La 7éme édition de la Cérémonie de remise des bourses L’Oréal France – UNESCO Pour Les Femmes et La Science s’est tenue le 14 octobre 2013 au Palais de la Découverte, Paris.
A cette occasion, 25 jeunes scientifiques de talent ont reçu une bourse de 15 000 euros pour les inciter à poursuivre leurs recherches et construire leur carrière scientifique.
Chaque année et cela depuis 1998, les Prix L’Oréal – UNESCO distinguent des chercheuses émérites qui, par leurs travaux remarquables, ont participé au progrès de la science.
« La science n’est pas la chasse gardée des garçons »
En donnant à la science un visage plus féminin, le programme L’Oréal – UNESCO Pour les Femmes et la Science entend encourager les jeunes femmes d’aujourd’hui à devenir les chercheuses de demain.
J’ai au l’opportunité d’interviewer Irène Dang, jeune analyste qui voue ses recherches à la lutte contre le cancer du sein.
> Qu’est-ce qui vous a poussé à participer à la Bourse L’Oréal France – UNESCO ?J’ai découvert cette bourse un peu par hasard quelques jours avant la date limite de dépôt des dossiers de candidatures! Au premier abord, je pensais que mon profil ne correspondait pas.
En effet, la plupart des prix pour les jeunes scientifiques récompensent soit des docteurs déjà diplômés, soit des jeunes chercheurs qui cherchent à monter leur laboratoire.
Avec étonnement, je me suis rendu compte que non ; cette bourse était bien destinée aux doctorantes en avant dernière année de thèse. Le concept de cette bourse dont le but est de valoriser les travaux de jeunes femmes scientifiques m’a semblé très intéressant compte tenu de la difficulté pour une femme à se faire une place dans le métier. Arrivée à plus de la moitié de ma thèse et commençant à m’inquiéter pour mon avenir ce prix tombait à pic, j’ai donc tenté ma chance. > Quel est le programme scientifique que vous avez développé ? Et pourquoi ?
Mon projet de recherche s’intéresse aux mécanismes de la migration cellulaire et en particulier de sa régulation. Récemment au laboratoire, nous avons découvert une nouvelle protéine qui inhibe la migration des cellules en les faisant ralentir et changer de direction. Lorsque nous avons examiné des biopsies de tumeurs du sein provenant de patientes, nous avons constaté que les cellules invasives perdaient l’expression de cette protéine inhibitrice et se mettaient à explorer en migrant plus vite et de manière plus directionnelle. De plus, les patientes dont les tumeurs présentaient une perte d’expression de ce gène, formaient plus fréquemment des métastases, diminuant de ce fait leur espérance de vie.
Aujourd’hui, la découverte de cette protéine rajoute une nouvelle pierre à l’édifice de la connaissance sur la régulation de l’actine dans le processus de la migration cellulaire. D’autre part, nous savons qu’actuellement, il n’existe aucun traitement traitant les mécanismes de la migration des cellules tumorales formant les métastases. Cette nouvelle protéine pourrait donc, dans un plus court terme, être utilisée en tant qu’outils diagnostic des tumeurs invasives et ainsi permettre une prise en charge plus précoce des patientes. Dans un délai plus lointain, nous pouvons aussi espérer bloquer la formation des métastases en ciblant les mécanismes qui éteignent l’expression de cette protéine inhibitrice importante.
> En tant que femme, est-ce important pour vous de représenter la Fondation L’Oréal et l’UNESCO ?
Je suis plus que fière de voir que les femmes scientifiques sont encouragées, soutenues et félicitées à travers le monde que ce soit pendant leur carrière, ou comme moi, au tout début de leur carrière. En effet, en tant que jeune femme, je suis souvent angoissée lorsque je pense à mon futur dans le domaine scientifique. Réussir concilier sa carrière avec une vie de famille n’est pas forcément aisé, surtout lorsqu’on est une femme.
Je suis donc ravie de représenter la Fondation L’Oréal – UNESCO. Ce prix est un véritable encouragement et je le perçois comme un atout solide pour le début de ma carrière. Faire partie des boursières est une marque de reconnaissance qui m’honore, en même temps qu’il m’encourage à soutenir toutes les jeunes filles qui hésitent encore à « s’engager » dans la recherche.
> On peut dire que vous êtes le visage de la nouvelle génération de chercheuses ?
En effet, je pense que l’on est de plus en plus de femmes à oser se lancer dans le domaine de la recherche et que depuis quelques années l’image de la « femme scientifique » a changé. Fini les clichés de la chercheuse à lunettes, obnubilée par ses expériences devant ses tubes à essais. Nous sommes de jeunes femmes comme les autres, nous prenons soin de nous, nous sortons, faisons la fête…mais toujours avec modération pour retourner au labo lendemain.
Quand je vois toutes ces lauréates pleines d’ambition et de talents, j’ai confiance en notre génération. C’est sur, on entendra beaucoup plus parler de nous, les femmes scientifiques dans les prochaines années !
> Faut-il plus de parité homme-femme dans le domaine de la science ?
C’est sûr qu’encore aujourd’hui, la parité homme-femme est loin d’être respectée. Il n’y a qu’à voir, la majorité des chefs d’équipes ou encore directeurs de laboratoires sont des hommes. Un autre exemple qui fait suite à l’actualité, le Prix Nobel de Médecine a été décerné encore une fois à deux hommes. En fouillant dans les chiffres, j’ai appris qu’il n’y avait eu de dix lauréates dans ce même domaine depuis la création du prix il y a 112 ans !
Évidemment aujourd’hui, j ‘espère que dans un futur proche la balance va s’équilibrer avec l’arrivée d’une nouvelle génération de chercheurs que l’on aura déjà sensibilisés à la qualité des travaux des femmes scientifiques, grâce à notamment, de nombreux prix comme la bourse L’Oréal – UNESCO France, dans mon cas.
> Quels sont vos projets à long terme avec l’obtention de cette bourse ?
A l’issue de ma thèse, j’aimerais continuer la recherche par un post-doctorat à l’étranger. Grâce à la bourse L’Oréal – UNESCO France, je souhaite identifier le laboratoire dont le sujet de recherche sera le plus porteur.
A long terme, en combinant mon expérience doctorale et plusieurs expériences post-doctorales, je souhaite en acquérir des bases solides et avoir une vision large de la migration cellulaire pour mieux en saisir les enjeux. Ainsi, j’envisage par la suite, pourquoi pas, de monter mon propre laboratoire spécialisé dans ce domaine. Par ailleurs, le poste de moniteur exercé lors de ma thèse, a également révélé mon intérêt pour l’enseignement et la transmission du savoir. Dans le cas où je reste dans la recherche académique, je souhaiterai y consacrer une partie de mon temps de recherche en envisageant aussi une carrière d’enseignant-chercheur.
Ce dont je suis sûre également est de ne pas vouloir perdre de vue l’intérêt de mes découvertes pour les patients. En effet, issue d’un cursus de biologie cellulaire et cancérologie, j’ai toujours privilégié pour mes stages les sujets de recherche appliquée, focalisés sur la recherche de nouvelles molécules thérapeutiques. Pour cette raison je n’exclus pas de placer mes recherches dans le cadre de l’industrie pharmaceutique.
> Pour finir, pouvez-vous vous définir en un mot/adjectif ?
Discrète.
Retrouvez le programme L’Oréal – UNESCO Pour les Femmes et la Science sur www.femmescience.fr