Le 7 octobre, Nicolas Sarkozy affichait triomphalement sur sa page Facebook « En décidant d’un non-lieu, la justice vient de me déclarer innocent dans le dossier Bettencourt. » Evidemment, je me garderai bien de mettre en doute l’innocence de notre ancien président. Je fais cependant remarquer que sa conclusion n’est pas tout à fait exacte. À ma connaissance, ce n’est qu’à l’issue d’un procès en révision qu’une cour peut déclarer qu’une personne déjà condamnée est innocente. Dans les autres cas, elle se contente de condamner ou de relaxer. Et ceci, après un jugement, ce qui a été épargné à Nicolas Sarkozy.
D’autre part, une ordonnance ne se limite pas à sa conclusion. Les juges motivant leur décision, il peut être intéressant d’en examiner les motifs. Mediapart a eu accès à cette ordonnance. On y lit, entre autres, ceci : « Il n’existe pas de charges suffisantes établissant un lien direct entre le comportement abusif de Nicolas Sarkozy et les actes préjudiciables consentis par Liliane Bettencourt de mises à disposition d’espèces… »
On est en droit de penser que les magistrats auteurs de cette ordonnance savent manier notre langue. En l’absence de charges impliquant notre ancien président de la République, ils auraient vraisemblablement écrit : « il n’existe pas de charges établissant un lien entre… ». Il n’est pas interdit de conclure, du fait de la présence des adjectifs suffisantes et direct, ceci : même si elles ne sont pas suffisantes, même si le lien supposé n’est pas direct, il existe des charges établissant un lien…On peut aussi remarquer que cette même phrase qualifie le comportement de Nicolas Sarkozy comme abusif.
Le site Médiapart relève dans cette même ordonnance que les juges déclarent comme peu crédibles certaines affirmations de Nicolas Sarkozy et expriment l’opinion suivante : « Le comportement incriminé de Nicolas Sarkozy, à savoir sa demande d’un soutien financier occulte, nécessairement en espèces, formulée à Liliane Bettencourt, personne âgée et vulnérable, alors qu’il exerce les fonctions de ministre de l’intérieur, et qu’il est candidat déclaré à l’élection présidentielle, est un comportement manifestement abusif. »
Comme brevet d’innocence, il me semble que l’on puisse faire mieux.