17 octobre 2013
C’est un monumental ouvrage que nous livrent les auteurs : seule une connaissance intime et exhaustive de la civilisation soviétique peut permettre une telle fresque sur le terrible XXème siècle de l’URSS, en même temps que ces analyses fines qui rétablissent la vérité souvent travestie par les censeurs.
Le Maréchal soviétique qui, le 8 mai 1945, a reçu la reddition allemande est auréolé d’une gloire légitime. Même si, comme l’a dit l’un des fils de Dwight EISENHOWER, « le vainqueur de ce conflit a été le simple soldat russe », JOUKOV a symbolisé la victoire sur le nazisme : il l’a payé cher, faisant l’objet, de la part de Staline et de ses médiocres successeurs (KROUCHTCHEV notamment) d’une constante méfiance : n’allait-il pas remonter sur son cheval blanc pour prendre le pouvoir, tel un Bonaparte russe ?
Il semble bien qu’il ait été plus animé par le sens du devoir que par l’ambition politique : depuis le petit sergent fils de cordonnier de village jusqu’au Maréchal en charge de commander à Stalingrad et devant Berlin, JOUKOV est d’abord un perfectionniste : il se forme et veille à la qualification des troupes, sujet sur lequel il sera toujours insatisfait, la Russie étant ce qu’elle est.
Il subit sans broncher les humeurs menaçantes et fluctuantes du «Vojd», c’est a dire du «Guide» (Staline), ainsi que les intrigues du Haut Etat-major : lui-même est-il indemne de coups montés ? Les auteurs soulignent que JOUKOV n’est pas un saint : il sait être brutal et dépense sans compter les hommes qui lui sont confiés.
Le livre est riche de détails sur cette machine à broyer que fut la guerre germano-soviétique de 1941-45 : il montre comment Staline a méthodiquement détruit, en 1937, la meilleure partie de ses cadres militaires, derrière TOUKHATCHEVSKI, le théoricien, comme GUDERIAN, de GAULLE et LIDDELL HART, de la guerre des blindés. Il donne des chiffres sur l’état des forces en 1944, quand les Soviétiques entrent en Pologne : 500.000 Allemands contre 1.200.000 Soviétiques, 500 chars contre 4000, et 600 avions contre 5.300.
Enfin, il nous fait profiter de l’ouverture des archives de l’est, contredisant les Mémoires officielles avec les carnets de rendez-vous de Staline, désormais disponibles.
Un excellent livre pour tous ceux que passionne la Seconde Guerre mondiale.
Joukov, L'homme qui a vaincu Hitler, biographie de Jean Lopez et Lasha Otkhmezuri, Perrin, 778 pages, 28€.