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Ils étaient assis côte à côte.
Je les voyais discuter sans les entendre. La tête penchée et attentive.
La place en face d'eux s'est libérée, je m'y suis glissée ... observatoire privilégié.
Le plus mûr des deux portait un bandage serré à une main. L'autre main montrait des signes de paralysie.
Son élocution était claire et pourtant, il trahissait des efforts parfois difficiles.
"Avant, il y avait le trou des Halles. C'était moins facile. Il fallait changer. Le RER ça a bien aidé".
Le jeune homme lui répond, le relance. Il vient de découvrir des graines de trésor ...
"Il y avait quand même mois de monde ?"
"Oh non ... "
Cette question lui passe loin, ce n'est pas l'important.
"A l'époque, c'était encore les métros en bois".
Nous rions tous.
Il reprend :
"Les fondamentaux, eux, n'ont pas changé. Y'a toujours la misère ...et y'a toujours le capitalisme".
Le jeune homme sourit, réfléchit et sourit à nouveau.
L'homme continue.
"Et il y avait les portillons. Ils se fermaient et empêchaient qu'on accède aux quais et quand ils s'ouvraient, tout le monde s'engouffrait sur le quai".
"C'était une autre époque".
"Mais le reste n'a pas changé. Il y a encore la famille et la misère".
Il a commencé à compter sur ses doigts. Mais a laissé l'énumération en suspens.
"Le vrai changement, c'est qu'il n'y ait plus de misère...
Oui, et du progrès technique".
Le jeune revient à son idée :
"Maintenant, les gens viennent aussi de loin"
"Ha oui ... je connais un type qui vient de Le Mans ou d'Orléans".
Arrive la Gare de Lyon, ils se quittent heureux et se souhaitent bonne chance.