Après toutes vos aventures hilarantes dans le couloir, à attendre que l’enseignant daigne vous recevoir, le moment tant attendu arrive, c’est votre tour! Vous foncez, emportant tout sur votre passage, poussette en avant, au cas où il changerait d’avis et déciderait brusquement de faire une pause thé. Évidemment après toutes vos pérégrinations, vous êtes en nage, le bébé est surexcité et veut participer à la conversation, bref, non seulement vous allez l’air d’une hystérique échevelée, mais vous n’êtes pas du tout prête au jouer le rôle de la mère parfaite qui se réjouit des progrès spectaculaire de son génie en trampoline. Ça suffit assez rigoler comme ça, il vous fait du concret!
Vous risquez d’être déçue: votre enfant est remarquable! C’est toujours agréable à entendre, mais j’en suis à une bonne vingtaine de meetings différents, ça ne prend plus. C’est en effet la règle. Les enseignants ne vous diront que des choses positives. Certes, votre génie est bon camarade et à fait des progrès phénoménaux en chant, mais qu’en est il de ses résultats scolaires? Les notes sont assez confuses pour un parent français, c’est généralement 5b ou 3a. Il ne s’agit pas d’une bataille navale, mais de niveaux de compétence par matière. Et les enseignants n’ont pas le droit de vous parler des autres enfants, donc pas moyen de savoir si le votre s’en sort bien ou pas, puisque ce serait par comparaison. Je ne sais pas si c’est bien clair? On va s’émerveiller sur la politesse ( évidemment, je leur ai appris à dire bonjour, il me prend pour qui, cet instit!) de vos chérubins, sur la tenue de leur cahiers ( euh, ça avec l’ado je n’ai jamais eu!), et leur participation active à la grande fresque murale dans la cour. Merveilleux, mais si par hasard on espère une autre carrière que peintre en bâtiment pour nos enfants? C’est l’école, pas le centre aéré ( d’ailleurs, ça n’existe pas ici), parlons lecture, math, grammaire, science…
Ne croyez pas que les réticences de l’instit à parler de sujets académiques soient dues aux résultats de votre enfant. C’est plus par habitude. Depuis la fin des années 70 sont apparues en Angleterre toute une série de théories sur l’enseignement, qui prônent la mise en valeur de l’élève. Finies les notes sanctions, les critiques, les punitions, et place à l’encouragement permanent , la valorisation des progrès et des comportements. C’est au départ plein de bon sens et efficace. Malheureusement, poussé à l’extrême, cela a eu de nombreux effets pervers. Comme l’enseignant va féliciter l’enfant perturbateur, paresseux ou nul quant il ne tape sur personne pendant une demi journée, pond péniblement une ligne de rédaction, ou réussit à écrire son nom sans faute à 8 ans, les autres enfants comprennent que pour recevoir un bon point, un certificat ou juste un compliment, il suffit de les imiter, et donc arrêtent de travailler. Non seulement les enfants dissipés ne se sont pas calmés, mais les enfants sages et travailleurs ont été découragés. Je n’exagère malheureusement pas: un de mes fils qui a toujours adoré l’école, ne voulait plus y aller l’année dernière. Je suis aller voir l’instit, qui m’a répondu:"comme il travaille bien, a de bonnes notes et ne met pas le bazar, on l’a mis au fond et on ne s’en occupe pas". Avec ma bonhommie légendaire de française, j’ai failli incendier l’école! La situation est rentrée dans l’ordre rapidement, mais ça m’a quelque peu contrarié….
Aujourd’hui, les enseignants sont incités à revenir à un juste milieu. Il ne s’agit pas de punir à tout va, mais de continuer à encourager tous les enfants tout en faisant respecter la discipline et en valorisant les efforts académiques de tous, y compris ceux qui travaillent bien! C’est beaucoup plus positif que dans mes souvenirs d’école en France, où l’on faisait des lignes ( ça c’est éducatif!) et où l’on nous remettait les dictées par ordre décroissant des notes, en clamant devant toute la classe : "Pomdepin, zéro, c’est nul ma pauvre fille, vous n’arriverez à rien dans la vie!" Je romance bien sur…je n’avais pas encore de pseudo!