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De Brignoles à Genève

Publié le 16 octobre 2013 par Copeau @Contrepoints
Analyse

De Brignoles à Genève

Publié Par Pierre Chappaz, le 16 octobre 2013 dans Politique, Suisse

Montée du FN en France, de l’UDC et du MCG en Suisse : revue des points communs et des différences.

Par Pierre Chappaz, depuis Genève, Suisse.

Le Pen Freysinger

Marine Le Pen, FN (France), Oskar Freysinger, UDC (Suisse).

Le FN a gagné dans le canton de Brignolles. À Genève, le Mouvement des Citoyens Genevois (MCG) et l’UDC, ont obtenu plus de 30% des voix aux premier tour des élections du 6 Octobre.

Mêmes causes, mêmes effets ?

La lutte contre l’immigration excessive et l’insécurité sont des priorités pour ces partis, des deux côtés de la frontière.

En France comme en Suisse, les électeurs de ces partis veulent aussi exprimer leur rejet du système. En Suisse comme en France, les médias de gauche tirent à boulets rouges contre « l’extrème-droite », ce qui ne fait que renforcer la détermination des électeurs qui suspectent, à juste titre, une connivence entre la presse et les partis traditionnels. Et puis, les Suisses romands regardent beaucoup les chaînes françaises, ce qui explique qu’ils soient à la fois plus à gauche que le reste de la Suisse, et plus sensibles aux thèses populistes.

À première vue, il y a bien des points communs entre la montée du FN en France, de l’UDC et du MCG en Suisse. Mais comme nous allons le voir, il y a aussi des différences, et elles sont intéressantes.

Immigration, insécurité, chômage

En France, l’immigration est arabe et africaine, attirée par le système social le plus dispendieux de la planète. Cette population musulmane ne s’intègre pas bien dans la société française, qui se pose des questions métaphysiques sur son « identité », tant elle a perdu ses repères et ses valeurs. L’idéologie dominante en France a même abandonné l’idée d’assimiler ces populations, assimilation est devenu un mot tabou. Les médias, et les politiques professionnels des partis « UMPS », préfèrent chanter en cœur la chanson de la « diversité ».

En Suisse romande, l’immigration ce sont les Français, nombreux autour du Lac, et aussi les Kosovars, réfugiés de la guerre des Balkans, et les internationaux (anglais, américains…) de l’ONU et des autres organismes basés dans la cité de Calvin. 60% des habitants de Genève ne sont pas Suisses. Sans compter les Français qui viennent chaque jour travailler à Genève, ces frontaliers contre lesquels lutte le MCG, soit 80.000 personnes.

Les frontaliers sont accusés pêle-mêle de prendre le travail des Suisses, de mettre la pression sur les salaires, et d’être responsables des embouteillages qui se sont beaucoup aggravés. Je ne prétends pas que ces problèmes n’existent pas. Vu l’écart des salaires entre la France et la Suisse, les frontaliers constituent pour les entreprises suisses une main d’oeuvre très bon marché, et en plus ils travaillent dur! L’afflux de travailleurs français explique sans doute que le taux de chômage à Genève, de 5%, soit supérieur à celui du reste de la Suisse, qui est de 3%. Ce n’est pourtant pas un drame, on reste bien loin du taux de chômage français (11% !).

En Suisse comme en France, une grande partie de la criminalité provient des étrangers. Plus de 90% de la population carcérale à Genève est étrangère, beaucoup de malfrats venus de France et notamment de la banlieue lyonnaise, qui viennent faire leurs courses dans la ville depuis que les frontières se sont ouvertes (lire sur mon blog la Suisse coincée par Schengen). La sécurité à Genève n’est plus ce qu’elle était.

Xénophobie et perte des valeurs

Habitant à Genève, je ne peux que constater la montée du sentiment anti-Français chez les Suisses. J’ai été confronté plusieurs fois à des insultes xénophobes au cours des dernières années. À chaque fois, cela m’a complètement décontenancé, parce que je me considère comme bien intégré. Comme beaucoup de Français vivant à Genève, je me sens presque plus Suisse que les Suisses. Si je vis ici, ce n’est pas seulement pour m’éloigner de l’hystérie qui règne en France, c’est parce que j’adhère profondément aux valeurs de la société helvétique, le respect, la confiance, l’ordre, le travail, la liberté et la responsabilité individuelle.

Je comprends le souci des Suisses de préserver leur identité, et je trouve qu’ils y arrivent plutôt bien, en premier lieu grâce à l’école qui intègre remarquablement les enfants d’étrangers, et en fait des citoyens respectueux de la société dans laquelle ils vivent. Les Suisses sont fiers de leur pays et de ses valeurs. Ici, vous pouvez mettre le drapeau national à votre fenêtre, cela ne surprendra personne. Ici, règne la démocratie directe, qui permet au peuple souverain de décider sur tous les sujets. La Suisse sûre de ses valeurs, et historiquement terre d’accueil (au moins depuis le temps de huguenots) aurait tort de s’abandonner à la tentation xénophobe. Elle est suffisamment forte pour maîtriser son avenir. À la différence de la France, elle est indépendante, ayant eu la bonne idée de se tenir à l’écart de la construction bureaucratique européenne.

