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Etats généraux du droit de l'environnement : une feuille de route hors sujet (AEF-DD)

Publié le 16 octobre 2013 par Arnaudgossement

EGDME Logo.pngL'Agence de presse AEF DD a bien voulu m'interroger sur le projet de feuille de route des Etats généraux de la modernisation du droit de l'environnement qui a été soumis hier, en présence du ministre de l'écologie, aux membres du Comité national de la transition écologique. Avec l'aimable autorisation d'AEF DD que je remercie je reproduis ci-après le texte de cet entretien.


Dépêche n° 17953

Domaine : Énergies et Environnement 
Reproduction et diffusion interdites sans autorisation écrite de AEF

URGENT. Droit de l'environnement : Arnaud Gossement dénonce une feuille de route « hors sujet » et « creuse »
Le projet de feuille de route des états généraux de la modernisation du droit de l'environnement est « hors sujet » et « creux », dénonce auprès d'AEF Arnaud Gossement, membre du comité de pilotage de cette instance. Il s'exprime mardi 15 octobre 2013, jour où le document, finalisé la veille, doit être présenté au CNTE (Conseil national de la transition écologique). Son contenu « démontre les fortes résistances au dialogue environnemental » et les « forts conservatismes » d'une partie de l'administration du ministère de l'Écologie, du Développement durable, et de l'Énergie, analyse l'avocat. « On est en train de transformer les états généraux en un processus permanent d'accompagnement de l'administration, alors que cela devrait être un processus borné dans le temps pour débattre de solutions concrètes. »
Le projet de feuille de route prévoit de créer plusieurs groupes de travail : sur les études d'impact et l'autorité environnementale, le schéma régional unique, l'élaboration d'une charte des usagers du droit de l'environnement, la sécurité juridique, et le contrôle et la répression des atteintes à l'environnement. Il renvoie en revanche la création de trois autres groupes de travail à l'examen du CNTE sur « la structuration du droit de l'environnement », les enquêtes publiques et le renforcement de la protection de la biodiversité.
AEF : Pouvez-vous rappeler quel est l'objectif des états généraux de la modernisation du droit de l'environnement, et expliquer pourquoi, selon vous, le projet de feuille de route qui doit être examiné en CNTE n'y répond pas ?
Arnaud Gossement : L'objectif de la phase deux des états généraux a été fixé d'abord par Delphine Batho le 25 juin (AEF n°17118 <http://www.aedd.fr/public/fr/abonne/depeche/depeche_detail.php?id=17118&ea=cef21550e0a5b5764069e7f97f4a3875> ), et repris ensuite par Philippe Martin par une communication en conseil des ministres le 17 juillet et par sa lettre ouverte à FNE le 4 octobre : le but, très clair, est de structurer le dialogue environnemental et d'améliorer ainsi les conditions de fabrication du droit. Les ministres ont ainsi repris l'objectif du président de la République de hausser le dialogue environnemental à la hauteur du dialogue social. On peut ajouter deux sous-objectifs : simplifier le droit environnemental tout en n'abaissant pas le niveau d'exigence environnementale.
AEF : La feuille de route ne permet pas d'organiser ce dialogue environnemental ?
Arnaud Gossement : La feuille de route est hors sujet. Son introduction évoque bien le dialogue environnemental, puis celui-ci disparaît ! On peut d'ailleurs remarquer que les membres du CNTE n'ont reçu le projet qu'hier soir pour une réunion tenue aujourd'hui. Or je n'accepte pas qu'il soit envoyé la veille alors que la première phase s'est achevée le 25 juin.
Toujours sur la forme, la feuille de route n'explique absolument pas comment vont être organisés les groupes de travail : qui va piloter ? Est-ce l'administration ou le CNTE qui choisira les membres ? Comment vont-ils travailler ? Pourquoi plusieurs groupes de travail et non un seul ? Et quel sera le point d'arrivée : un rapport qui finira au fond d'un tiroir ou des recommandations concrètes ? Quelles seront les garanties procédurales ? La feuille de route ne s'applique pas à elle-même ce qu'elle est supposée mettre en oeuvre, alors qu'elle devrait être exemplaire.
Je formule une autre critique sur la forme, à propos des 800 contributions que nous avons reçues. Je ne vois rien dans le document sur ce matériau très riche et la manière dont il va être exploité.
AEF : Qu'est-ce que ces problèmes de forme disent sur le fond ?
Arnaud Gossement : Cela montre qu'on est en train de transformer les états généraux en un processus permanent d'accompagnement de l'administration, alors que cela devrait être un processus borné dans le temps pour débattre de solutions concrètes.
AEF : Certains comme Michel Prieur ont craint un mouvement de dérégulation du droit de l'environnement. Pour vous, ce n'est pas cela qui est en jeu ?
Arnaud Gossement : Le principal problème de cette feuille de route n'est pas la dérégulation mais le vide ! Certaines personnes se satisfont de la situation actuelle et ne souhaitent pas qu'elle évolue. Effectivement, la simplification à courte vue est un risque. Mais en réalité, la feuille de route ne prévoit rien en ce sens. Elle réduit le champ de la simplification à une expérimentation. Il y aura bien un groupe de travail, mais il ne fera que le suivi, une fois l'expérimentation lancée ! Il deviendra une chambre d'enregistrement au lieu de discuter des modalités via une gouvernance à six.
Pour ma part, j'appelle de mes voeux des mesures de simplification, en particulier pour le régime d'autorisation. Il vaut mieux cela plutôt que d'en sortir pour aller vers l'enregistrement, comme cela a été le cas pour les élevages porcins. Si l'on ne simplifie pas le droit de l'environnement, ce sera un prétexte pour le démolir.
AEF : Vous dites que « certaines personnes » sont contre les états généraux. Lesquelles ?
Arnaud Gossement : Une partie de la haute administration. Par son ensemble, il y a des gens formidables dans ce ministère. Mais il y a aussi une culture d'une partie qui consiste à se satisfaire d'une absence de dialogue environnemental. Certains disent aux écolos : « on ne peut rien faire à cause des industriels », et disent aux industriels : « on ne peut rien faire à cause des écolos ». Cela leur permet de garder le pouvoir et favorise les conservatismes.
AEF : Si la feuille de route est « creuse » et « hors sujet », cela signifie-t-il qu'elle n'est pas dangereuse ?
Arnaud Gossement : Elle est un danger : en n'organisant pas le dialogue environnemental, on revient au lobbying classique, comme avec les élevages porcins


AEF : Que souhaitez-vous ? La réécriture de la feuille de route ?
Arnaud Gossement : Je suis attaché à ce qu'elle soit coélaborée avec le CNTE (Conseil national de la transition écologique). Elle doit donc être repoussée en l'état.
AEF : Allez-vous quitter le comité de pilotage des états généraux ?
Arnaud Gossement : Ma position est très simple, le ministre m'a donné une liberté de parole et je l'en remercie : soit le CNTE avalise la feuille de route, et j'en tirerai les conséquences en quittant le comité de pilotage. Soit elle est repoussée par le CNTE,et le ministre devra prendre des décisions. Cela peut signifier une nouvelle organisation.


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