Le métèque est de retour, avec un nouvel album, « Solitaire » qui sort aujourd’hui et une tournée de plus qui commence ce soir sur la scène de l’Olympia. Intemporel citoyen du monde, Georges Moustaki continue de faire souffler un vent de liberté, quarante ans après Mai 68.
73 ans et une énergie débordante ! Depuis qu’il a quitté son Alexandrie natale, Georges Moustaki ne tient pas en place et son vrai foyer est sur la scène.
Son dernier album, « Solitaire » est presqu’un oxymore quand on lit sous le titre la liste des artistes de talent qui y ont participé : Vincent Segal (Bumcello) pour la réalisation, Toninho Do Carmo à la guitare, Luiz Augusto à la batterie, Francis Jauvain à l’accordéon. Et des duos très émouvants avec Vincent Delerm, Cali, Stacey Kent ou encore China Forbes des Pink Martini. A cette liste impressionnante, il faut ajouter tous les copains ou maîtres morts invoqués dans le premier titre de l’album : « Le Temps de nos guitares » où l’indépassable Brassens et son « Gare au gorille », Bob Dylan, Hugues Aufray, Henri Salvador ou encore Gainsbourg « avant Gainsbarre » sont invoqués avec tendresse et nostalgie.
Car Moustaki a la nostalgie tendre et généreuse. Même si sa voix dépasse le murmure désordonnée qui faisait sa griffe pour atteindre l’extrême limite du bout de souffle (on s’en rend particulièrement compte dans la reprise de l’illustre « Ma Solitude », créé à l’époque – 1967- par Serge Reggiani), Moustaki reste Moustaki : surprenant, drôle, coquin, et profondément révolutionnaire. Beaucoup de guitare qu’on gratte, un soupçon d’accordéon, et surtout des textes qui parlent à travers le temps, et il n’y a pas besoin de beaucoup plus pour créer de vraies chansons.
Le jeune compositeur du « Milord » de Piaf est toujours là, tapi derrière les cheveux blancs du monstre sacré que le pâtre grec a su devenir. Son duo avec Vincent Derlerm évoquant les gambettes nues des filles à vélos respire la sensualité, la légèreté, le respect et la liberté. Tout Moustaki est là, dans cette formule magique qui nous fait regretter le temps de « leurs guitares ». Parfois, une ombre plane comme dans le déchirant « Partager les restes » adapté d’une mélodie de Cico Buarque, chanté en duo avec Stacey Kent, et qui évoque le sordide d’une rupture. Mais le grand amour de la musique de Moustaki reste la femme : « La jeune-fille » d’abord, dont il imagine le plaidoyer pour plus de liberté face à sa maman. Bien plus dégourdie qu’un personnage de Montherlant, cette jeune-fille là a soif de vivre, comme sa mère ou « Mélanie » qui « faisaient l’amour » avant elle. Très Gainsbourg, « Donne du rhum à ton homme » épice la relation homme-femme d’un élixir de fidélité.
Enfin, grande dame dont on tait le nom pour mieux le porter dans son cœur, la révolution reste la grande maîtresse du chansonnier en éternelle adolescence : engagé, entraînant, et mutin, le duo avec Cali, « Je voudrais sans la nommer » est probablement la plus belle chanson de l’album, dont la naissance date d’un concert de soutien… à Ségolène Royal.
En bonus vidéo, voici-ci le making-of de l’enregistrement.
Georges Moustaki, Solitaire, Odéon/EMI, 16 euros ( DVD 20 euros). Moustaki sera sur la scène de l’Olympia ce soir et le 9 mai.
“Pour avoir si souvent dormi avec ma solitudeJe m’en suis fait presque une amie une douce habitudeElle ne me quitte pas d’un pas fidèle comme une ombreElle m’a suivi çà et là aux quatre coins du mondeNon je ne suis jamais seul avec ma solitude”
Yaël Hirsch