Jean-Jacques Rapin est né le 19 septembre 1932 à Vevey. Il fait sa première vraie rencontre avec la musique à dix ans, où son maître d'école, Hector Jacot, commence chaque journée par un chant et lui fait découvrir ce livre d'initiation à la musique qu'est le Jean-Christophe, de Romain Rolland, raconté aux enfants.
Frais émoulu de l'Ecole normale, il est nommé en 1952 instituteur à Neyruz et fait l'acquisition d'un piano droit. A la même époque, après une tentative infructueuse au Conservatoire de Lausanne, il devient l'élève privé d'Aloÿs Fornerod, directeur du Conservatoire de Fribourg et se rend compte à son contact "à quel point la culture générale est indispensable à un musicien digne de ce nom".
En 1960, jusqu'en 1968, il est nommé au poste de maître de musique au Collège secondaire de Béthusy, à Lausanne. Il y initie ses élèves à la musique "à grands renforts de copies de centaines de pages de thèmes de Brahms, de Schumann ou de Bach, car il était exclu d'écouter ces chefs-d'oeuvre sans une préparation sérieuse, en particulier sans avoir chanté ces thèmes, de telle sorte qu'ils nous habitent le moment venu".
En 1966, jusqu'en 1983, il devient professeur de musique à l'Ecole normale.
Pendant toutes ces années d'enseignement, en qualité de chef d'orchestre, il donne des concerts avec l'Orchestre de Chambre de Lausanne et avec l'Orchestre Symphonique de Bienne:
"Plus l'imprégnation est profonde chez celui qui dirige et plus son geste, par lequel il transmet
aux exécutants les indications, techniques et expressives, est juste et vrai, adapté aux circonstances, musicales ou matérielles."
En 1984, il est nommé Directeur du Conservatoire de Lausanne, poste qu'il occupera jusqu'en 1998. Dès 1989, jusqu'en 2001, il est président de l'Association puis de la Fondation de l'Orchestre de chambre de Lausanne.
La musique ne va pas sans le chant. Aussi, de 1976 à 1984, dirige-t-il La Lyre de Moudon et l'Union chorale de Vevey:
"Dans l'acte de chanter, le corps tout entier participe, de la plante des pieds jusqu'au sommet du
crâne, quelle que soit l'intensité de son produit - de la douceur la plus extrême aux forte les plus éclatants."
Comme si tout cela ne suffisait pas à remplir ses travaux et ses jours, pendant dix-sept ans, de 1961 à 1978, il est officier d'artillerie dans le Valais, où il gravit les échelons de lieutenant à lieutenant-colonel, exerçant finalement le commandement du Groupe fortifié de Saint-Maurice. Cet homme fort occupé écrit avec modestie:
"Il est très stimulant d'exercer si possible deux activités parallèles, l'une reposant de
l'autre."...
Au cours de cette vie bien remplie (il écrit même des livres: A la découverte de la musique et L'esprit des fortifications), Jean-Jacques Rapin va faire beaucoup de rencontres, qui jalonneront sa trajectoire. Pour en décrire l'esprit, il a mis en exergue de son livre un passage d'Août 14 d'Alexandre Soljenitsyne:
"Le noeud essentiel de notre vie, ce qui lui donnera, si nous devons l'utiliser à poursuivre un but, son sens et son centre, se forme dès le plus jeune âge, de manière parfois inconsciente, mais toujours précise et juste. Et la suite ne tient pas seulement à notre volonté: on dirait que les circonstances elles-mêmes se conjuguent pour nourrir et développer ce noyau."
Ces rencontres ne sont donc pas fortuites? Si, à condition de prendre le hasard dans l'acception que lui donnait Bernanos, celle de "la logique de Dieu". Ce qui n'empêche évidemment pas d'y mettre du sien:
"Dans ce libre choix que nous laisse l'existence, nous pouvons nous approcher de ceux qui inspireront l'essence de notre action."
Ainsi, si la musique l'a choisi, approche-t-il de lui-même Ernest Ansermet (créateur de l'Orchestre de la Suisse Romande), en 1966, pour examiner sa version de L'Orphée de Gluck.
Dix ans après la mort d'Ansermet, en 1979, Jean-Jacques Rapin participe à la création de l'Association Ernest Ansermet.
En 1983, il conçoit, réalise et conduit l'Exposition du centenaire de sa naissance.
En 1989, il dirige l'édition du livre d'Ansermet, Fondements de la musique dans la conscience humaine et autres écrits,dans la collection Bouquins. La même année, il devient le président de l'Association qui porte le nom du célèbre chef d'orchestre...
Dans son livre, Jean-Jacques Rapin évoque nombre de ces rencontres qui ont nourri et développé son noyau de départ et inspiré son action.
Il s'agit, par exemple, de personnes telles que Madame Elisabeth Furtwängler (il a traduit les Carnets de son mari, le chef d'orchestre Wilhelm Furtwängler), Jean-Jacques Langendorf (qui a écrit, entre autres, La Suisse dans les tempêtes du XXe siècle et Le Général Guisan et l'esprit de résistance) ou Bertil Galland (auteur, entre autres, de Luisella).
Il s'agit également, par exemple, de personnes qui ont marqué leur époque, telles que Vauban ou Dufour et qu'il a été amené à fréquenter en faisant des recherches historiques.
Mais il s'agit aussi, par exemple, de lieux qui ont une âme, tels que l'Abbatiale de Payerne, Saint Etienne de Moudon ou Saint-Martin de Vevey, la Ligne Maginot ou le Château de Bazoches.
Le livre de Jean-Jacques Rapin est le récit foisonnant de ces rencontres qui l'ont façonné. La première de ces rencontres fut la musique, qui est transcendance, à laquelle il faut bien revenir, pour finir, en évoquant avec lui la musique sacrée:
"Le mystère de la transcendance, la vertu du silence, la beauté d'un geste mélodique, tous ces éléments porteurs sont la substance même de la musique. Lui donner sa place dans le cadre liturgique, c'est quitter les rivages desséchants de l'intellectualisme et retrouver le chemin qui conduit à une nourriture de l'âme."
Francis Richard
L'esprit des rencontres, Jean-Jacques Rapin, 224 pages, infolio
Première publication sur lesobservateurs.ch