Buck est un jeune chien qui vit tranquillement chez le juge Miller, en bon chien de famille. Son univers: les promenades, les enfants qui jouent. Tout bascule lorsque le jardinier de la maison, n’ayant plus rien pour éponger ses dettes, l’emmène pour le vendre. En effet, en cette époque de ruée vers l’or, les chiens endurants sont prisés. Buck découvre alors la dure vie de meute. Le froid. La fatigue. La faim. L’effort permanent. Et surtout, la lutte pour être le meilleur, pour être le chien indispensable qu’on n’abandonnera pas dans le froid parce qu’il retarde l’attelage. Il passe de propriétaire en propriétaire qui recherchent toujours une machine à braver le grand nord, ce qu’il devient petit à petit. Les coussinets qui s’épaississent à arpenter la glace, le trou qu’il faut creuser dans la neige pour se protéger du vent glacial, la nourriture qu’il faut arracher aux autres, les jalousies entre chiens qui se règlent en combat singulier. Au contact des hommes, Buck le bon chien de famille devient de plus en plus sauvage.
Transportée autrefois par Croc-Blanc, j’espérais retrouver dans ce roman l’étonnante psychologie animale dont Jack London m’avait fait la démonstration. La traduction n’aidant pas, je n’ai pas eu le même frisson. Les romans dont les héros sont des animaux souffrent souvent d’une infantilisation à laquelle Jack London parvient pourtant à échapper. Son mélange de l’humain et de l’animal se détourne des clichés attendus. Ici, l’empathie avec Buck fonctionne bien, probablement parce que l’on part d’un animal simple, profondément confiant dans l’homme qui l’a façonné et élevé, et qu’il prend son statut de bête en pleine figure. Ce que j’ai préféré, ce sont tous les petits détails d’une vie sauvage qui se met en place, l’apprentissage que l’on suit avec Buck, les modifications psychologiques, comportementales, mais aussi physiques qui s’opèrent chez un être privé d’un foyer et livré à la loi sauvage.
Mais comme dans beaucoup de ces romans qui prennent le point de vue animal, l’intérêt est surtout de montrer l’homme dans toute sa cruauté, dans toute son animalité, dans toute sa bêtise aussi. Je garde un souvenir particulier du couple qui cherche absolument à emporter des tonnes de bagages sur le traineau, négligeant les règles physiques de glisse ou encore le fait qu’il faille penser aussi à la nourriture des chiens qui tire ledit traineau, et dont Buck ne réchappe que par miracle. Et comme le livre échappe aussi au manichéisme, il fait aussi de beaux portraits d’hommes bons, qui créent avec l’animal un vrai rapport de confiance et de complicité. Mais la rencontre est rare et fragile, et la sauvagerie jamais vraiment où on l’attend.
La note de Mélu:
Un roman qui mérite son succès.
Titre original: The Call Of the Wild (traduit de l’anglais)
Un mot sur l’auteur: Jack London (1876-1916) est le pseudonyme de John Griffith Chaney. Il tient son pseudonyme de son beau-père, John London (Jack étant le diminutif de John). D’autres de ses oeuvres sur Ma Bouquinerie: