Les Etats généraux de la modernisation du droit de l'environnement ont vocation à être un processus transparent et ouvert. Ils ont pour but de faire murir le dialogue environnemental. Il serait paradoxal que les Etats généraux ne soient pas eux-mêmes exemplaires en la matière. Le politique et les acteurs de la gouvernance à six ne peuvent être dessaisis de la question de l'élaboration du droit de l'environnement. De ce point de vue, le projet de feuille de route diffusé aux membres du Conseil national de la transition écologique est très insuffisant et doit être amendé.
La première phase de ces Etats généraux qui s'est achevée le 25 juin par un grande réunion plénière au Muséum d'histoire naturelle, en présence de la Ministre Delphine Batho, a révélé des consensus possibles sur la modernisation du droit de l'environnement et un enthousiasme de tous les acteurs pour avancer, dans le respect strict des principes du dialogue environnemental.
Cet enthousiasme, en tant que membre du comité de pilotage, j'estime en être comptable. Une réduction de l'ambition n'est pas acceptable.
Le 25 juin, la Ministre de l'écologie a annoncé une feuille de route pour organiser la deuxième phase des Etats généraux de la modernisation du droit de l'environnement avec un objectif : structurer le dialogue environnemental, c'est à dire améliorer les conditions de fabrication de ce droit fondamental pour notre avenir qu'est le droit de l'environnement. Améliorer : simplifier les procédures, assurer la réalisation des objectifs de protection, rendre le droit plus clair, plus lisible et strictement appliqué.
A peine nommé, le Ministre de l'écologie, Philippe Martin a confirmé la poursuite des Etats généraux et a demandé une feuille de route au Comité de pilotage. Lors de la conférence environnementale, le Premier ministre a qualifié les Etats généraux de la modernisation du droit de l'environnement d'"étape essentielle". L'enjeu est important.
Pourtant, un projet de feuille de route très insuffisant a été transmis, la veille, aux acteurs du Comité national de la transition énergétique qui n'ont donc eu que peu de temps pour parcourir ce document.
Refusant cette manière de faire, le Ministre de l'écologie a imposé un délai supplémentaire pour permettre enfin aux membres du CNTE de s'exprimer et de faire part de leurs observations. Hier, lors du CNTE, les réactions à ce projet sont allées de la déception au rejet. Un consensus s'est exprimé sur la nécessité de corriger ce projet et d'associer réellement le CNTE à ce processus de modernisation. Un consensus s'est également fait jour sur le fait que d'autres chantiers se sont tenus ou sont en cours et qu'il faut en tenir compte.
J'ai décidé d'utiliser ma liberté de parole car je considère que ce débat intéresse le plus grand nombre et ne peut avoir lieu confidentiellement. Ancien acteur du Grenelle de l'environnement dans lequel je me suis pleinement investi, je suis plus que tout attaché à un dialogue environnemental apaisé, sincère et fructueux où tous les acteurs peuvent réellement et utilement s'exprimer. Un retour en arrière n'est pas possible.
Alors que l'objectif de cette feuille de route est le dialogue environnemental, rien n'est prévu pour le structurer vraiment. Au delà de quelques considérations générales sur la complexité du droit, rien n'est dit sur la méthode. Le risque est alors le suivant : que l'essentiel ne soit pas traité entre acteurs de la gouvernance à six mais ailleurs.
Cette feuille de route peut-être encore profondément corrigée. Notamment pour les motifs suivants.
A première lecture, ce document comporte une introduction assez enlevée et des objectifs assez séduisants. A deuxième lecture, ce document révèle des manques importants et le fait que la concertation des acteurs n'aura en réalité lieu que sur un nombre extrêmement réduit de sujets.
Quelle méthode de travail ? La fonction première d'une feuille de route est d'indiquer à son lecteur quelle sera la méthode pour avancer. Malgré une introduction très prometteuse, la feuille de route se borne à prévoir la mise en place de quelques groupes de travail. Sur tous les autres sujets c'est l'administration seule qui décidera. Qui pilotera ces groupes de travail ? Qui en désignera les membres ? Qui restranscrira les débats ? Quel est le point d'arrivée de ces groupes ? Quelle articulation est prévue avec le CNTE ? Comment seront exploitées les 800 contributions écrites reçues au printemps ? Comment sont associés les élus ? La feuille de route passe sous silence tous ces points.
Il n'est pas besoin de multiplier les groupes de travail. Je n'y suis au demeurant pas favorable car je redoute toujours la découpe du débat. Plusieurs membres du CNTE ont évoqué la piste d'une commission spécialisée, étroitement associée au CNTE, qui traite les sujets les uns après les autres dans des délais raisonnables. Une piste à explorer en concertation.
Le refus de la simplification. De très nombreuses entreprises, surtout de petites et moyennes taille, nous ont écrit pour exprimer leur désarroi sincère face à une réglementation compliquée, parfois contradictoire, peu lisible et très instable. Ce sujet doit être mis sur la table. Je fais parti de ceux qui pensent que la simplification du droit de l'environnement n'est pas le contraire mais une garantie de son efficience. L'empilement des normes, la frénésie législative, la surcharge de textes ne rend service ni à la nature ni à l'économie.
Malheureusement, au delà de quelques considérations générales et non engageantes sur le sujet, la feuille de route réduit le chantier de la simplification à un groupe de travail qui aura pour tâche de suivre sur une expérimentation dont le cahier des charges aura été élaboré avant qu'il ne se réunisse.
Autre problématique : le refus du principe de non régression. Plusieurs associations et juristes en droit de l'environnement ont demandé un examen du principe de non régression. Non seulement la feuille de route refuse toute possibilité d'étude, de débat ou de groupe de travail sur ce principe mais, plus grave encore, en modifie sans concertation l'énoncé lui-même. Le principe de non régression devient ainsi un simple "principe de progrès". Le débat doit avoir lieu et chacun doit pouvoir s'exprimer.
Enfin, comment mieux élaborer le droit de l'environnement général ? Si le droit international de l'environnement est absent de la feuille de route, le droit de l'Union européenne - qui constitue l'essentiel des normes environnementales - est réduit à un simple travail administratif sans association des acteurs du CNTE. De même, les questions de participation du public, de démocratie environnementale, de concertation projet par projet, sont absentes et réduites, en dernière page à une simple proposition de groupe de travail sur la "modernisation des enquêtes publiques" lesquelles ... ont été modernisées en décembre 2011.
La feuille de route doit être détaillée et exposer notamment dans quelles conditions il sera tenu compte de ce qui a été déjà fait et de ce qui est en train de se faire : de nombreux projets de lois sont en cours d'élaboration ou d'examen.
Les 8 prochains jours doivent être mis à profit pour écrire aux membres du Comité de pilotage, aux membres du CNTE, au Ministre de l'écologie, pour proposer une modernisation ambitieuse et concertée du droit de l'environnement.
Un dialogue environnemental apaisé, complet et fructueux est encore possible.
Arnaud Gossement