Budget 2014 : toujours pas de baisse des dépenses
Publié Par Yann Henry, le 18 octobre 2013 dans Économie générale, FiscalitéLe budget 2014 ne laisse apparaître aucune réelle réduction des dépenses, même si le rythme de l’augmentation diminue tout de même.
Par Yann Henry.
Les ministres de l’Économie, Pierre Moscovici, et du Budget, Bernard Cazeneuve.
On s’en souvient, le mercredi 25 septembre dernier, le projet de loi de finances pour 2014 (PLF 2014) était présenté en conseil des ministres à Jean-Marc Ayrault par Pierre Moscovici (ministre de l’économie et des finances) et Bernard Cazeneuve (ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget).
Le gouvernement avait alors auparavant largement communiqué sur un « effort de redressement » de 18 milliards d’euros, dont 15 milliards d’économies nouvelles et 3 milliards de recettes. Les 15 milliards d’euros d’économies étaient censés être répartis à hauteur de 9 milliards pour l’État et de 6 milliards pour les régimes sociaux (5,8 milliards finalement).
Pour l’État, les 9 milliards d’euros d’économies se répartissent ainsi :
- 3,3 milliards sur les concours aux opérateurs, les collectivités locales et le budget européen
- 2,6 milliards sur les dépenses de fonctionnement
- 2,6 milliards sur les dépenses d’investissement et d’interventions
- 0,5 milliard sur les intérêts de la dette souveraine
Les 3 milliards d’euros de recettes supplémentaires seraient obtenus pour 1 milliard par des impôts nouveaux et pour 2 milliards par un renforcement de la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale. Malheureusement, ce calcul semble ignorer totalement les 10 milliards d’euros de hausse pesant sur les ménages l’an prochain :
En examinant le PLF 2014, on se rend compte qu’il n’y aura pas de baisse des dépenses, contrairement à ce qui peut être compris et relaté dans les médias. Quand le gouvernement parle d’économies, il compare l’évolution des dépenses constatée par rapport à l’évolution « tendancielle ». Si les dépenses augmentent moins que prévu, alors l’écart constaté est considéré comme une économie. La dépense publique augmentera en fait de 5 milliards d’euros en volume, au lieu de 20 milliards si aucune mesure d’économie n’était prise. Il y aura donc en fait une augmentation de 0,5% en volume, c’est-à-dire en plus de l’inflation (prévue à 1,3% en 2014), ce qui sera certes un peu moins que les +2% constatés en moyenne ces dix dernières années. Pierre Moscovici ne manque d’ailleurs pas de souligner que « cela revient à diviser par quatre le rythme d’évolution de la dépense publique ! »
Le phénomène est identique pour l’État, pour qui 9 milliards d’euros d’économies sont annoncés. Bercy estimant pour 2014 l’évolution tendancielle des dépenses de l’État (hors Sécurité sociale) à un peu plus de 7 milliards d’euros, la baisse ‘réelle’ s’établit ainsi en 2014 à 1,5 milliard. Ce qui est « inédit sous la Ve République », ont insisté Pierre Moscovici et Bernard Cazeneuve.
Mais le ministère des finances a ici utilisé une autre astuce pour gonfler artificiellement l’économie : il a surestimé la hausse tendancielle. Ainsi, Bercy estime pour 2014 la hausse tendancielle à 7 milliards d’euros, alors que la Cour des comptes l’évalue à 6 milliards. L’an dernier, l’écart était encore plus important (10 milliards d’euros pour Bercy contre 7 milliards pour la Cour des comptes).
Par ailleurs, le gouvernement communique sur une évolution des dépenses hors charges de la dette et pensions. Si l’on veut mesurer l’effort de maîtrise des dépenses du gouvernement, on peut comprendre la logique de l’exclusion de l’assiette de la charge de la dette (le gouvernement n’a aucun pouvoir pour fixer directement les taux d’emprunt). Mais à ce moment là, pourquoi inclure une baisse de cette même charge de la dette dans le périmètre des économies sur la dépense publique (0,5 milliard d’euros) ?
Il est également critiquable de traiter les pensions comme les intérêts de la dette, c’est-à-dire comme si le gouvernement n’avait aucune prise dessus. En effet, il y a eu récemment une (mini-)réforme des retraites pour laquelle le gouvernement avait l’option de ralentir la revalorisation des pensions. Il n’a certes pas retenu cette option, mais il avait la possibilité de le faire.
De plus, la baisse de 1,5 milliard apparaît comme fictive quand on étudie en détail le PLF 2014 :
PSR : prélèvements sur recettes
On s’aperçoit en effet que ladite baisse est obtenue en excluant les 12 milliards d’euros du programme d’investissements d’avenir (PIA).
Il est également à noter que 6,7 milliards d’euros d’événements exceptionnels de 2013 ont disparu : baisse des dépenses du Mécanisme Européen de Stabilité (MES) pour 3,3 milliards, contrecoup de 1,6 milliard des dépenses pour la Banque Européenne d’Investissement (BEI) et 1,8 milliard suite à la hausse exceptionnelle du prélèvement sur recettes au profit de l’Union Européenne. Là aussi, on peut comprendre la logique de l’exclusion des éléments exceptionnels, mais quand il y en a chaque année, et qui plus est quand leur montant progresse, il serait plus logique de les prendre en compte. Et même en admettant un instant que l’on puisse les exclure, pourquoi alors comparer 2013 avec événements exceptionnels à 2014 sans événement exceptionnel ?
Le budget 2014 ne laisse encore apparaître aucune réelle réduction des dépenses. Le rythme de l’augmentation diminue tout de même sensiblement, mais cela ressemble plus à un choix subi pour cause de croissance anémique que délibéré.
Les artifices utilisés sont nombreux pour tenter de montrer la réalité du sérieux budgétaire. Ces efforts sont sans doute destinés à la Commission européenne, qui a donné récemment au gouvernement français un nouveau sursis de deux ans pour faire passer le déficit public sous la barre des 3%. Apparemment ces efforts semblent avoir porté leurs fruits puisque celle-ci a salué le sérieux budgétaire de la France. J’avoue pour ma part être beaucoup moins convaincu que Bruxelles.
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Publié initialement sur 24hGold.