Les autres années, j avais toujours de bonnes ou mauvaises raisons qui expliquaient mon absence à cette soirée, optant alors en compensation pour la soirée de remise du prix et/ ou celle de cérémonie d'ouverture.
Je n'avais donc jamais eu l'occasion de voir cette tradition si chère à Thierry Frémeaux, qui veut qu'une grande partie des artistes invités viennent sur scène déclarer ouvert le Festival, et j'avoue que ce moment vaut son pesant d'or ( cette année, deux "prises" ont été nécessaires, la première version étant jugée par Frémeaux -et le public- un peu trop molle).
Certes, étant continuellement à la bourre (c'est cela lorsqu'on veut à tout prix rentabiliser le moindre seconde de son si précieux temps), j'ai pris place tout en haut de l'immense
Toutes ces stars (Belmondo, accompagné de son fils Paul et de sa célèbre chienne Chippie, mais aussi Jean Pierre Marielle, Jean Rochefort, ses amis, avec qui il a débuté et puis d'autres acteurs très connus comme Daniel Auteuil, Richard Berry, Pierre Richard, Clotilde Courau, Mélanie Thierry (dont on devinait sur grand écran le ventre rebondi ), Irène Jacob, Richard Anconina), on les attendait plus ou moins pour la cérémonie d'ouverture.
La seule star dont on ne doutait pas la présence dès ce lundi fut Quentin Tarantino,le prix Lumière himself, attendu seulement mercredi et qui avait avancé son arrivée spécialement pour l’occasion (et Frémeaux n'était pas mécontent de l'effet de surprise qu'il a occasionné grâce à cette venue anticipée).
Il faut dire que Quentin T. apprécie particulièrement Bebel, et ne s'est pas privé de le clamer haut et fort au micro, dans un discours qui prouve le talent d'écriture du bonhomme: "Quand j’ai découvert "A bout de souffle", j’ai remarqué un jeune comédien qui se tenait devant un poster d’Humphrey Bogart. Il rêvait sans doute de prendre sa place. Les vingt années qui ont suivi, d’autres garçons, moi y compris, ont contemplé à leur tour des affiches avec Jean-Paul Belmondo en espérant être lui. De la Nouvelle Vague aux films noirs, il a tout fait. Même ses cascades, et bien avant Jackie Chan. Son nom, Belmondo, ne définit pas seulement un homme et une star. C’est aussi un verbe qui signifie vitalité, charisme, esprit et super "coolattitude" "
Ce si vibrant hommage (notons le néologisme de "coolattitude" inventé spécialement par Tarantino), émis, belle ironie du sort, par un des metteurs en scène le plus cool du monde, ne pouvait que toucher la corde sensible de Bébel, comme l'a fait également la superbe vidéo/ montage( qu'est qu'ils sont bons pour ce genre de clip, l'équipe de Lumière, je me le dis tous les ans!), qui retraçait les temps forts de sa carrière un parcours d’exception.
Car si Belmondo a joué dans des nanars au début des années 80 où il accumulait les cascades sans aucun scénario derrière, c'est aussi Pierrot le fou, le Doulos, l'Homme de Rio, ( cf ma chronique ici même), orsalino et évidemment , pour le fan de Lelouch que je suis, l'énormissisme "Itinéraire d'un enfant gaté" que j'ai du voir 10 fois en deux ans ( je sais que je vais en agacer plus d'un avec cette affirmation, j'assume)!!
Tout ces films et ce parcours hors du commun, Thierry Frémaux, ce formidable et toujours aussi passionné maître de cérémonie, n'a pas pas manqué de le rappeller. Et encore plus survolté que Frémeaux , l'immense ( dans tous les sens du terme) Bertrand Tavernier, Président de l'Institut Lumière, et toujours aussi fringant, n'a pas manqué de nous narrer plein anecdotes truculentes et drôles qu'ils avaient du temps où Tavernier était attaché de presse sur les premiers films de Bebel.
Bien handicapé depuis son accident vasculaire cérébral survenu il y a plus de dix ans, Jean-Paul Belmondo, visiblement très ému, a alors dit juste quelques mots au micro : "Je voudrais remercier tous ceux qui ont fait un hommage pareil, c’était formidable". Evidemment, les difficultés d'élocution évidentes qu'il avait du surmonter pour énoncer ces quelques mots tranchaient énormément avec l'image du jeune fringant vu sur grand écran quelques minutes avant, mais cela rajoutait forcément à l'émotion ressenti par les 4500 spectateurs de la Halle Tony Garnier. Le public du reste ne s'y est pas trompé, et beaucoup étaient en larmes pour lui rendre l'ovation qu'il méritait amplement.
