Ces deniers jours, la lamentable affaire Leonarda donne lieu à quelque emballement. Après quelques jours de réflexion, je ne trouve pas pertinent de demander la démission de Manuel Valls, le ministre de l'Intérieur.
S'il y a un mérite qu'il faut reconnaitre au ministre de l'Intérieur, en dehors de toute considération politique et de tout jugement moral, c'est sa cohérence et sa franchise depuis - au moins - la débâcle de Lionel Jospin au 1er tour de la présidentielle. Valls se positionne clairement à droite. Il a même publié un livre en 2008 où il rejette l'héritage de Jaurès, et se donne pour modèle Clémenceau. Ce n'est pas pour rien que ses amis ont inventé une expression lourde sens, la gauche affranchie.
En l'espèce, j'ai toujours été opposé la politique du bouc émissaire. Dans un sens comme dans un autre.
Je ne ferai donc pas mienne la distinction entre Manuel Valls et Cécile Duflot, Christiane Taubira ou Arnaud Montebourg et Benoît Hamon - les visiteurs de Saint-Denis favorables à l'union de la gauche version PS hégémonique- et les autres membres de ce sinistre gouvernement.
Je considère que cette bande de faux-culs est même plus fautive que Valls parce que rien n'indiquait avant leur entrée au gouvernement qu'ils seraient solidaires des reconduites aux frontières, du durcissement à l'encontre des personnes non ressortissantes de l'UE et des Roms, de la politique du chiffre et des "dérapages". Ces gens-là restent au gouvernement, qu'ils en assument la responsabilité ! Et, je n'évoquerai pas Hollande pour l'ensemble de son œuvre. Pour moi, ils ont menti et trahi. Pas Valls, égal à lui-même.
Aussi, ne nous trompons pas de cible en visant exclusivement Valls. La politique du gouvernement en matière d'immigration fait partie d'un tout. Elle n'est pas accessoire. Elle est inhérente au néo ou au social-libéralisme. Se contenter de la dénoncer au nom de la morale est contre-productif, d'autant plus dans un climat malsain de racisme plus ou moins sous-jacent. Il faut la dénoncer en démontrant qu'elle est l'autre versant de choix économiques et sociaux aux conséquences désastreuses dont se nourrit le FN.
Autrement dit, les néo ou sociaux libéraux font preuve d'autorité et d'inhumanité en matière d'immigration pour masquer leurs échecs économiques et sociaux et leur soumission aux dogmes de l'idéologie néolibérale. Ils ne veulent pas changer l'ordre actuel des choses, ni améliorer la vie du peuple, mais seulement préserver les intérêts de l'oligarchie, coûte que coûte, fut-ce au prix de sacrifier les grands principes, d’attiser la haine de l'autre, de diviser le peuple et de favoriser l'influence de l'extrême droite. Plus, le libéralisme fait de victimes, plus les conditions de vie se dégradent, plus l'avenir s'obscurcit pour le peuple, plus les gouvernants sont tentés de "jouer" les fiers à bras en se montrant inflexibles vis-à-vis des immigrés. Plus ils banalisent l'idéologie de l'extrême droite.
Incidemment, ils reprennent un mensonge du FN selon lequel la France n'a plus les moyens d'accueillir des immigrés en ces temps de crise, alors que le pays n'a jamais produit autant de richesses, ni compté autant de riches :
« La Journée mondiale contre la misère a trouvé, hier, quelques échos. Avec ces chiffres qui font frémir tel le nombre de SDF croissant de 50% en France dans les dix dernières années. (...) Depuis 2003, la richesse dans le monde a grimpé de 68% ! Qui l’eût cru à entendre les bons apôtres de l’austérité, des « efforts » et de la réduction du coût du travail ? Jamais la richesse mondiale n’a atteint un niveau aussi haut, note le Global Wealth Report annuel du Crédit suisse qui la chiffre à 241 000 milliards de dollars. Hors de l’humaine proportion. C’est aux États-Unis qu’elle a le plus augmenté, puis en Chine, en Allemagne et juste derrière, en quatrième position, en France. Mais qui le dit sur nos antennes ? Qui relève qu’en Europe, c’est la France qui compte le plus de millionnaires, 2,2 millions sur les 32 que compte la planète ? ».[1]
Finalement, tant qu'un gouvernement ne rompra pas avec le néolibéralisme et l'austérité, tant qu'il ne s'acharnera pas à réduire les inégalités sociales, à redistribuer les richesses, à protéger les travailleurs du dumping social, à désobéir aux diktats de la Commission européenne, à imposer un protectionnisme social et écologique, à mettre au pas les marchés financiers, à refuser de payer la dette illégitime, il tentera d'appliquer en partie le programme du FN en matière d'immigration pour faire diversion... et incidemment il renforcera le FN.
Note
[1] L'Humanité - Les flots noirs de la misère et de la richesse