Le mur de la honte : Omar, de Hany Abu-Assad

Adam Bakri

En Cisjordanie, pour pouvoir voir ses deux amis d’enfance, Tarek et Amjad et celle qu’il aime, Nadia (la sœur de Tarek), Omar, un jeune boulanger, doit franchir quotidiennement un haut mur qui le sépare d’eux. Décidés à libérer leur pays de l’occupation, les trois hommes ont planifié de tuer un soldat israélien, plan qu’ils mettent en pratique un soir. Mais Omar est capturé et torturé par l’armée israélienne et son despotique et manipulateur Agent Rami (Waleed Zuaiter, seul acteur professionnel du film, vu dans la série Homeland). Libéré par Rami pour mieux le surveiller et le piéger, Omar est soupçonné par tous y compris Nadia de trahison. Tout en cherchant un plan de contre-attaque et une échappatoire impossibles, le jeune homme découvre des secrets bien plus terribles et inavouables que tout ce qu’il aurait pu imaginer. S’ensuit pour lui une spirale de dangers et de complots sans fin dont il essaye de se sortir avec toute l’énergie de sa jeunesse mais surtout l’espoir intime qu’il pourra enfin retrouver Nadia et se marier avec elle…

Leem Lubany, Adam Bakri

Prix du Jury dans la section Un Certain Regard lors du Festival de Cannes 2013, Omar est un film brillant qui prend volontairement le parti-pris de filmer l’action du point de vue de trois potes d’enfance palestiniens, interprétés par des acteurs inconnus au regard lumineux et au jeu tout aussi charismatique, spontané et déstabilisant parfois.

Servi par un scénario riche en rebondissements et en coups de théâtre (écrit par Hany Abu-Assad lui-même, le réalisateur de Paradise Now, 2005), Omar est un film qui marque à de nombreux endroits le spectateur.

C’est d’abord la fraîcheur et la jeunesse de ses acteurs qui séduisent. Si l’humour pince-sans-rires et les blagues qui fusent entre Tarek, Amjad et Omar paraissent en décalage constant avec la tragédie de leur quotidien, avec les conditions précaires de vie et ce sentiment d’enfermement voire d’aliénation dans lesquelles ils cohabitent, ils prouvent surtout l’infinie liberté comme la vivacité intacte de leur esprit. De ces échanges aussi épistoliers et de ces billets doux entre Omar et Nadia se dégagent une douceur et une poésie, une tendresse et un charme au parfum aussi subtils qu’inattendu dans un tel contexte de tension et de conflit armé.

Mais c’est l’audace du dispositif visuel qui surprendra le plus le spectateur. Jusqu’à la délectation, si l’on peut s’exprimer ainsi. Car les choix esthétiques dans la réalisation de Hany Abu-Assad sont pour le moins tranchés. Le réalisateur palestinien possède un talent unique pour insuffler du rythme et de la fluidité dans sa mise en scène, pour susciter de l’intensité dramatique et de l’émotion tout en privilégiant une épure, une économie de moyens qui font tout le sel son cinéma. Si le suspense, la peur comme la tension de ces personnages semblent aussi palpables, aussi tangibles que dans Omar, c’est par le biais paradoxalement d’une sécheresse dans la mise en scène (on notera le grain épais et réaliste de l’image), d’une radicalité dans les plans (souvent fixes ou séquences) et le choix des décors naturels désolés ou en friche qui font mouche. Un parti-pris esthétique fort jusque dans ces éclairages tantôt en contre-jour et brutaux (les scènes de torture éclairées par un seul gros spot font penser à des scénographies de théâtre) tantôt doux et pratiquement en lumière naturelle.

Tout cela participe au style puissant de la narration, au pouvoir d’évocation de cette histoire à la fois belle et tragique. Et donc universelle…

http://www.youtube.com/watch?v=g5uAu_EAbP0

Film palestinien de Hany Abu-Assad avec Avec Adam Bakry, Waleed Zuaiter, Leem Lubany (01 h 36).

Scénario de Hany Abu-Assad : 

Mise en scène : 

Acteurs :