Ce matin , en quittant mon agréable refuge de la maison d'hôtes des Dornes, a Upen d'Aval (sur la commune de Delettes et tout près de Therouane, un petit village aujourd'hui mais une importante ville et même un évêché à l'époque où Sigeric y avait fait étape, qui fut rayée de la carte par Charles Quint, comme me l'a appris Monsieur Blondel, le patron de la maison d'hôtes hier soir), je me vois plongé dans une campagne qui semble figée dans un épais brouillard.
J'avance assez bien, dans un paysage désormais plat comme la main. J'entre dans le plat pays minier. Les champs semblent s'étendre à l'infini, enfin en tous cas du peu que l'épaisse brume me laisse apercevoir.
Un peu plus loin, alors que j'ai du parcourir trois kilomètres, j'entends qu'on m'appelle: c'est la dame du gîte qui me rapporte un vêtement oublié, à vélo. C'est bien gentil.
Les petits villages rythment d'abord ma marche. Le soleil éclaire d'une lueur étrange à travers les nuages bas. Cela semble se refléter dans les champs et les bois. Du plus bel effet. Sans doute proche de la "rambleur" évoquée à propos de la Champagne par Jean-Paul Kauffmann dans son remonter la Marne.
Mais cette lumière brumeuse là est tenace. Le fameux "après dissipation des brumes matinales" n'a pas cours aujourd'hui par ici. Drôle de décor tout de même pour une randonnée. Au long des lignes droites, des petites routes et des chemins dans les champs, mon esprit s'évade pourtant. Je rêve à plein de choses, je rentre en moi même. A la suite de mes projets, au travail qu'il faudra fournir, aux amis qui courent au Népal ou à la Réunion, aux amis et proches malades aussi car je n'ai pas reçu que des bonnes nouvelles ces derniers jours.
Il en va ainsi de ma marche presque jusqu'à Amettes, une petite bourgade qui garde la mémoire d'un saint Benoît local, marcheur impénitent qui est ainsi le patron des pèlerins. Après avoir acheté un sandwich dans la petite boulangerie locale où on m'accueille avec gentillesse et où me fait signer un livre d'or (le voyageur est encore rare et d'autant mieux accueilli dans ce Pas de Calais de l'intérieur), je pique nique en tête à tête avec la statue du Saint patron. Un petit moment de pause bienvenu, même si il ne fait pas si chaud lorsque que l'on s'arrête. Du coup, je reprends mon chemin d'un bon pas. Je suis à nouveau le gr145, nouvellement tracé et balisé. Il s'enfonce dans les champs. Malheureusement, les agriculteurs ne semblent pas en faire grand cas et il est parfois largement labouré et disparait sous de larges et boueuses ornières. Pas toujours évident à franchir sans y laisser une chaussure.
Un peu plus loin, je rentre dans une jolie zone vallonée et boisée. Je la soupçonne d'être un terril où la nature a repris ses droits. C'est agréable de retrouver un relief plus vif, la couverture des bois. Mais le balisage fait défaut et me fait un peu tourner en bourrique; après un bon tour dans le bois, je me retrouve à mon point de départ.
Je navigue ensuite à travers la campagne, avec l'idée de rejoindre Bruay la Bussieres, en évitant toutefois la chaussée saint Brunoy, ancienne voie romaine que Sigeric a sans doute emprunté mais aujourd'hui une départementale très empruntée. Le GR l'emprunte cependant dans quelques traversée de villages.
J'entre ainsi dans une zone plus urbanisée. Bethune n'est pas loin. Les mines ont marqué la région: les terrils animent un peu un paysage très rectiligne. Les petites maisons de briques, si typiques, s'alignent.
La brume a laissé place à un ciel gris, "si bas, qu'il fait l'humilité" comme l'aurait chanté Brel, qui accentue l'impression que le pays se remet doucement de la désertion minière et de la crise que ces fermetures ont entraîné. Je note beaucoup de maisons à vendre, mais ce n'est peut être qu'un hasard.
Je traverse , Marles les Mines, avant de trouver enfin Bruay. Là, je dois presque rebrousser chemin. Pas d'hôtels en centre ville, je dois remonter vers la zone commerciale de la "porte nord" pour trouver une chambre, moins bucolique que celle d'hier, mais qui ira bien pour se reposer. Ce détour porte mon kilomètrage du jour à une grosse cinquantaine de kilomètres. Demain, je vais à Arras, première grosse ville de mon parcours.