Profitons de cette semaine spéciale Festival Lumière pour vous parler films plus anciens, et plus particulièrement chefs d'oeuvre méconnus du 7ème art qu'il convient de réhabiliter. Et pour cela, Carlotta Films, cette société d'édition de DVD et de films en salles, qui n'en finit plus de nous ressuciter des pépites méconnues du 7ème art en nous offrant des versions restaurées et flambant neufs, nous propose une démarche bien évidemment tout à fait conforme à l'esprit du Festival Lumière.
Alors certes, la première sortie Carlotta que je vous chronique n'est pas si ancienne que cela puisque le film n'a même pas 25 ans. Je l'avais d'ailleurs vu sur Canal plus un an après sa sortie, soit vers 1991, et moi qui à l'époque avait pratiquement vu sur le sujet de la corruption dans la police uniquement les Ripoux de Claude Zidi, avait été complètement scotché par ce film choc, porté par la prestation extraordinaire de Nick Nolte en flic raciste et pourri jusqu'à la moële. Ma seconde vision, plus de 20 ans après confime largement mes premières impressions, alors même que le film n'est pas considéré hélas comme un chef d'oeuvre incontesté du 7ème art.
En effet, Contre-enquête ( à ne pas confondre avec le film du même nom avec Jean Dujardin, à des années lumières niveau qualité) est l'oeuvre d'un cinéaste, Sidney Lumet, assez sous estimé de son vivant, et dont le décès en 2011 semble avoir fait prendre conscience à tous les cinéphiles ou presque, quel grand cinéaste il était ( peut-être que le Festival Lumière le rehabiltera dans une des prochaines éditions, comme il l'a fait cette année pour Hal Hasby).
Nommé cinq fois aux Oscars, Sidney Lumet a simplement reçu un Oscar d’honneur en 2005 et pourtant, j'ai toujours considéré que ses films étaient à la hauteur d'un Scorsese ou d'un Copp, à la reconnaissance critique et public hautement supérieurs.
Son cinéma était certes de prime abord moins flamboyant, plus classique que ceux de ces confrères, mais il témoignait d'un sens de l'écriture formidable et d'une direction d'acteurs aux petits oignons. Serpico, tout d’abord, en 1973, avec Al Pacino, d’après l’histoire vraie d’un policier confronté à la corruption dans les services. et Le Prince de New-York en 1981, avec Treat Williams sont deux immenses polars réussis sur tous les plans.
Serpico et Le Prince de New York sont d'ailleurs les deux premiers volets, et Contre Enquête le troisième et dernier, de ce que Lumet lui même reconnait comme une "trilogie du polar new-yorkais" amorcée vingt ans plus tôt et qui nous montre à chaque fois un personnage de jeune idéaliste qui se confronte à un système ( judiciaire, policier..) totalement corrompu qu'il pense pouvoir dénoncer , mais qui finalement se fera complétement dévorer par lui.
Ici, ce jeune blanc bec candide et idéaliste n'est autre qu'un jeune substitut du procureur, Al Reilly, incarné par un Timothy Hutton falot, mais idéal pour le rôle se retrouve chargé d'une affaire aux prises avec Mike Brennan ( Nick Nolte), policier efficace et violent aux méthodes expéditives.qui abât de sang froid un gangster latino.
Basé sur l’autobiographie d’Edwin Torres ( juge de la Cour suprême reconverti en écrivain,auteur d'un autre roman qui a donné un chef d'oeuvre, Carlito’s Way- L'impasse, film réalisé par De Palma aussi dans les années 90), cette Contre Enquête est géniale à différents niveaux de lectures, que ce soit par l'écriture de ses personnages pleins de doutes et de questionnements, ou pour son propos plus général, celui de de démonter les rouages d'une sociéte et d'insitutions structurellement corrompu contre lesquels personne ne peut rien. La collusion entre certains de ses membres et les trafiquants de toutes sortes, de même que les ambitions politiques des plus hauts gradés de la Police, viennent assombrir l'image des autorités et d'institutions qui franchit allégèrement les limites de la légalité.
Mais Contre Enquête est également très fort, parce qu'il dit sur le racisme aux USA, et plus exactement sur ce qu'il dit sur sa banalisation à l'aube des années 90. Cette normalisation du racisme se voit dans les dialogues ( des Niggers à la pelle, presque autant que dans un Spike Lee), l'insulte devenant l'unique manière dont chacun des personnages se réfère aux autres, quelles que soient leurs origines) que dans les relations entre les personnages, et notamment les relations sentimentales ( très belle histoire au second plan, entre le jeune subsitut et son ex compagne métisse).
Magnifique plongée dans un univers marqué par la corruption à tous niveaux et le clivage racial, mais également thriller rythmé avec plein de rebondissements, ce Contre Enquête est un chef d'oeuvre que sa ressortie chez Carlotta ( depuis juillet dernier), dans une édition techniquement parfaite ( et encore je n'avais pas mon Blu Ray au moment où je l'ai vu) permet de réhabiliter parfaitement.
Contre-Enquête de Sidney Lumet : bande-annonce
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Et en bonus, ne manquez pas Désillusions , Entretien de 27 minutes avec le passionnant Jean-Baptiste Thoret, critique et historien du cinéma qui revient sur le film, ses origines et ses personnages.