Néolibéralisme au Burkina : le faux débat

Publié le 23 octobre 2013 par Copeau @Contrepoints
Opinion

Néolibéralisme au Burkina : le faux débat

Publié Par Libre Afrique, le 23 octobre 2013 dans Afrique

Après le poids du passé, les dirigeants africains ont trouvé un nouveau bouc-émissaire pour justifier leur incompétence : le « néolibéralisme ».

Par Patrice Burkindi, depuis le Burkina Faso.

Beaucoup d’Africains se demandent quand leurs leaders politiques actuels cesseront de justifier leur incompétence par le poids du passé : traite négrière, colonisation, programmes d’ajustement structurel. Ils utilisent ces faits pour se couvrir de leur absence de bilan positif auprès d’une population facilement endoctrinée  par des idées de nationalisme irréaliste. Aujourd’hui l’épouvantail commode est celui du « néolibéralisme ».

Le dernier fait qui nous rappelle cette triste réalité concerne le meeting de la Coalition contre la vie chère tenue en juillet dernier quand Tolé Sagnon, président de la Coalition, et par ailleurs secrétaire général de la Confédération générale du travail du Burkina (CGTB) a transformé le meeting contre la vie chère en une tribune contre le changement « néolibéral ». Après avoir appelé le peuple à la vigilance il ajoutait : « Nous devons développer notre esprit critique vis-à- vis des différentes forces politiques qui tentent aujourd’hui de se présenter comme des alternatives au pouvoir actuel mais qui, pour la plupart, partagent les fondamentaux de la politique néolibérale du régime en place ».

Le chef de file de l’opposition politique et responsable du parti UPC (Union pour le changement) Zéphirin Diabré qui se dit néolibéral et que l’on dit proche de l’UMP (en France) qui se voyait visé par ces propos, répondait alors sans détour : « Je n’ai ni peur ni honte de dire que je suis néolibéral ». Et d’ajouter : « Il va falloir aller dehors pour chercher de l’aide. Et dehors, le monde est néolibéral !… Et  moi, je suis capable d’aller chercher ces fonds pour venir contribuer à l’effort national ».

Qui a raison ? Ou plutôt qui est le moins démagogue ? À moins que la vraie question qu’il faut se poser est celle de ce qu’est réellement le néolibéralisme ou même son « père », le libéralisme ? En effet, M. Diabré semble par exemple avoir une définition assez surprenante du néolibéralisme.

À Tolé Sagnon :

Pour des besoins de discours politiciens et de ratissage de voix électorales, on attaque souvent le libéralisme sans pour autant le définir correctement. Et pourtant…

Le libéralisme c’est la responsabilité dans l’État de droit. Quand dans une société il y a un établissement clair des droits de propriétés, il y aura forcément une bonne gestion et une bonne gouvernance, chaque personne étant encline à bien préserver d’abord ce qui lui appartient en propre. C’est dans la nature intrinsèque de l’être humain.

Le libéralisme c’est aussi la gestion participative, décentralisée, de la société. Aujourd’hui dans nos pays africains on assiste à une sorte de prolifération de l’idée de l’État-sauveur. Cet État dont on a du mal à définir ses limites est tour à tour le médecin, le cultivateur, le commerçant, le pasteur, l’Imam… On est dans un scénario où l’on dit : « Chacun s’assoit et l’État le pousse ». Conséquence : ce sont des détournements de cantines remplies d’argent, du gaspillage, une néo colonisation de l’Afrique par ses propres dinosaures politiques pour leurs intérêts égoïstes. Le libéralisme stipule la limitation de l’État à ses fonctions régaliennes qui sont la sécurité et la justice. Pour le reste, il fait confiance à la société civile, qu’elle soit marchande ou pas marchande. Il permet donc aux populations « à la base » de s’occuper de leur sort par des actions et solutions propres à leurs cultures et leurs milieux, sans se faire « envouter » par des discours irréalistes de politiciens promettant que l’État fera tout à leur place. Ce sont elles qui ont l’initiative pour changer.

Le libéralisme c’est l’échange. Si la fermeture était la solution au développement de l’être humain les sociétés fermées telles que la Corée du Nord seraient loin devant… C’est bien au contraire l’échange qui fait avancer le monde. C’est l’échange qui permet à Tolé Sagnon de s’exprimer à travers des micros japonais et des écrans TV fabriquées en Corée du Sud etc.

Mais il faut rappeler bien sûr que cet échange ne saurait être l’apanage des élites mafieuses qui dictent leur loi aux autres, comme c’est trop le cas en Afrique. Et rappeler aussi que son essence ne saurait être non plus de domination humaine, comme l’a été la traite négrière. L’échange c’est la complémentarité entre les acteurs de la société sur une base volontaire, entre des nations et entre des continents. Si chacun devait être son propre boulanger, coiffeur et tailleur etc. la notion même de développement serait absurde.

Le libéralisme c’est la liberté. Sans liberté aucun être humain ne peut faire quoi que ce soit de manière efficace. Aucun humain ne peut saisir les opportunités de changer son sort, de se dépasser, de se développer. Ironiquement on oublie souvent de se rappeler de l’ex-URSS. Le communisme est anti-humain parce qu’il nie la liberté individuelle. Et c’est cette erreur anthropologique fondamentale qui a causé sa chute.

À Zéphirin Diabré : le libéralisme ce n’est pas non plus des calculs politiques

Quand on veut s’attaquer au libéralisme on n’hésite pas à prendre des exemples dans des hommes comme Nicolas Sarkozy, Abdoulaye Wade, Georges Bush… Et ces hommes ont en effet utilisé une rhétorique plus ou moins néolibérale pour arriver au pouvoir. Mais si on vérifie leurs actions de près on comprend que ce ne sont souvent que des démagogues dont le seul but a été de tenir les rênes de leurs États pour ensuite se servir et servir les groupes de pressions qui ont soutenu leur candidature. Sarkozy en France a augmenté la dette et la dépense publique comme jamais auparavant : une politique très peu libérale donc. Bush pareil. Où est donc la responsabilité dont ils devraient faire preuve ?

Le libéralisme ce n’est pas la gestion du pouvoir d’État. C’est une idéologie qui part de la nature de l’homme. On ne peut donc parler de libéralisme sans parler d’éducation du peuple, d’initiative, de décentralisation réelle de la prise de décision, de liberté d’entreprendre, de protections des droits de propriétés légitimes, de la rencontre paisible des civilisations.

Ce n’est donc pas au fauteuil présidentiel qu’on met en place le libéralisme.


Sur le web.

Patrice Burkindi est un activiste burkinabé.

è