TRAIL world tour, Via Francigena. Étape 1: à travers champs.

Publié le 15 octobre 2013 par Sylvainbazin

J'aperçois au loin les lumières des côtes françaises lorsque je démarre ma rédaction ce soir. Une fois n'est pas coutume,  c'est sur un bateau que j'écris.  Car bien entendu, après avoir relié Canterbury à Douvres, c'est sur un large ferry que j'ai entrepris de relier Calais, comme avait du le faire Sigeric,  l'archevêque anglais dont je reprends l'itinéraire, lorsqu'il s'était rendu de Canterbury à Rome au Xe siècle (il y a forte à parier que son embarcation était sans doute plus modeste).
Je suis donc parti ce matin devant la cathédrale où jadis officiait ce fameux Sigeric, qui à l'époque était encore un évêque catholique et qui était donc aller à Rome pour recevoir son ordination aau rang d'archeveque.  Aujourd'hui, l'évêque de Canterbury est le plus haut représentant de l'église anglicane, c'est lui qui couronne le roi ou la reine d'Angleterre, depuis que Henry VIII a fait cessation avec Rome pour pouvoir divorcer tranquillement. (Il avait même trouvé ensuite un moyen plus simple de divorcer en faisant couper la tête de ses épouses). Voilà pour un petit point historique qui explique l'origine de ce tracé particulier,  qui croise celui de milliers de pèlerins à travers les siècles.
Cela dit, aujourd'hui,  nous sommes encore peu nombreux à tenter de partir à pied de Canterbury à Rome et le chemin ne semble guère emprunté, en tous cas d'après ce que j'ai pu en voir aujourd'hui.
Mais je reprends du début le récit de cette première journée sur le chemin. Ce matin,  avant de m élancer,  j'ai pu faire une très belle rencontre qui lançait sur de bons rails mon entreprise.
Comme je l'espérait depuis qu'un communiqué de presse sur sa dernière exposition m'avait appris qu'il habitait Canterbury,  et j'ai eu de la chance car son calendrier semble aussi peu clairsemé que le mien, j'ai pu rencontrer Hamish Fulton,  un "walking artist" que j'admire beaucoup et dont les oeuvres m'ont beaucoup inspiré.
Pour Hamish Fulton,  la marche est source de création et ses oeuvres sont ses périples pédestres, les tableaux muraux et les photos qu'il expose en étant des prolongements.
Créer en marchant, faire d'un chemin une oeuvre d'art, ou un récit, ou l'inverse, voilà des choses qui résonnent en moi. En plus, notre échange est tout ce qu'il y a de simple et chaleureux.  Il est très content de rencontrer un marcheur, et aussi un journaliste moins borné que ceux qu'il rencontre dans les galeries d'art. "Ils me parlent de technique,  de tout un tas de choses peu intéressante mais jamais de marche et c'est ça qui m'intéresse!" Me dit il. L'alpinisme, le trail, sont pour lui une large source d'inspiration. Nous parlons tout naturellement du Népal (il a effectué pratiquement le même itinéraire que j'ai suivi lors de l'Himal Race 2010), du Tibet, de montagnes et de chemins, des connexions possible entre la création artistique, littéraire et l'activité sportive, de ces domaines qui ne devraient pas être étanches.
C'est donc rempli d'une bonne énergie que je débute mon chemin. Vraiment. 
Depuis la cathédrale, je trouve quelques balisage reprenant déjà le symbole de la via francigena,  un petit pèlerin stylisé. Mais ils seront de plus en plus rares ensuite. 
En fait, le tracé se confond avec la fin d'un chemin de randonnée anglais baptisé North down way et c'est donc ce sentier là que je vais tenter de suivre.
Les premiers kilomètres me plongent dans une calme campagne. Le soleil brille, j'ai vraiment de la chance.  Je poursuis ma marche d'un bon pas, j'ai tout de même l'impératif du ferry, mais comme l'étape est annoncée à 30 kilomètres, je ne force pas.
C'est une mise en jambes agréable. Jusqu'au premier village, Pattysborne, le chemin navigue entre bois et petite route, paisiblement.  Ensuite, il prend la clé des champs. Je dois être plus attentif aux indications,  parfois un peu effacées, et à mon guide, qui manque lui aussi un peu de précision. Souvent, le chemin coupe de vastes champs cultivés.  Il trace alors, souvent tout droit, une belle ligne entre les labours, éclairés par le contre-jour matinal.
Parfois,  l'agriculteur local a fait disparaître le sentier sous ses plants. Je trace alors droit à travers champs. Pour reprendre un terme hippique, le terrain est alors un peu lourd.
Cependant,  c'est lorsque je retombe sur une route ou une de ces charmantes localités du Kent que j'ai le plus de mal à trouver mon chemin. Le North down way n'est plus indiqué, je garde le cap mais tombe sur des champs clos sans solution de continuité.
Après l'avoir retrouver, je perds à nouveau la bonne trace. Je navigue à l'orientation et me rapproche cependant de Douvres. Je dois cependant longer quelques kilomètres la route principale, ce qui est nettement moins agréable (bien que cela me rappelle quelques passages de mon périple japonais). Je retrouve ensuite des bouts de chemins,  mais qui s'arrêtent vite.
Finalement,  à l'entrée de Douvres, je me retrouve dans un noeud d'autoroute d'où je ne vois plus trop comment mextraire à pied. La trace gps que j'ai sur mon téléphone (mais dont je ne peux pas vraiment me servir car je ne dispose pas du réseau) semble suivre un instant l'autoroute et bifurquer à travers champs, mais je ne vois pas où,  le guide est bien trop imprécis. Comme je suis tout dd même déjà à Douvres je me résous à attendre un autobus qui ramène des gens d'un centre commercial au centre ville.
Finalement,  au bout de deux ou trois kilomètres, je retrouve des rues qui sont sur mon plan et surtout des endroits où l'on peut marcher. Je descend donc du bus pour aller à pied à l'embarcadère et j'ai même le temps de faire un petit tour dans le plus vieux pub de la ville avanr d'embarquer.
Après une traversée tranquille, je reprends mon récit depuis ma chambre d'hôtel de Calais.  Elle est sur la digue,  presque entre terre et mer. Un endroit assez curieux que ce quartier de Calais. J'y suis parvenu en marchant une vingtaine de minutes depuis le port, ce qui m'a valu une courte vision nocturne de la ville. J'ai marché le long d'une drôle de balustrade aménagée pour les piétons depuis le débarcadère, puis vers le phare. L'ambiance de ce quartier là est bien particulière. Des réfugiés, qui ont posé leurs tentes sur un chemin de fer désaffecté, font un feu. Une prostituée interpelle bruyamment une voiture...ambiance! 
Mais tout se calme un peu plus loin et je retrouve une zone paisible. Comme je demande à un monsieur de me confirmer ma direction, il m'explique qu'il habite juste à côté de l'hôtel de la plage et me propose de partager ce qui nous reste de trajet. Ce calaisien de naissance (mais qui n'y ai pas toujours resté) se maintient en forme en marchant tout les matins et tous les soirs les 3 kilomètres qui le séparent de son lieu de travail. Il n'est pas toujours très rassuré quand il passe pres du camp, mais les violences sont finalement rares et entre réfugiés. Ils sont la depuis 1994...pour le reste, c'est calme et il apprécie cet environnement maritime et unique.
Cette gentille discussion du soir acheve sur une bonne note ma première journée de marche sur la Via francigena. Le kilomètrage assez modeste ne m'a pas fatigué et c'est avec de bonnes jambes que je partirai demain!