L’outil total qui modifie la pensée réfléchie

Par Opapilles
La station droite, la main, la parole : voilà, selon le paléoanthropologue André Leroi-Gourhan, les trois éléments à l’origine de l’humanité. Un singe se met debout, libère la face pour la parole et la main pour l’outil. Ce sont aussi les trois éléments constitutifs… du téléphone portable. Lorsque Martin Cooper, ingénieur chez Motorola, s’est levé de son bureau pour passer le premier coup de téléphone portable dans les rues de Manhattan, il n’imaginait pas qu’il mettait au monde un outil dont l’extension allait modifier notre condition. L’expansion du phénomène est aussi fulgurante que celle du premier outil.


Selon un rapport publié à l’occasion du Congrès mondial de la téléphonie mobile, on comptait 2,3 milliards d’abonnés en 2008, 3,2 aujourd’hui et 4 milliards en 2018. Le volume des données qui transitent par mobile croît de 66 % par an, tandis que la vitesse des connexions va septupler d’ici à 2017. Dans le même temps, le mobile est devenu multifonctionnel, servant de carte de paiement, de billet de train, d’appareil photo… Selon la Banque mondiale, c’est l’outil « transformationnel » par excellence : vecteur, dans les pays en développement, de l’accès à l’information, à l’emploi, au commerce, à la participation citoyenne. L’Asie et l’Afrique sont d’ailleurs les deux continents où l’explosion est la plus fulgurante, alors que la progression ralentit en Europe et en Amérique du Nord. Dans Le Geste et la Parole (1964), Leroi-Gourhan se demandait déjà si, après l’invention de l’outil et de l’écriture, les « techniques audio­visuelles » n’allaient pas aussi modifier « le plus propre de l’homme : la pensée réfléchie ».
Article publié sur philomag.com