Encore récemment, il me semblait improbable que le premier ministre canadien Stephen Harper réussisse à négocier une entente de libre-échange avec l’Union Européenne. Et, surtout, avant les USA. J’ai suivi l’évolution des négociations de ce dossier depuis quelques années.
Malgré ma sympathie politique passée pour son parti, j’ai perdu confiance dans le leadership du PM Harper. Trop de ses décisions allaient à l’encontre de l’opinion majoritaire des Québécois et je les ai dénoncées souventes fois dans mon blog. Son reniement de l’accord de Kyoto est le principal exemple.
Mais aujourd’hui, il faut être correct, féliciter le premier ministre et lui crier BRAVO. Il a réussi, après plus de quatre années de négociations difficiles, à s’entendre en principe avec les dirigeants de l’Union Européenne sur un pacte de libre échange Canada-Europe. Le document est signé ! Harper a raison d’en être fier.
Évidemment ce n’est pas encore un fait accompli puisque les provinces et les territoires canadiens doivent maintenant l’approuver tout comme les 28 membres de l’Union Européenne. Le gouvernement du Québec a été le premier à confirmer son accord de principe sur le texte préliminaire. Le document final ne sera connu que plus tard, suite aux vérifications légales et aux nombreuses traductions dans les diverses langues européennes. Cela démontre que quelque soit le parti au pouvoir à Québec, l’économie demeure une priorité qui n’a pas de couleurs. L’approche positive de Pauline Marois mérite d’être soulignée.
Cet accord de libre-échange donnera aux entreprises canadiennes et québécoises un accès préférentiel aux 500 millions de consommateurs européens qui dépensent annuellement plus de 17 trillions $. Au minimum, 80 000 nouveaux emplois en découleront. Le PIB grimpera de 12 milliards$. Le commerce entre les deux parties augmentera de 22 %. En plus, les coûts de produits pour les consommateurs diminueront appréciablement.
On ne connaîtra que plus tard les réels perdants ou gagnants de l’application de l’accord. Aujourd’hui, les journalistes spécialisés, les observateurs avertis et les groupes d’intérêts qui estiment être touchés positivement ou négativement par le contenu de l’accord, nous en donnent un aperçu.
Ainsi, à cause de l’élimination de tarifs douaniers, les Canadiens paieront moins cher, pour les produits de consommation venant d’Europe, comme pour les vêtements, les parfums, les produits domestiques. Ce sera aussi positif pour nos manufacturiers d’automobiles puisqu’on estime qu’ils exporteront 90 000 autos de plus par an. Quant aux producteurs canadiens de viande, ils vendront plus de bœuf, de porc et de bison.
Par contre, certaines entreprises canadiennes et particulièrement québécoises seront concurrencées fortement, tels les producteurs laitiers, les fromagers et autres. Mais dans ces cas, qui soulèvent beaucoup de bruits anti-accord, ce sont les consommateurs qui en profiteront. Par exemple, le fromage qui se vend à des prix très élevés au Québec devra faire place aux excellents fromages français et autres qui apparaîtront dans les épiceries à des prix fortement inférieurs.
Quant aux fromagers canadiens, de hauts fonctionnaires affirment qu’ils seront financièrement compensés pour les effets négatifs sur leurs affaires. Cela pourrait être l’équivalent des subventions que les pays d’Europe accordent actuellement aux producteurs laitiers, fournisseurs des producteurs de fromage.
Les tarifs pour les produits d’agriculture seront fortement diminués, rendant notre blé et nos huiles plus accessibles.
Pour les projets de construction, le marché deviendra ouvert, au Canada comme en Europe, à tous les entrepreneurs canadiens et européens pour des projets excédant 7,8 millions de $, assurant ainsi une plus saine concurrence.
Quant aux achats de matériel, de services d’architecture, d’ingénierie ou autres, ils deviendront accessibles à toutes les entreprises pour des montants excédents certains minima. Cela diminuera les dépenses des corps publics.
Pour les produits de nos forêts, les tarifs diminués rendront plus disponibles notre bois, notre pulpe de bois, notre papier journal.
Pour les produits de la mer, l’obligation que le conditionnement des produits exportés soit fait à Terre-Neuve sera levée et des réductions de tarifs seront appliquées sur les poissons, les produits dérivés de la mer, les crevettes, le homard et les coquilles-St-Jacques rendant le tout plus accessible.
La protection de la propriété intellectuelle est aussi au cœur de l’accord et cela à la demande des Européens. Ces derniers veulent augmenter la durée des brevets de 20 à 22 ans. Ceci affectera à la hausse les prix des produits pharmaceutiques et retardera l’accès aux produits génériques moins chers. Le gouvernement canadien qui a dû faire cette concession propose de compenser les provinces pour les augmentations de coûts. Mais cela ne prendra effet que huit ans après la signature.
Les investisseurs de tous les pays signataires seront traités équitablement et de la même façon que les investisseurs locaux le sont par leurs gouvernements. Des compensations pour des actes, comme l’expropriation illégale d’un investissement par un pays, seront disponibles. L’arbitration de conflits est prévue. L’acquisition d’une entreprise canadienne de moins 1,5 milliards ne nécessitera pas l’intervention d’Investissement-Canada.
Les tarifs douaniers seront éliminés sur les produits manufacturés pour l’aérospatiale, les chemins de fer, la machinerie, les produits électriques et les équipements. De même sur l’aluminium, le nickel, le fer, l’acier… et les élécommunications. Tout cela débouche sur des produits moins chers, des ventes accrues et des emplois additionnels.
Pour assurer la protection de l’environnement, les signataires ont accepté de respecter les lois environnementales sans aucune concession pouvant favoriser les échanges commerciaux ou attirer des investissements nouveaux. C’est à se demander ce qui arrivera aux sables bitumineux !
Pour faciliter les échanges, l’accord prévoit une rationalisation de la réglementation et une diminution des lourdeurs administratives. Un rêve diront plusieurs. Peut-être !
Lorsque nous constatons tous les bienfaits que retireront les consommateurs canadiens de l’accord de libre-échange Canada-Union Européenne, on comprend mieux, maintenant, le nouveau programme politique du Parti Conservateur du Canada « une nouvelle ère pour les consommateurs et les entreprises » présenté par le premier ministre Stephen Harper dans le récent discours inaugural de la nouvelle session parlementaire. C’est la première fois que le PC investit son « capital politique » dans une politique nouvelle, d’envergure et peut être risquée. Un coup de dés ? Non, je ne crois pas car le tout est bien préparé.
Tenant compte des accords existants de libre-échange du Canada avec les USA et le Mexique (Aléna), le Chili, la Colombie, le Costa Rica, l’Honduras, Israël, la Jordanie et le Panama auxquels s’ajoutent maintenant celui avec l’Union Européenne, notre pays devient de plus en plus un partenaire économique sérieux avec les grandes nations du monde. Et ce n’est pas fini, puisqu’il négocie actuellement de tels accords avec 12 autres pays dont l’Inde, le Japon, l’Ukraine, la Corée du sud, le groupe trans-pacifique, etc… Tout cela fait du Canada un pays d’investissement, de compétence et de saine concurrence. Ce qui en découle sont les nouveaux emplois, les opportunités, l’accès au monde dont bénéficient ses citoyens et un avenir plus que prometteur pour ses jeunes. Ce ne sont pas seulement des mots… mais des faits.
Claude Dupras