“We don’t do it for the glory, we don’t do it for the money, we don’t do it for the things, so all the critics who despise us go ahead and criticize us, it’s your charity that drive us, adds the fire to our flames”. En 2008, Cage The Elephant avait été l’une des révélations de la scène alternative américaine avec leur premier album éponyme. Plus de cinq ans ont passé depuis, et les gars du Kentucky viennent de débarquer avec un troisième album très attendu du doux nom de Melophobia, “la peur de la musique” en latin. Une agréable surprise.
CTE jusque là, s’était vu affublé d’un grand nombre de comparaisons assez glorieuses. Successeurs de Nirvana pour certains, des Pixies, des Stooges ou des Red Hot pour d’autres, les cinq potes de Bowling Green détonnait pas moins pour l’éclectisme de leurs albums que pour le jeu de scène dément de Matt Shultz, leur leader. Prenez un peu de folk (Ain’t No Rest for The Wicked), une pincée de rock sudiste (In One Ear), une touche de punk (Shake Me Down), quelques ballades (Flow) … Un album de CTE, c’est un bric à brac réussi d’influences diverses reliées entre elles par le tempérament de feu de Shultz.
Ce dernier marque clairement l’album de son empreinte. Melophobia s’appuie presque autant sur la bande son que sur sa voix. Torturé, romantique, Shultz semble plus réfléchi qu’auparavant, libéré peut être de son tempérament cinglé, et accessoirement de son addiction à la méthadone. Il n’en a pas perdu son inspiration, bien au contraire, il parvient même à montrer la vaste étendue de ses talents. Pour ce nouveau départ, le groupe entier prétend s’être isolé de toute influence musicale, afin de ne s’inspirer de personne, et d’en sortir un album plus profond, plus personnel. Le résultat est au rendez-vous, avec un 10 titres difficilement comparables. Bref, ce troisième album – même si cela fait très cliché – ressemble à l’album de la maturité pour CTE. Les riffs sont moins tapageurs qu’auparavant, Shultz mois déchainé, le tout pour donner un opus plus raffiné, moins bourrin.
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Après la fin de leur dernière tournée, les cinq américains se sont séparés, préparant chacun leurs idées. De son côté, Matt pose un pied chez lui, seul pour la première fois depuis plusieurs mois, ne sait que faire, tourne en rond et rédige dans un moment de blues l’aérien Telescope, un hymne à la solitude. Car oui, l’honnêteté est le leitmotiv principal de cet album. Le chanteur lui-même confie dans une interview s’être gavé de textes de Bukowski ou de Dylan Thomas, ayant découvert par la même occasion que la poésie peut se retrouver même dans des textes particulièrement crus. Une ode à l’honnêteté « Mes amis m’ont dit que je devrais arrêter d’écrire des paroles pour l’amour de la poésie, et que je devrais juste écrire des paroles de la manière dont je parle, parce que c’est ce qui est poétique ». De quoi signer le morceau final de l’album, Cigarette Daydream, une mélodie calme, acoustique, qui interpelle, et illustre parfaitement cette nouvelle approche dans l’écriture, ou encore Halo, une sorte d’appel au secours d’un homme envahi par ses remords. Une sorte d’autobiographie.
Les thèmes abordés s’en ressentent. Stop aux apologies du sexe à plusieurs (Free Love), et place désormais à des textes assez noirs, en témoigne le cinglant « I think your mother wants me dead » du morceau inaugural, Spiderhead, qui est pourtant celui qui ressemble le plus, avec son petit côté punk, à ce que CTE avait fait jusque là. Le morbide Black Widow rentre aussi dans cette catégorie, avec son orchestre joyeux sur des paroles pourtant mortuaires. Le glauque s’inscrit jusqu’à la seule et unique collaboration du groupe sur cet album, avec rien de moins qu’Alison Mosshart (The Dead Weather, The Kills), qui apporte une touche féminine à l’histoire d’amour bien flippante de It’s Just Forever. De quoi détonner pour quatre mecs issus du fin fond de la très croyante Bible Belt américaine, où depuis cinq ans, certains habitants les considèrent comme des envoyés du diable.
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La large panoplie de ce que Cage The Elephant sait faire n’est désormais plus à démontrer. Le groupe n’a pas cherché ses influences, mais les a au contraire laissé venir à lui. L’excellent Come A Little Closer a ainsi été inspiré par un guitariste de flamenco à l’aéroport de Buenos Aires, pendant que Matt reconnait le rôle qu’a eu la musique de Noël sur Halo, ou encore le Heart of Glass de Blondie sur Take It Or Leave It. Mieux, après une douce ballade, Hypocrite, le groupe arrive à enchaîner en l’espace de quelques secondes, dans Teeth, sur des riffs frénétiques de guitare et un rythme de folie. Les mecs savent tout faire.
Plus noir, plus sérieux, moins insensé que les deux premiers opus, Melophobia est pourtant l’une des très bonnes surprise de l’année. Le changement passe très bien, comme si la folie opiacée de Shultz avait laissé place à un bad trip pas désagréable pour l’oreille. Un album décousu mais non moins somptueux, avec un équilibre parfaitement maîtrisé entre la rapidité des rythmes et la justesse des paroles, ressemblant tantôt à Jack White, tantôt aux Beatles, tantôt (toujours un peu) aux Pixies … Et on en oublie. Bref, Cage the Elephant n’a pas fini de nous étonner.
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Tracklist:1. Spiderhead 3:42
2. Come a Little Closer 3:49
3. Telescope 3:48
4. It's Just Forever (feat. Alison Mosshart) 3:30
5. Take It or Leave It 3:27
6. Halo 2:57
7. Black Widow 3:07
8. Hypocrite 4:08
9. Teeth 5:27
10. Cigarette Daydreams 3:28
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