Le village de Ouarzazate, à 200 km au sud-est de Marrakech (Maroc)
Ouarzazate (Maroc).
Deux cents kilomètres au sud-est de Marrakech pour un décor absolument exotique ; un autre visage du Maroc, loin des sempiternels Casablanca, Rabah, Tanger.
Le dépaysement, à 3h de Paris – et depuis le ciel, le vol direct Paris-Ouarzazate assuré par Royal Air Maroc permet d’admirer à l’heure du coucher du soleil l’incroyable paysage qu’offre l’Atlas vu d’en haut – dunes rocheuses géantes colorées en vert, bleu, ocre et terre, creusées par les vents et taillées à la serpe, comme si les grands lacs tanzaniens filmés dans The Constant Gardener s’étaient asséchés sans perdre leurs couleurs.
A Ouarzazate, il y a peu de touristes dans les rues en ce début d’Octobre, et les rues sont propres et les maisons, et les casbah, sont construites en terre battue. On y voit distingue quelques bouts de pailles, incrustés dans les facçades, utilisés comme enduit, comme un lierre qui aurait poussé de l’intérieur des pierres de terre.
Ça sent le foin, le sable et la poussière ; et, si la ville en elle-même présente assez peu d’intérêt, il suffit de mettre un pied en dehors pour être plongé dans les pierres, dans le désert, et dans les petites collines de l’Anti-Atlas – qui nous cernent de tous les côtés. De nombreuses touffes d’herbes parsèment l’espace ; et disparaissent les traces de civilisation. Peu de lignes électriques à haute tension, peu de routes mise à part celle sur laquelle nous roulons – c’est d’ailleurs cette virginité de l’espace géographique qui attire autant les réalisateurs du monde entier.
Les portes de Bab N’ Ali (Sarho, Maroc)
Le territoire de Ouarzazate est un décor de film. On imagine facilement, dans ce décor, des cowboys, des chevaliers en croisade, des hordes berbères, perses, byzantines ou arabes, des gladiateurs ou des explorateurs de l’espace. Ridley Scott y a tourné Gladiator et Kingdom of Heaven et reviendra, dit-on, tourner son prochain film. Les films d’inspiration biblique ont fait de cette région le berceau visuel de Moïse, Jésus et Mohamet – dans les Dix Commandements, dans Ramses II. Sans oublier, plus proche, Babel.
Actuellement, c’est le film Loin des hommes qui est tourné – une adaptation d’une nouvelle d’Albert Camus où jouera, notamment, Viggo Mortensen. Viggo ! Si vous cherchez une destination de trek pour cet automne, c’est l’occasion d’aller au Sarho – vous y croiserez peut-être Aragorn en train de se balader en chaussure de rando, dans le Jbel Sarho ; espaces immenses, forêt de pitons rocheux, paysages lunaires, des pierres de gris et de noir à perte de vue. Et, trois cols, où les trekkeurs trouveront assurément leur bonheur : le col du Tagmout (1 919 m), le col de Tazazerte (2 283 m), et le col du Kouaouch (2 592 m).
Pour y parvenir, on fait quatre heures de route en 4×4 depuis Ouarzazate. On croise le village de Tata, repaire des chasseurs de météorites ; les plantations de safran, qui font vivre 200 000 personnes selon notre guide ; et, bientôt, ici, verra le jour Noor, nom de code du projet de construction de la plus grande station d’énergie solaire au monde.
Les acacias marquent l’entrée du désert ; et suivent, des collines aux formes rigolotes, qui évoquent tour à tour des fruits de mer géants, des pieuvres de pierre, des animaux échoués qui auraient été victimes de gigantisme et de grandiose. Et, enfin, le massif du Sarho.
Les pitons rocheux (Sarho, Maroc)
On laisse les 4×4 et on marche dans la vallée d’Ighazoune, où les amandiers et les figuiers parsèment le paysage. Les villages Ait Atta sont peuplés de familles sédentaires et semi-nomades qui, en Printemps et en Été, migrent vers les hauts alpages de l’Atlas depuis le sud du Sarho avec leurs troupeaux afin de fuir les trop fortes chaleurs – qui rendent difficile toute entreprise touristique. Pendant la saison des treks, entre fin septembre et début avril, aux premières chutes de neige, les villageois migrent dans le sens inverse ; l’occasion de faire un bout de chemin avec eux, et de voir sautiller gaiement des agneaux et des moutons.
Les enfants accourent sur notre passage, sans oublier de nous quémander « bonbons ! Stylos ! » ; et, une fois éconduits, ne rechignent pas à engager la conversation sur tout, sur rien. Pour eux, chaque passage d’une caravane de touriste, chaque étranger sur son vélo ou sur ses pattes, est une attraction ; et ils rient, se moquent gentiment, approchent, curieux, seul ou en groupe, en essayant parfois de vendre les trois babioles qui leur servent de capital, en essayant souvent de tuer un temps qui na varie pas beaucoup jour après jour.
Dans certains villages, les frustrations se font sentir. On accuse les guides touristiques de garder pour eux tous les revenus que génère le tourisme ; et ceux-ci, de répliquer que le communautarisme est très prégnant dans cette région du Maroc et que certains villageois cultiveraient leur marginalisation. Les « guides du nord » (par opposition aux locaux du sud et du Sarho, populations semi-nomades et berbères) ne sont pas toujours bien accueillis, malgré leur professionnalisme et la gentillesse dont ils font preuve avec les touristes dont ils ont la charge.
Un emplacement de camping (Sarho, Maroc)
On arrive en fin de journée à Ighazoune, un joli petit village en terre, niché au milieu des montagnes et flanqué d’un oasis où les femmes travaillent la terre ou lavent le linge pendant que les hommes observent. Les peupliers blancs et leurs feuilles argentées qui se reflètent au soleil, les pierres volcaniques, le basalte noir, l’oxyde de fer et le latérite qui donnent à la terre sa couleur de rouille, sont partout autour de nous. On s’éloigne un peu du village afin de planter nos tentes au milieu de ce décor, sous un ciel somptueusement étoilé ; les chiens errants aboient et puis, le silence – qui empêche certains Parisiens de dormir, peu habitués à un tel environnement sonore.
Ce décor était, il y a peu, une mer, et des volcans. On trouve encore de nombreux fossiles de crustacés, des traces de vie maritime que les villageois alentours essaient tant bien que mal de vendre aux touristes de passage. Les pierres, noircies pas les cendres et par les éruptions volcaniques du passé, dessinent un contraste saisissant avec la rouille et l’ocre ambiant ; et font le bonheur des géologues, pour qui le Sarho représente l’un des plus important gisement d’étude au monde.
Ce trek a été réalisé avec l’agence de voyage Allibert