Un public, dont votre humble serviteur, qui a ensuite, plus d'1 h 30 après le début de la cérémonie, assisté à la projection d’Un singe en hiver (1962), d’Henri Verneuil, sous-titré en anglais pour Quentin Tarantino et quelques autres producteurs et cinéastes américains (un sous titrage absente de la première projection, ce qui a entrainé une interruption au bout de 10 minutes de film) .
Tiré du roman éponyme d’Antoine Blondin, Un singe en hiver a été réalisé par Verneuil en 1962 d’après un scénario de François Boyer et des dialogues de Michel Audiard. Le film, énorme succès à sa sortie, a certes été multi-diffusé à la télévision française, mais j'étais toujours passé à coté, en me disant, avec ce genre d'a priori qu'on a toujours un peu, que ce genre de cinéma n'était pas pour moi.
Un singe en hiver . . .
Or, après avoir mis quelques minutes à rentrer dedans ( Gabin en ivrogne cabotine quand même énormément, il faut être client de ce genre de jeu) , ce Singe en Hiver m'a totalement conquis. Conquis par les dialogues vraiment épatants d' Audiard (pas forcément ma tasse de thé au départ, je ne suis pas de ceux qui ont revus 15 fois Les Tontons Flingueurs), et par ce lien d'amitié entre ces deux personnages qui se retrouveront par cette même solitude et cette même façon de s'évader par l'alcool.
Je ne sais pas pourquoi mais, avant la projection, j'imaginais ce film comme un film outrancier, pétaradant ( comme certains autres films de Bebel) avec plein de cascades et d'action, or il n'est en rien, il ne se passe pratiquement rien dans ce Singe en Hiver, mais c'est ce presque rien qui est beau, et certaines scènes ( le feu d'artifice sur la plage, le retour dans le restaurant chinois...) sont pleines de poésie et de tendresse typiques de ce cinéma des années 60-70, et qui ont contribué à faire de cette projection un ravissement qui prolongeait l'enchantement de cette magnifique soirée hommage à cet immense acteur qu'est Jean Paul Belmondo.
A noter que ce singe en hiver a été restauré et numérisé à l’initiative de l’ayant-droit Roissy Films par le laboratoire Digital Factory avec le soutien du CNC, et que la copie est absolument magnifique . Et pour la première fois depuis longtemps, il sera à nouveau disponible pour les
Et à noter également un très beau livre qui figurait dans ma PAL depuis pas mal de temps et que j'ai lu dans le métro, dans le prolongement de cette soirée de lundi dernier, intitulé " La Bande du conservatoire" ( publié chez Sonatine, dont j'ai déjà parlé hier), du nom de l'école dans laquelle a débuté Belmondo en personne.
En effet, ce livre, de Philippe Durant ( dont j'avais déjà beaucoup aimé son livre Les Elephants qui parlait plus du cinéma des années 70), revient justement sur ses débuts, à l'aube années 50, mais également des débuts de tous ces jeunes acteurs de la même génération ( Marielle, Rochefort, les mêmes dont j'ai parlé au début de mon billet, mais aussi entres autres Bruno Crémer et Claude Rich ) , qui deviendront pour toutes ou presques, de grandes stars du cinéma francais quelques décennies plus tard, et qui ont porté un courant d'air frais sur le Conservatoire National d'Art Dramatique, la très prestigieuse école française de comédiens.
Cet ouvrage est un témoignage assez saisissant sur ce qu'est vraiment une école d'acteurs, on rentre de l'intérieur un peu comme une Star Academy à la différence près qu'il y a là que des gens talentueux!
Truffé d'anecdotes amusantes et passionnantes, ce très beau témoignage sur cette école mythique est également ouvrage très documenté et plaisant à suivre, m'a bien fait prolonger l'ambiance entre nostalgie et déconne de cette si belle soirée d'ouverture du Festival Lumière (un festival qui attaque sa dernière ligne droite ce week end, mais j'y reviens bientôt sur la suite des évènements que j'ai pu suivre là bas).