Mes acouphènes ont failli me rendre fou (témoignage)

Publié le 14 octobre 2013 par Harmonic777888 @phbarraque

Gilles C., 41 ans vit depuis un an et demi avec un bruit incessant dans les oreilles. Ces acouphènes l’ont presque conduit à la dépression. Puis il a décidé de réagir et de ne pas laisser ce trouble lui gâcher la vie.

" Mes acouphènes sont apparus en février 2012. J’avais attrapé la grippe l’avant-veille d’un départ en vacances en famille et, comme nous ne voulions pas annuler le voyage, mon médecin m’avait prescrit des médicaments pour que mon séjour se passe le mieux possible. Une fois là-bas, mes oreilles ont commencé à siffler, mais cela m’était déjà arrivé à cause de la fièvre, alors je n’y ai pas spécialement prêté attention. En revanche, quand j’ai constaté que ce bruit n’avait pas disparu au bout de plusieurs jours, j’ai commencé à m’inquiéter.

 En fait, je savais ce qu’étaient les acouphènes parce que, des années auparavant, j'avais vu un reportage sur quelqu'un qui en souffrait et qui racontait son quotidien. A l’époque, moi qui ai toujours aimé le calme et le silence, je m’étais dit : « Mais quel horreur ! Ça doit être atroce de vivre ça ! » Voulant en savoir plus sur ce phénomène, notamment sur ses origines et les traitements, j’ai effectué des recherches sur Internet. J’ai lu plein de témoignages de personnes qui disaient qu’elles allaient endurer des acouphènes toute leur vie, que cela ne partirait jamais. Certaines en souffraient depuis vingt ans ! Là, j’ai commencé à vraiment m’inquiéter, d’autant que, par moments, ce bruit était très fort, à se taper la tête contre les murs.

Comme tous les témoignages insistaient sur le fait qu’il fallait se faire soigner de toute urgence parce que, plus l’on tardait, plus les chances de voir les acouphènes disparaître diminuaient, je suis allé consulter un médecin ORL. Il m’a retiré un petit bouchon de cire à l’intérieur d’une oreille et m’a prescrit un médicament en me certifiant que le sifflement allait disparaître au bout de quelques jours. J’étais surpris qu’il prenne mon problème aussi à la légère, sans même effectuer d’analyses plus approfondies.

 Le traitement s’est révélé inefficace et je suis donc retourné le voir. Et c’est moi qui lui ai suggéré de me faire passer des examens plus poussés ! Il m’a prescrit une radiographie et un scanner des sinus. Puis, lorsque je me suis rendu à l’hôpital pour passer ces radios, un médecin, pour le moins peu psychologue, m’a ri au nez. Quand je lui ai exposé la raison de ma venue, il m’a dit : « Mon bon monsieur, vous feriez mieux de vous y habituer tout de suite car on ne sait rien sur les acouphènes et vous allez avoir ça toute votre vie. » J’étais déjà dans un état de stress profond, et entendre ça de la part d’un médecin m’a paniqué davantage.

Plus généralement, dans les semaines et les mois qui ont suivi, j’ai été très étonné et déçu par les nombreux médecins que j’ai consultés. Quasiment aucun ne m’a véritablement pris au sérieux ni écouté ni même n’a fait preuve d’un peu d’humanité. Mon généraliste a été le seul à vraiment s’intéresser à moi, à ce que je ressentais et à la façon dont je le vivais. Avec tous les autres, c’est moi qui ai suggéré tel ou tel examen, car j’avais lu que les causes des acouphènes étaient multiples et que je voulais vraiment en trouver l’origine. Radiographie panoramique des dents, ostéopathie, homéopathie, et même huiles essentielles, j’ai tout essayé mais sans résultat.

En désespoir de cause, je me suis tourné vers une très grande spécialiste des acouphènes à Paris. Après un premier examen très approfondi de mon audition qui m’a coûté 150 euros dont seulement 50 euros remboursés, cette femme a à peine regardé les résultats, tout comme l’historique très détaillé de mon parcours que j’avais constitué ainsi que le questionnaire psychologique que l’on m’avait demandé de remplir dans la salle d’attente. 

 Elle m’a tout de suite prescrit huit séances d’électrostimulation transcrânienne. Le principe : deux électrodes placées autour d’une oreille envoient un courant électrique pour stimuler le cerveau. Dans le même temps, j’avais un casque sur l’oreille où était diffusé un bruit équivalent à mon acouphène. L’idée, c’était que mon cerveau s’habitue. J’avais placé tous mes espoirs dans ce traitement et j’ai été terriblement déçu, d’une part parce que cela s’est révélé sans aucun effet sur mes acouphènes, et d’autre part parce que, lorsqu’est venu le moment de faire le bilan avec cette grande spécialiste, elle était en vacances. Encore un médecin qui n’avait que faire de ma situation ! En sortant de son bureau, j’étais dévasté parce que j’avais l’impression, encore une fois, que tous les docteurs me laissaient tomber, même cette soi-disant spécialiste.  

