Faire simple : l’administration a la censure facile

Publié le 21 octobre 2013 par Copeau @Contrepoints
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Faire simple : l’administration a la censure facile

Publié Par Contrepoints, le 21 octobre 2013 dans Actualités, Politique

Avec le site Faire simple, l’administration dit favoriser la démocratie participative. On est bien loin vue la censure qui y règne.

Par Pierre-Joseph Sampé et Victoria Melville.

L’administration 2.0, c’est quoi ? C’est l’avenir ! Les nouvelles technologies pour l’administration, la simplification, l’accessibilité, les économies… enfin presque. Avant de faire des économies  il faut y réfléchir, et pas trop vite s’il vous plaît. Dans cette perspective, le Premier ministre a inventé le Portail pour la modernisation de l’action publique, piloté par le SGMAP

Voici déjà quelques semaines, ce dernier nous gratifiait de sa nouvelle innovation spectaculaire : le site Faire Simple, dans l’indifférence la plus totale des médias, excepté chez le blogueur H16. Ce site au design léché, avec un nom d’une fulgurante originalité, s’est donné pour mission de “simplifier les démarches et moderniser l’action publique« , tout ça dans une ambiance collaborative, détendue, citoyenne et évidemment aux jolies couleurs bisous pastel.

Pour mieux vous présenter la démarche, le plus pratique est encore de demander aux intéressés. Quelques extraits du site de l’initiative sont éclairants (attention, nous n’inventons rien) :

Placé sous l’autorité du Premier ministre et mis à disposition de la ministre chargée de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, le SGMAP regroupe l’ensemble des services en charge de la politique pour la modernisation de l’action publique.

Il se compose de :

  • la direction interministérielle pour la modernisation de l’action publique (DIMAP), qui remplace la direction générale de la modernisation de l’État (DGME) et qui coordonne les travaux de transformation de l’action des administrations;
  • la direction interministérielle des systèmes d’information et de communication de l’État (DISIC), véritable DSI stratégique de l’Etat.
  • la mission chargée de la mise à disposition des données publiques (Etalab).

Le séminaire gouvernemental du 1er octobre 2012 sur la modernisation de l’action publique a fixé le cadre politique de cette nouvelle orientation de l’action publique, à savoir :

  • Assurer la cohérence et l’efficacité de l’action publique,
  • Partir des besoins des citoyens et des usagers,
  • Restaurer la responsabilité des acteurs,
  • Faire confiance aux capacités d’innovation des agents.

Au vu de ces explications, on sent immédiatement qu’on est face à un truc simple, compréhensible, original, novateur et peu coûteux grâce auquel le peuple va pouvoir faire entendre sa voix auprès du gouvernement et retrouver sa souveraineté perdue, trahi par les parlementaires acquis à la finance mondiale, au grand kapital apatride et aux ultra-libéraux de Bruxelles (rayer la mention inutile).

Notez que nous avons tenté de contacter directement la SGMAP pour obtenir des explications complémentaires, notamment sur le coût du projet, le nombre de personnes impliquées et tout un tas de petites choses comme ça. Apparemment, ils sont très occupés puisqu’ils nous ont répondu… qu’ils nous répondraient. Il faudra repasser un peu plus tard, après les vacances par exemple.

Bon, voyons l’outil de plus près. En fait, tout cela est très très simple. Il suffit de proposer une idée concrète pour simplifier la gestion de notre pays, qu’elle soit validée et vas-y Gaston, c’est publié sur le site. Ensuite, tout un chacun peut s’inscrire, soutenir ou commenter l’initiative. Du plaisir en barre.

Et alors que se passe-t-il ? Eh bien on dirait que les Français ne sont pas franchement et massivement venus faire leurs propositions. Tout se passe comme si seul un petit groupe d’initiés avait eu l’idée saugrenue de venir faire des propositions sur ce site.

Pour s’en convaincre, nous vous suggérons de jeter un œil aux suggestions les plus soutenues. Oh naturellement, vous noterez bien que vous pouvez afficher les contributions selon la “sélection de la semaine” ou selon d’autres critères, notamment les propositions les plus populaires. Bizarrement, le résultat n’est pas le même selon le critère choisi et on dirait qu’il s’agit de la même semaine qui se répète indéfiniment puisque la sélection est toujours la même.

Bref, trèfle de balivernes, jetons un œil.

Capture d’écran du 19 octobre 2013

On observera avec intérêt que certaines de ces propositions – notamment le deux premières, largement en tête de liste – rappellent furieusement les mesures prônées par un nombre toujours croissant de mouvements contestataires qui ne sont eux-même que les premières manifestations d’une grogne bien plus importante et qui ne semble pas près de diminuer.

Oh, bien sûr, le gouvernement a eu l’intelligence de faire le lancement de son site dans la discrétion la plus absolue (parce que vous comprenez hein, si les gens commencent à dire ce qu’ils veulent vraiment sans passer par les élus, on ne sait pas ce qui pourrait se passer, ça pourrait bien être le retour aux Heures Les Plus Sombres De Notre Histoire qui nous guette). De fait, aucune publication (ou presque), aucune chaîne de télévision, aucune radio n’a parlé de cette initiative et par conséquent de ses résultats qui, il faut le dire, ne vont pas vraiment dans le sens pris par le gouvernement.

Personne donc ne sait que ce site existe à part vous.

Et maintenant, imaginez si chaque lecteur de Contrepoints, si chaque libéré de la Sécu ,si chaque tondu, chaque mouton, chaque poussin, chaque pigeon, chaque plumé, chaque dupé, et chacun des révoltés du système étatiste français s’inscrivait et donnait un petit coup de pouce à ces propositions ?

