Agents of S.H.I.E.L.D est une nouvelle série présentée sur les ondes d’ABC aux États-Unis et CTV au Canada. La prémisse de base veut que désormais, des êtres surnaturels se mêlent aux humains sans qu’on en sache trop la cause. Certains se révèlent redoutables et doivent être mis hors d’état de nuire. C’est là qu’entre en scène l’agent Phil Coulson (Clark Gregg) qui parvient à se constituer une équipe d’expert, la S.H.I.E.L.D (Strategic Homeland Intervention, Enforcement and Logistics Division). Dans chaque épisode, le groupe devra faire preuve de coopération et d’ingéniosité afin d’éviter au monde une catastrophe. Suite du film The Avenger (2012) tout droit sorti de l’univers des bandes dessinées Marvel, le pilote de la série peine à inclure les téléspectateurs qui ne sont pas initiés au film. Sinon, la série a du bon et du mauvais. Son rythme inégal et un budget qui n’est pas à la hauteur sont toutefois compensés par des thèmes hors du commun et un ton agréablement juvénile qui contraste avec les autres programmes diffusés à heure de grande écoute.
S’accrocher au passé pour repartir à neuf
Agents of S.H.I.E.L.D. est la nouvelle fiction issue de films à succès qui compte son lot d’adeptes, soit : Iron Man (2008), L’incroyable Hulk (2008), Iron Man 2 (2010), Thor (2011), Captain America (2011) et Avengers. Apparemment, l’agent Coulson était mort lors du dernier film, mais revient en tant que personnage principal; la série en profite donc pour jouer sur cet effet de surprise, dès le premier épisode. Peine perdue pour ceux qui n’avaient pas vu The Avenger et à qui la (ré)apparition de ce dernier ne fait ni chaud ni froid. Dans la même veine, un fan des Marvel écrivait justement dans un article : « Joss Wheddon [le créateur] place la série dans un contexte évolutif ultra dépendant de l’univers Marvel. Cela implique que les spectateurs connaissent déjà les films sur le bout des doigts ainsi que l’univers Marvel au sens large pour mieux apprécier les clins d’œil ou sous-entendus parfois « très évident » qui sont faits devant ses yeux.» En ce sens, une grosse partie du charme est évacuée et ne se rend pas jusqu’aux nouveaux téléspectateurs.
À défaut d’isoler une partie de son auditoire, Agents of S.H.I.E.L.D fait cependant peau neuve alors que Coulson met en place une nouvelle brigade. Celle-ci est composée de la très froide, mais énergique Melinda May (Ming-Na Wen), une pilote d’élite et experte en armes et de Grant Ward (Brett Dalton), un soldat issu des forces spéciales, charmeur à ses heures, mais qui préfère la solitude au travail d’équipe. Viennent ensuite Leo Fitz (Iain De Caestecker) et Jemma Simmons (Elizabeth Henstridge), deux spécialistes : le premier en ingénierie et la seconde en biologie humaine et extra-terrestre. La dernière à se joindre à l’équipe est Skye (Chloe Bennet), imbattable en piratage informatique et d’une authenticité qui séduit rapidement Coulson. Bien qu’il y ait des tensions récurrentes à l’intérieur du groupe, chacun se donne à fond dans les missions; ils n’ont tout simplement pas le choix étant donné les ennemis pour le moins « spéciaux » qu’ils doivent affronter…
Tantôt captivé, tantôt pas
En regardant Agents of S.H.I.E.L.D., on est tout de suite frappé par le contraste entre la complexité de certaines intrigues et des lignes scénaristiques quelquefois superficielles, du genre « you’re the bad guy and I’m the hero ». Au cours des premiers épisodes, on tarde à mieux nous faire connaître le groupe travaillant pour la S.H.I.E.L.D. Ils nous sont présentés d’abord et avant tout comme des exécutants et on préfère nous montrer leurs talents respectifs plutôt que leurs personnalités. On s’y aventure lors du troisième intitulé « The Asset ». Skye doit collaborer avec Grant, lequel est peu loquace. Lorsqu’elle le confronte, il lui avoue que dans sa jeunesse, son frère le battait pour tout et rien et que c’est depuis qu’il s’est endurci. Plus tard, Skye, qui songe à traverser chez l’ennemi, se rappelle en dernier recours qu’elle se trouve avec une équipe amicale qui lui veut du bien et elle cite exemple ce que Grant lui a dit pour justifier de choix de rester avec la S.H.I.E.L.D. En même temps, la profondeur ou les tourments intérieurs ne sont pas la spécialité des séries de science-fiction et d’aventures comme celle-ci. Lorsqu’on adhère au genre, on est vite comblé par les intrigues principales des épisodes. Une fois, on doit stopper un homme rendu invincible par une drogue administrée par une organisation inconnue. Plus tard, ils doivent traquer l’arme 0-8-4 qu’une organisation convoite et qui a le pouvoir de détruire toute une population. Enfin, l’équipe doit neutraliser un éminent scientifique qui est sur le point de contrôler la gravité de la planète grâce à un immense « gravatorium ». Ces idées se révèlent très originales d’autant plus qu’elles font voyager la S.H.I.E.L.D., que ce soit à New York, au Pérou ou à Malte. Certaines scènes d’action ne sont pas en reste, comme une bataille épique à bord d’un avion en plein vol alors que les portes sont ouvertes.
Si la scénarisation d’Agents of S.H.I.E.L.D. se révèle originale, son rythme l’est moins. Sur l’heure que dure les épisodes, les 40 premières minutes sont amorphes et il ne s’y passe pas grand-chose. Puis, pour les 20 dernières, tout déboule et on est laissé sur une bonne impression… jusqu’au début d’un nouvel épisode qui suit le même schéma pesant. De plus, il est impossible de passer sous silence le contraste de budget que l’on constate entre les films et la série. On comprend que cette dernière, dotée de plusieurs épisodes ne peut générer autant de revenus qu’au box-office. Comme l’écrit Cyrill sur critictoo.com :« Nouveauté très attendue de la chaîne ABC, Marvel’s Agents of S.H.I.E.L.D. n’est autre que le produit dérivé du film The Avenger.» La télévision a pourtant les moyens de se payer des sciences fiction de qualité. Pensons par exemple à la série Defiance (Syfy 2013) dont les effets spéciaux et la recréation d’un univers étaient à couper le souffle.
Depuis son lancement, S.H.I.E.L.D recueille presque huit millions de téléspectateurs chaque semaine et en octobre, ABC a commandé une saison complète de 22 épisodes. Originale sur plusieurs points, il est dommage qu’on n’ait pas intégré davantage le téléspectateur étranger à l’univers Marvel. Une chose est sûre, la série est novatrice et en dosant davantage le rythme et en créant des liens plus forts entre les personnages, celle-ci pourrait avoir une longue vie.