage, parce que c'est réducteur pour toute une communauté. 100% des fois que j'avais utilisé ce mot dans les dernières années, c'était parce que j'avais aussi trop bu. Je ne dis plus ce terme. Parce que j'ai compris que c'est bête. Et même si il n'existait plus un homosexuel sur terre, je ne l'utiliserais plus.
Pourquoi? par décence.
Aux États-Unis en ce moment, et depuis 81 ans, il y a un club de football qui se nomme les Redskins de Washington. Les Peaux-Rouges.
Bon, entendons-nous qu'il y a 81 ans, c'était la manière de nommer les Amérindiens.
Entendons-nous aussi pour dire que tous ceux qui parlent de l'équipe de Washington ne visent en rien, consciemment, les Amérindiens.
Finalement, entendons nous aussi pour dire que la grande majorité de Amérindiens ne se sent pas (plus) blessé par un tel terme.
Reste que si votre club s'appelait les Chinetoks ou les jaunes, depuis 81 ans, ne voudriez pas au minimum altérer le nom? Juste un brin? Par délicatesse. (je sais le football n'est pas un sport délicat!)
Les appeler les Skins nous rappellerait encore le même club. Et faire jouer les bedaines (peau) contre les gilets a encore une connotation sportive. Certaines tenues moulantes (en patinage de vitesse entre autre) sont nommées Skins. Les pantalons de football sont très très moulants également.

Si on refaisait le film de 1934, The Gay Divorcee aujourd'hui on en changerait assurément le titre.
Pas parce que la fille a changé.
Parce qu'un des mots du titre n'a plus le même sens.
On appelle ça évoluer.