Pendant toute cette période, je suis vraiment passé par des moments très difficiles. Le problème avec les acouphènes, c’est qu’il est impossible d’y échapper, même en se bouchant les oreilles puisque ce bruit est à l’intérieur de la tête. Ils ne laissent jamais aucun répit. Cela tournait à l’obsession et je ne pensais plus qu’à cela. J’étais dans une grande détresse et je pense que j’aurais pu sombrer dans la dépression ou me jeter sous un train tellement c’était insupportable. Ce qui m’en a empêché, c’est le soutien et la présence à mes côtés de celui qui partage ma vie. Il me comprend et ne fait jamais de remarques négatives. C’est une chance parce que j’ai lu de nombreux témoignages de personnes qui s’étaient heurtées à l’incompréhension et à l’impatience de leur entourage. Dans mon cas, au contraire, lorsque je n’avais pas le moral, mon compagnon m’a toujours épaulé, même s’il se sentait totalement impuissant face à ce que je vivais, et ce soutien a vraiment été primordial pour moi.

 Cela fait maintenant un an et demi que je vis avec ces acouphènes. Ils sont toujours là et j’ai développé moi-même des moyens afin de mieux les supporter. J’ai notamment trouvé sur Internet un « bruit blanc ». C’est un peu comme le bruit apaisant d’une fontaine, qui masque les sifflements et offre un soulagement temporaire. Parfois j’arrive presque à les oublier et d’autres fois, ils reviennent avec force au point, parfois, de me réveiller en pleine nuit. Dans ces cas-là, je me lève et j’écoute sur un lecteur CD portable un disque de thérapie sonore. Ses effets relaxants me permettent de supporter mieux ce bruit omniprésent.

Désormais, j’essaie de vivre normalement. Quand je m’endors, j’essaie de faire abstraction de mon acouphène en me concentrant sur ma respiration. A un moment donné, j’avais envisagé de ne plus accepter d’invitations à des soirées dansantes ou dans des lieux bruyants, de ne plus aller à des concerts. Je pensais alors que mon existence ne serait plus la même et que j’allais devoir tirer un trait sur toute vie sociale. Mais, depuis, j’ai repris le dessus, et j’ai décidé de vivre comme si cet acouphène n’existait pas. Je ne l’ai pas vaincu et j’aimerais beaucoup qu’il disparaisse un jour mais je ne veux pas non plus me raccrocher à un espoir qui ne se réalisera peut-être jamais. Alors je me suis fait une raison et j’essaie de ne surtout pas y penser pour ne pas retomber dans la détresse."

 Qu’en pense le spécialiste ?

Philippe Barraqué*, musicothérapeute

Connaît-on les causes des acouphènes ?

Philippe Barraqué : "Plus qu’une maladie, l’acouphène est un symptôme inhérent à de nombreuses pathologies. 5 à 10% d’entre eux peuvent être diagnostiqués car d’origine vasculaire ou articulaire. Les autres, soit la grande majorité d’entre eux, sont des acouphènes dits subjectifs, dont on commence seulement à comprendre les mécanismes et pour lesquels les réponses médicales ne permettent que de contourner le problème pour soigner la cause.

Comment les traiter ?

Philippe Barraqué : Il existe des traitements de confort par la thérapie sonore : bruit blanc, bruit rose [des sons de fréquences différentes, ndlr], CD… Ces sons de masquage font en sorte que le patient ne se focalise plus sur l’acouphène. Ce qui est intéressant, c’est que les recherches ont démontré que, chez les patients qui les écoutent chaque jour, on observe un processus d’habituation au niveau cérébral, qui a pour conséquence une diminution de l’intensité sonore de l’acouphène.

 Ce qui est intéressant, c’est que les recherches ont démontré que, chez les patients qui les écoutent chaque jour, on observe un processus d’habituation au niveau cérébral, qui a pour conséquence une diminution de l’intensité sonore de l’acouphène. Des méthodes qui ont pour but d’apaiser le patient, comme la relaxation, la méditation, le yoga, l’hypnose ou encore la sophrologie, sont également conseillées car il a été observé que beaucoup de personnes souffrant d’acouphènes étaient hypertendues ou stressées. Pour le moment, on en est là mais la recherche avance et je pense que, d’ici quelques années, la médecine proposera des solutions plus efficaces." 

 *Auteur de Dites stop à vos acouphènes, toutes les thérapies efficaces pour les éliminer, éditions J. Lyon. Plus d’infos sur www.stop-acouphenes.fr

- Article et interview parus dans l’hebdomadaire Nous Deux n°3451. Propos recueillis par Cédric Choukroun.

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