Titre original : The Mortal Instruments : City of Bones
Note:
Origine : États-Unis/Allemagne
Réalisateur : Harald Zwart
Distribution : Lily Collins, Jamie Campbell Bower, Robert Sheehan, Kevin Zegers, Lena Headey, Kevin Durand, Aidan Turner, Jemima West, Godfrey Gao, Jared Harris, Jonathan Rhys-Meyers…
Genre : Fantastique/Aventure/Adaptation
Date de sortie : 16 octobre 2013
Le Pitch :
Clarissa « Clary » Fray, quinze ans, vit heureuse à Brooklyn, toujours ignorante du regard amoureux de son meilleur ami Simon. Lors d’une soirée dans un club new-yorkais, elle assiste au spectacle effrayant commis de personnes vêtues de cuir noir qu’elle seule peut apercevoir. Quand sa mère disparaît, capturée par des créatures ténébreuses, Clary découvre un monde alternatif au sien, celui des Chasseurs d’Ombres et des Créatures Obscures, peuplé par des vampires, des loups-garous et des démons. Accompagnée par une institution de Chasseurs, Clary part à la recherche de sa mère, mais se retrouve vite tiraillée entre deux garçons : Simon, son ami d’enfance, et Jace, un mystérieux traqueur de monstres. Alors qu’elle lutte avec ses propres sentiments, Clary se verra confrontée à des révélations, en cours de route, qui pourraient bien changer son existence…
La Critique :
Et si Harry Potter et Twilight avaient eu un enfant ? Précédemment, on aurait pu dire que Harry Potter ressemblait plus à un ersatz des X-Men qu’autre chose, mais il semblerait que la bonne réponse serait simplement la progéniture malformée qu’est The Mortal Instruments : La cité des ténèbres. Pire clone du phénomène après-Twilight jusqu’ici, cette retranscription incompréhensible d’une série apparemment gigantesque de romans teenagers est tellement rembourrée par sa propre mythologie éléphantine que ses cousins prolixes, Sublimes Créatures et Les Âmes Vagabondes, pourraient passer comme minimalistes à côté.
Remplaçant la magie par la démonologie, ce métrage épuisant arrive à l’écran grâce au succès post-fanfiction de l’écrivaine Cassandra Clare, qui réécrit des ouvrages qui existent déjà pour déboucher sur quelque-chose de très, très similaire à des ouvrages qui existent déjà, suivant cette route sinueuse déjà tracée par Cinquante Nuances de Grey. Pour ce tour de manège, notre héroïne-apparemment-normale-à-la-destinée-héroïque-cachée-pour-son-propre-bien est une écolière de Brooklyn. Le Monde Secret Tout Près Du Nôtre est une guerre clandestine impliquant des mages dotés de pouvoirs-tatouages combattant les monstres habituels du fantastique urbain, avec les Néphilim en rab, le genre d’obscurité biblique qui intéressait seulement les geeks de la théologie et devient désormais le cliché le plus sur-utilisé du cinéma de genre de la dernière décennie.
Contrairement à beaucoup de ses semblables, The Mortal Instruments commence sans prologue, décidant tout bêtement de lâcher le spectateur illico-presto dans son monde sur-compliqué, et éjaculant ce qui serait sans doute sa meilleure scène d’action dans la première demi-heure. Mais ce n’est guère mieux, parce que le réalisateur Harald Zwart et sa scénariste Jessica Postigo Paquette étirent ensuite ce qui aurait pu être 90 minutes d’un petit film coquet de série B sur près de deux heures et demie de balivernes adolescentes sur-écrites, lâchant d’ énormes caisses d’exposition à propos de Chasseurs d’Ombres et des Terrestres et des Créatures Obscures et autres conneries qui n’intéressent personne, peut-être même le public qui attendait cette adaptation avec impatience.
Enfin, je dis adaptation, mais pas grand-chose ne semble avoir été « adapté » dans The Mortal Instruments ; comme avec la majorité des traductions littéraires sur grand écran, des chapitres entiers semblent avoir étés vomis sur le scénario, mot pour mot, non digérés. D’une manière qui ne rappelle nul autre que Matrix Reloaded, on nous inflige scène après scène de mauvais acteurs rivés sur-place en train d’expliquer l’intrigue entre eux, modulant le marathon verbal avec des outils narratifs inutilement compliqués, comme des flashbacks, des rituels de souvenirs et des chasses au MacGuffin. Quand l’ennui devient trop affligeant, on peut respirer avec des scènes d’action incohérentes qui se déroulent toutes dans des décors étroits et mal éclairés, avec la présomption que le spectateur est censé savoir tout ça en entrant. Perso, j’ai déclaré forfait à partir du moment où l’on parlait de portails inter-dimensionnels et comme quoi Jean-Sébastien Bach était un Chasseur d’Ombre.
Même si certains affirmeront le contraire, il y a des échos de la saga Twilight dans tout ça, avec des loups-garous moches en effets de synthèse, des parties de piano romantiques et des séquences imbéciles de baisers sous la pluie et les paroles affreuses de chansons émo-pop. La différence fondamentale, cependant, c’est que dans Twilight, tout le folklore vampirique que Stéphanie Meyer a pris un plaisir à massacrer n’était rien d’autre qu’une trame de fond, de la poudre aux yeux pour ne pas s’écarter des cours magistraux vaguement psychopathes sur l’abstinence entre Edward et Bella. Mais The Mortal Instruments fait l’erreur d’assurer que c’est cela qui nous intéresse, et blablate incessamment sur les symboles et les potions et les Coupes Mortelles au point où le verdict est encore à donner si le récit lui-même a véritablement commencé. Bordel, c’est pas comme ça qu’on raconte une histoire – il faut tisser les explications dans la couture de l’intrigue, pas nous balancer une encyclopédie à la gueule façon La Menace Fantôme.
Cette avalanche gargantuesque de mythologie finit par engloutir le film lui-même dans un troisième acte monumentalement stupide, où des révélations qui ont apparemment fait controverse dans le bouquin s’empilent les unes après les autres, tandis que l’action implose dans un marasme de combats informes d’épées et de monstres qui donnent l’impression de vouloir recréer une version réduite des batailles souterraines dans La Communauté de l’Anneau, avec moins de caméras et un dixième du budget. Même Jonathan Rhys-Meyers déboule sur scène.
Tous les personnages remplissent le rôle qui consiste à nous informer de ce qui se passe, donc il est difficile à trouver de l’amusement à regarder des acteurs habillés en cuir Schumacher réciter platement des dialogues râleurs. Lena Headley apparaît pendant deux minutes pour nous rappeler qu’elle jouera encore dans des films de genre à l’avenir, tandis que Lily Collins est très jolie et puis c’est tout. Beaucoup de bruit a été fait sur le beau-gosse Jamie Campbell Bower dans la peau du maussade encapuchonné au centre du triangle amoureux obligatoire – ou plutôt le visage du beau-gosse Jamie Campbell Bower, puisque c’est avec ça qu’il regarde longuement dans le vide. Un bon visage pour la science-fiction d’ailleurs, mais pas ici.
Seul Robert Sheehan laisse une vague impression. Luttant du bout des lèvres avec un accent américain, le Misfit irlandais semble aussi paumé que nous, fermant la marche durant les batailles encombrées et les régurgitations verbales comme un traînard déboussolé, toujours prêt avec cette question révélatrice: « Qu’est-ce qui se passe ? »
@ Daniel Rawnsley
Crédits photos : UGC Distribution