La pause fiscale fait rage. Il ne se passe plus guère de journée sans qu’une nouvelle ponction soit découverte au détour d’une loi, d’un projet, d’un décret ou d’un rapport. L’ampleur même de cette « pause » laisse bien des commentateurs pantois tant par sa violence que par le nombre de personnes touchées.
Oui, l’oppression fiscale, que j’évoquais dans un précédent billet, s’installe assez rapidement. Chaque chronique, d’ici ou d’ailleurs, qui se penche honnêtement sur le sujet fiscal en France ne peut que constater l’accélération dans tous les domaines de la taxomanie galopante de tous nos élus.
Par exemple, on se rend compte qu’en loucedé, les taxes foncières ont augmenté de 21% en cinq ans (deux fois plus vite que l’inflation), ce qui est un bon rythme de progression alors que le PIB français, dans le même temps, n’a pas spécialement suivi la même courbe, que les salaires non plus et que la dette générale de l’État n’a pas baissé d’un cachou. Et comme cette taxe foncière est directement corrélée aux turgescences égotiques de nos élus locaux, on aura du mal à la justifier exclusivement par la simple maintenance des équipements actuels…
Chaque semaine passe avec son lot de découvertes de nouveaux foyers fiscaux, de nouvelles anfractuosités dans lesquelles se glissent sans hésiter les innombrables tentacules du monstre de Bercy.
Tenez, il y a quelques jours, on apprenait que les comptes Paypal devaient être déclarés, le fisc les jugeant parfaitement aptes à subir la ponction éventuelle de ses services. Bien évidemment, pour le moment, la communication officielle des saprophytes de Bercy se veut rassurante : mais non, m’ame Germaine, si vous avez deux euros trois sous sur votre compte Paypal, il n’y aura rien de spécial à faire, ni de taxes, voyons, c’est comme un porte-monnaie. Mais non, m’sieur Germain, cette histoire de compte à déclarer, c’est seulement valable si vous faites du commerce avec, hein, pas quand vous achetez quelques bricoles sur eBay ou sur Amazon.
Bien sûr, on sait ce qu’il en est des affirmations de notre si cher Trésor, et de la confiance qu’on peut lui attacher. D’ailleurs, en parlant d’Amazon, cette entreprise vient de découvrir cette délicieuse insécurité fiscale (qui n’est donc pas qu’un sentiment) qui fait de la vie d’entrepreneur cette magnifique tranche de rigolade et d’aventures palpitantes que le monde nous envie.
Et quand on parle d’inventivité fiscale, il ne faut pas chercher bien loin : après la bastonnade sur les boissons qui pétillent, les velléités de plus en plus marqués de cogner sur le vin, le gouvernement se lance dans l’impôt rétroactif sur l’épargne. Dans son émission, Nicolas Doze l’explique assez bien :
« C’est l’article 8 du projet de loi de finances de la Sécurité sociale qui n’est pas encore voté mais qui prévoit de taxer par les prélèvements sociaux le Plan d’Épargne en Action à 15,5% ; et surtout, cette taxe serait rétroactive et s’appliquerait sur tout l’historique des plus-values réalisées par le PEA. »
C’est un peu comme si, joie, bonheur et sodomie au trépan pétrolier, on vous demandait maintenant des impôts au barème actuel sur des revenus perçus il y a cinq ou dix ans. Comme d’habitude, ce seront les premiers centimètres qui seront les plus douloureux (mais bon, cette fois, il en en a plusieurs milliers).
Cette proposition du FMI et la pluie continue de taxes au niveau français ne doit rien au hasard : oui, nous sommes en plein HFT qui ne veut plus dire, comme avant, High Frequency Trading, mais bien High Frequency Taxing où le niveau de résolution à la journée ne suffit pas pour enregistrer tout ce qui se passe au niveau fiscal.
Et pour en être là, c’est parce que les institutions étatiques sont mortes de soif.
Et c’est logique, du reste : la croissance que les politiciens attendent comme un treizième mois n’est toujours pas là, quoi qu’ils en disent. Les contribuables et les électeurs, jadis citoyens mais devenus seulement tiroirs-caisses, n’ont pas une confiance débordante dans l’avenir et, au contraire de nos édiles devenus fous, se doutent bien que le temps n’est pas venu de se lancer dans des projets délirants. Bilan : la contraction du crédit continue de plus belle ; de ce point de vue, la déflation qu’on y observe et que j’avais déjà plusieurs fois évoquée (ici, en 2008 et là, en 2012) ne s’est pas calmée.
Et forcément, entre l’argent qui ne tourne pas et les projets qui ne repartent pas, les caisses de l’État ne se remplissent pas. Pire, à chaque nouvel impôt, chaque nouvelle taxe, la contraction des individus sur les maigres ressources qui leur restent se fait plus forte. L’immobilier, marché assez peu liquide mais d’une assiette gigantesque, en fait actuellement l’expérience, et de nombreux signes pointent vers un accroissement des problèmes futurs, avec un million de copropriétaires qui risquent de se retrouver en difficultés dans les prochains mois.
Tout le monde le sait, l’endettement ne peut être combattu que de quatre façons : l’augmentation des impôts (c’est fait, on n’est pas encore au taquet, mais on y sera bientôt), l’inflation (inévitable à terme mais pour le moment, impossible à déclencher), et bien sûr la confiscation de l’épargne par le chyprage des comptes … ou le défaut.
Et tout le monde le sait : nous aurons les quatre.
La seule chose surprenante, lorsqu’on énonce cela, est qu’il reste encore des gens surpris. Pourquoi ? Ce n’est pas comme si personne n’avait prévenu. Ce n’est pas comme s’il existait une cinquième solution, celle où tout se tasse gentiment, les cubes rentrent dans les cylindres sans furieux coups de marteau, et les dettes s’évaporent doucement dans un petit prout fugace à la frontière des ultrasons.
Dans les surpris, il y a bien sûr les benêts, les innocents, les simples d’esprits ou ceux qui ont baigné dans le déni de réalité et se réveillent doucement. Beaucoup n’ont pas demandé ce qui arrive. Peu, même, ont choisi ça, ont voté pour. Dans ceux-là, ceux qui voyaient bien en Hollande et sa clique le fossoyeur de la France ont déjà pris leurs précautions. Les plus avisés sont partis. Si vous le pouvez, fuyez : il est tout juste temps.
Pour les autres : vous le vouliez, vous l’avez voté, et maintenant, vous l’avez. Ça va picoter un peu, mais profitez-en bien.