Décidemment, la presse est une mine de réflexion, souvent involontaire, sur Wikipédia. Par contre, le site Slate.fr pose cette fois-ci une question qui apparaît comme pertinente : combien peut bien valoir ce site ? N'oublions pas que deux "monstres" de la toile, Facebook et Twitter, sont, ou sont sur le point d'être, introduits en bourse pour des montants qui peuvent nous apparaître comme colossaux (une dizaine de milliars de dollars pour le dernier cité).
Des chiffres
L'article retranscrit un raisonnement basique mais logique (à mon sens) proposés par deux participants au blog infojustice.org, et distingue deux choses : d'une part, la valorisation en terme de traffic et visualisation, et d'autre part, une valorisation intrinsèque, reposant sur le contenu. Et la valeur de Wikipédia (en tant qu'entité globale) sera, dans le premier cas : "des dizaines de milliards de dollars", en fait plutôt si l'on en croit le document détaillé accessible par l'article original, des centaines de milliards de dollars (voir la page 5), avec une fourchette pouvant aller de 54 à 1080 milliards de dollars. La fluctuation extrêmement importante est dûe à la variété des méthodes de comparaison choisies.
Et ça donne le tourni.
En comparaison, le chiffre évoqué pour un "remplacement", autrement dit, pour faire rédiger à des personnels appointés un contenu similaire (chiffré à 300 $ la page, ce qui n'est pas rien), serait d'environ 6 milliards de dollars. Je pense, sur ce point, qu'on est sur une moyenne : les contenus indigents d'un nombre important de pages ne peuvent être "vendus" ce prix là. Et je ne parle même pas du problème de l'illustration...
Les leçons
Les auteurs de cette étude ne se trompent pas en soulignant (si on en reste) le paradoxe apparent entre ces valorisations et le modèle économique choisi pour la création de cette valeur, le volontariat et l'"absence" du droit d'auteur, qui oppose les 25 millions (?) de coûts de fonctionnement annuel et les chiffres annoncés (ne prenons que le renouvellement, plus pertinent à mon goût). Ces chiffres constituent aussi un hommage au travail produit. Indubitablement.
Par contre, on soulignera qu'il s'agit (quelle que soit la façon de considérer la chose) d'une valeur globale. A savoir qu'il n'est pas évoqué dans l'étude bibliographique (brève) de distinction entre, d'une part, l'espace principal de Wikipédia (celui qui contient les "fiches") et l'espace "communautaire", qui compte quand même pour des visites de site, et d'autre part, entre un véritable article et une page quasiment vide ou non admissible (et ça, c'est la même chose pour le décompte des articles).
De fait, l'estimation du prix d'un objet, fut-il virtuel comme un site internet, ne dépend pas de facteurs comme la qualité ou même l'utilité réelle : il suffit de voir le prix d'une paire de baskets à la revente après son loin voyage depuis l'Asie. Et, également, celui estimé de Facebook (60 milliards de dollars). En fait, si l'on considère ce dernier chiffre, on peut raisonnablement penser que ces estimations de la valeur de Wikipédia devraient inciter une partie de la communauté à continuer son travail d'enrichissement (merci à eux) et une autre, à aller enrichir Facebook plutôt (faut penser à Marc Zuckerberg, un peu).
Petite griffure mise à part, cela suscite quand même des pistes de réflexions (sauf celle du retour des lecteurs, si on pouvait l'éviter).