Imaginez seulement, derrière vos écrans de PC, la tête ennuyée des collaborateurs du SGMAP qui reçoivent des contributions comme celles qui ont été proposées pour :

  • Supprimer le RSI,
  • Mettre fin au monopole de la sécurité sociale,
  • Simplifier le droit du travail,
  • Uniformiser les statuts des travailleurs,
  • Mettre en place le chèque éducation,
  • Créer un site web réunissant les annonces légales,
  • Proposer un mode d’emploi des démarches administratives,
  • Rendre constitutionnel un système fiscal simplifié,
  • Donner le salaire brut et non le net aux salariés,
  • Créer une entreprise par internet,
  • Supprimer la carte d’identité,
  • Améliorer l’accessibilité des PME aux marchés publics,
  • Etendre le statut d’auto-entrepreneur,
  • Ne pas imposer de commissaire aux comptes,
  • Créer un bulletin en ligne pour les publications légales obligatoires,
  • Créer une entreprise d’un simple clic,
  • Rendre gratuite la dissolution d’une entreprise,
  • Simplifier le statut d’entrepreneur notamment en lien avec la CCI,
  • Appliquer les propositions des Autruches,
  • Fusionner les structures consulaires,
  • Simplifier les contrats de travail très courts,
  • Stabiliser les dispositifs fiscaux pour 4 ans,
  • Gérer son entreprise sur internet,
  • Supprimer les annonces légales sous forme papier pour les entreprises,
  • Simplifier la création d’entreprise,
  • Contrôler les stations service en fonction du débit et non plus périodiquement,
  • Laisser les salariés gérer librement leurs assurances chômage, retraite et santé,
  • Supprimer la TVA pour les opérations entre entreprises,
  • Clarifier le statut du juriste,
  • Simplifier les bulletins de salaire,
  • Choisir ce que finance la redevance TV,
  • Mettre fin aux licences, numerus clausus et autres dispositifs restrictifs,
  • Ouvrir les administrations le samedi.

Comme vous le voyez, il y a bien de quoi redessiner le pays ! Certaines contributions nécessitent d’être précisées, mieux formulées. Certaines ont dû être écrites de façon un peu ambiguë pour être validées. Cependant, elles sont là, publiées sur un site gouvernemental.

Et ça ennuie. Certaines propositions sont purement et simplement refusées sans qu’aucune explication ne soit fournie avec le message suivant, auquel il est vain de répondre pour obtenir des informations complémentaires :

[Faire Simple] Refus de votre publication

Oct 11 (8 days ago)

 

 

 
contact@faire-simple-innovons.fr

 

Bonjour,

Merci de votre contribution et de votre intérêt pour la consultation en cours.
Néanmoins, Faire Simple ne peut publier votre proposition car celle-ci ne respecte pas la charte d’utilisation du site :

http://www.faire-simple.gouv.fr/charte-dutilisation

Vous pouvez soumettre à nouveau une idée de simplification jusqu’à la fin de la consultation.

Faire Simple. Innovons. Simplifions.

Mais cela ne suffit pas. Big Brother veille au grain. Certaines propositions pourtant validées et largement soutenues ont déjà disparu. Heureusement, nous étions là nous aussi pour immortaliser ce bel exercice de démocratie participative devant l’éternel.

Cette capture d’écran date du 11 octobre. Quelque chose a disparu depuis…

Oh quelle provocation ! Certains contributeurs avaient proposés la suppression de l’ISF (d’abominables turbolibéraux, à n’en pas douter) ainsi que la simplification du système fiscal avec une flat tax à 15% (là on frise l’extrémisme ma bonne dame). D’autres sources nous apprennent que des propositions moins soutenues mais bel et bien acceptées comme « supprimer le permis de construire » ont tout simplement disparu. Las après tout, ce n’est pas la première fois que le gouvernement se permet de nous prendre pour de grosses poires en Imax et en 3D.

Les preuves en images.

Ces captures montrent la proposition relative à la suppression du permis de construire…

 

qui a maintenant disparu du tableau de bord du contributeur.

Vous goûterez très certainement la disparition de cette proposition relative à la simplification du système fiscal. Ce n’est clairement pas une priorité…

Pouf, elle a disparu !

Idem pour la suppression de l’ISF :

Ces propositions, il est vrai, n’étaient « que » très populaires. Plusieurs dizaines de soutiens, trois fois rien comparé aux autres qui reçoivent au plus un ou deux soutiens.

On se rend bien compte que ce petit projet qui a coûté la paille de 200 000 € (montant de l’appel d’offre, ce que nous raconte un compétiteur écarté) a été mené d’une main de maître par quelques fonctionnaires hautement qualifiés et visiblement passionnés par la culture du résultat. Admirez donc cette œuvre qui permettra de cocher la case « A l’écoute des citoyens » lors de la grande distribution de gommettes de fin d’année. On en profite au passage pour occuper quelques copains grâce une jolie commission Théodule bien planquée qui ne risquait surtout pas de se faire connaître. C’était parfait.

Alors si vous voulez donner un petit coup de pouce aux idées libérales dans ce pays et protester contre ce qu’on ne peut qualifier autrement que de censure, venez contribuer et faites monter la sauce. Partagez, faites connaître cette initiative aux mouvements de contestation, auprès de vos collègues, de vos commerçants et de vos amis. Nous essayons de capturer les propositions susceptibles d’être détruites et tiendrons une veille de l’initiative pour vous tenir au courant de qu’elle devient.

Venez donc soutenir en masse nos idées et faisons gonfler l’affaire ensemble en la relayant partout où elle sera visible, sans passer par nos médias qui ne soutiennent la démocratie internet que lorsqu’elle défend le camp du Bien.

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