Le polar est un guide
excitant pour visiter les marges de la société. Les finances grecques, par
exemple, que Petros Markaris aborde de front et avec violence dans Liquidations à la grecque. Le romancier
ajoute du désordre au désordre pour plonger le pays et son système bancaire
dans un chaos qu’on pourrait comparer seulement aux embouteillages d’Athènes –
dont le commissaire Charitos se plaint presque autant que ses compatriotes de
leurs salaires et pensions rabotés.
C’est d’abord l’ancien
gouverneur de la Banque centrale que son jardinier retrouve décapité chez lui
avec, épinglée sur le corps, une feuille de papier marquée d’une grande lettre
D. Ses anciens collaborateurs le
haïssaient. La piste terroriste est envisagée mais le commissaire n’y croit
pas. Puis c’est le directeur général de la First British Bank, un Anglais, de
quoi compliquer l’enquête en raison des implications internationales. Suivi par
le directeur hollandais d’une agence de notation qui n’avait pas été tendre
pour le pays lors d’une intervention télévisée. Les meurtres par décapitation,
tous marqués d’un D, se produisent au moment où une campagne d’affichage invite
les débiteurs des banques à ne pas rembourser celles-ci. Tout semble indiquer
une action concertée contre les assises d’une l’économie nationale déjà bien
mal en point.
Il va de soi que les
motivations du meurtrier se révéleront bien différentes, puisque l’effet de
surprise reste un ressort fondamental du genre policier et ajoute au plaisir de
la lecture. Peu importe : le romancier nous a baladés dans les coulisses
des banques, façade luxueuse et arrière-cour pleine de gravats… Michel
Volkovitch, le traducteur, fin connaisseur de la Grèce, explique en postface
pourquoi Petros Markaris en est une voix importante : « Les Grecs se sont retrouvés dans ces fictions si proches d’un
réel brûlant, où l’auteur, avec la même obstination que son héros, montre
l’éternelle corruption des puissants et les souffrances de leurs
victimes. »