En France, la situation est tout autre. L’école est incapable d’intégrer les enfants d’immigrés, la « laïcité » fait office de cache-sexe pour masquer la disparition quasi-totale des valeurs traditionnelles. Il ne reste que la « solidarité », ce guichet de distribution d’aides publiques en tous genres, qui arrose les étrangers en situation irrégulière autant que les nationaux. La France a honte de son drapeau, sauf quand une équipe black-blanc-beur remporte une coupe du monde. Et les Français sont ulcérés d’être gouvernés depuis des décennies par les mêmes énarques « UMPS » et les fonctionnaires bruxellois. Les politiques français mentent pour se faire élire puis se moquent de leurs électeurs. Quand ils consultent le peuple comme sur la constitution européenne, ils ne tiennent même pas compte de son opinion.

Je comprends donc aussi le souci des Français qui voudraient retrouver la liberté pour leur pays et rendre le pouvoir au peuple. Qui voudraient renouer avec les valeurs fondatrices : Liberté (individuelle et collective), Égalité (égalité des chances, et non pas égalitarisme), Fraternité (la vraie, celle qu’on choisit). Mais je ne crois pas du tout que le FN soit porteur de ces valeurs.

Défense de la souveraineté oui, mais comment ?

Les partis « anti-système », FN en France, MCG à Genève, et UDC dans toute la Suisse, opèrent dans un contexte politique différent, très consensuel et fédéral en Helvétie, clanique et centralisé dans l’Hexagone. Ils ont en commun la volonté de défendre les intérêts des indigènes, ce que je trouve respectable s’il n’y a pas de racisme ni de xénophobie. Mais ils se distinguent fortement par leur idéologie, conservatrice-libérale d’un côté, socialiste de l’autre.

À Genève, le MCG dérape quand il compare les frontaliers à une « épidémie loin d’être éradiquée ». Mais en pratique, son programme est plutôt modéré : préférence à l’embauche dans les administrations pour les résidents genevois, lutte contre « les exploiteurs des prestations sociales », rétablissement de l’enseignement de l’instruction civique et de l’histoire suisse dans les établissements scolaires, mais aussi promotion de « l’esprit d’entreprendre » dès l’école primaire.

L’UDC, le national-libéralisme

L’UDC, premier parti de Suisse (26% des voix), a un programme que je qualifierai de national-libéral. Il s’oppose à « l’immigration de masse » et milite pour l’expulsion des étrangers criminels (ce que le peuple a voté). Il veut des « institutions sociales solides grâce à la lutte contre les abus des faux invalides et autres fainéants ». Mais il défend aussi la démocratie directe, le fédéralisme, la subsidiarité, la propriété privée et la sphère privée, « contre un État tout-puissant et centralisateur ». Son programme économique insiste sur « plus d’économie de marché et moins de bureaucratie ».

Les deux partis suisses, qui étaient d’ailleurs unis aux élections précédentes à Genève, proposent donc une politique assez similaire, combinant la préférence nationale, et le libéralisme.

Le programme du FN : national-socialiste

Le FN français se distingue par son programme national-socialiste. À l’image de la société française, convaincue par les médias que ses maux proviennent de l’ »ultra-libéralisme » et de la mondialisation, Le Pen prône un État encore plus fort, l’arrêt de l’immigration et la priorité aux Français pour les prestations sociales, mais aussi un ensemble de mesures économiques de gauche : nouvelle tranche d’impôt sur le revenu à 46% (Hollande en a fait deux : 45% et 75%), augmentation de la fiscalité sur les dividendes (ça aussi, Hollande l’a fait), taxe supplémentaire de 15% sur les profits des grands sociétés (Hollande vient de décider 10%), échelle mobile des salaires, augmentation des revenus des salariés de la fonction publique, « sanctuarisation des participations publiques » dans les grandes entreprises de service public, protectionnisme, augmentation de 200 euros nets de tous les salaires jusqu’à 1,4 fois le SMIC, etc etc.

C’est ce programme national-socialiste qui explique pourquoi autant d’électeurs PS votent FN au second tour.

Que conclure ?

Ne soyons pas naïfs : les nations occidentales ne peuvent pas laisser leur porte grande ouverte à tous les malheureux, venus du monde entier. Les peuples européens ont bien raison de vouloir défendre leur mode de vie et leur identité. J’estime que les nouveaux venus doivent faire l’effort de s’intégrer, pour finalement s’assimiler à la population du pays dans lequel ils ont choisi de vivre.

Les pays sont en concurrence les uns avec les autres. Les gagnants seront ceux qui sont suffisamment sûrs de leurs valeurs pour rester unis, sans se refermer sur eux-mêmes. L’enjeu est de gagner des parts de marché, ce qui signifie aussi attirer sur son territoire non pas des personnes sans qualification, mais des entrepreneurs et des experts. Pour attirer les meilleurs, la qualité des infrastructures et de l’éducation sont importantes. L’attractivité fiscale également. Mais le plus important est sans doute la qualité de la vie, cette alchimie subtile qui fait qu’on est plus heureux dans une société harmonieuse.

On peut être à la fois conservateur, attaché aux valeurs et aux traditions, et libéral, regardant le monde avec un esprit de conquête. Malgré les crispations, la Suisse me semble suivre ce chemin. Je n’en dirait pas autant de la France, ou la seule alternative au système « UMPS » épuisé est un parti national-socialiste, qui veut rejouer le triste scenario des années 30.


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